Aux origines des "Glorieuses de Bresse", les premiers concours de volailles

Les concours de volailles de fin d’année, devenus les ʺGlorieuses de Bresseʺ, sont une des fiertés de la Bresse agricole. Celui du 23 décembre 1862 est resté comme le symbole d’une ère nouvelle mais il n’a pas été le tout premier concours. La renommée de la volaille de Bresse s’est imposée au cours de la décennie précédente.

PREMIÈRE PARTIE : VERS LE PREMIER CONCOURS

AU XIXe siècle, la Révolution industrielle s’accompagne du développement des chemins de fer et des échanges commerciaux. Le réseau se dessine sous la Monarchie de Juillet (1830-1848) par l’adoption de l’Étoile Legrand [1] en juin 1842. Les concessions sont accordées et les lignes ferroviaires sont construites.

Bressans, à vos basses-cours !

Chalon-sur-Saône est tout juste relié à Paris par le rail qu’un propriétaire bressan pressent tous les bienfaits qu’apportera le chemin de fer au commerce de la volaille en Bresse. Le Journal de l’Ain publie la lettre de cet homme avisé le 28 novembre 1851 : « Les chemins de fer nouvellement établis vont porter la vie et l’activité commerciale sur tous les points de la France et bientôt par toute l’Europe. Chacun échangera ses produits (…), semblables à ces migrations errantes d’oiseaux qui changent de régions suivant les saisons.
Le trajet de Bourg à Paris, s’opérant en 17 heures et demie [2], les volailles achetées ici, la veille, peuvent au besoin, se manger le lendemain à Paris.
On comprend par-là de quelle importance les chemins de fer seront pour les débouchés des volailles grasses de Bresse. (…) Je dois ajouter que nulle part comme en Bresse, on ne sait arranger avec art les volailles plumées. Rien n’est appétissant comme leur aspect au sortir du ʺmouleʺ qui les a façonnées. Mises, ainsi troussées, en parallèle avec celle du Mans, nos volailles seront toujours enlevées les premières.
 »
Ce propriétaire affirme que « Foissiat, Bény, Marboz etc. [sont les] communes renommées pour leurs belles volailles » et il appelle l’attention des cultivateurs. « L’engraissement des volailles va augmenter chaque année ; on devra destiner à cela toutes les volailles possibles ; on est sûr que tout se vendra. »

L’ouverture de la section de Tonnerre à Dijon, en juin 1851, assure l’achèvement de la ligne ferroviaire de Paris à Chalon-sur-Saône.

Des volailles fines

Depuis longtemps, la Bresse produit des volailles grasses et fines et Alexandre Sirand [3] (1799-1871) les évoque dans un article, De l’engraissement des volailles en Bresse, paru dans l’Annuaire du département de l’Ain pour l’année 1852 avant de faire l’objet d’un tiré à part, largement diffusé.
Quelques extraits sont repris ici. « C’est un coup d’œil très beau que celui des paniers de nos Bressanes, quand huit ou dix poulardes ou chapons y reposent artistiquement arrangés et parés ». Toute la Bresse n’a pas adopté cette présentation et elle est encore spécifique aux marchés de Bourg.
Elle en expédie aussi. « On a calculé que du 10 décembre [1851] au 20 janvier [1852], il avait été expédié pour Paris plus de mille kilos de nos plus belles volailles. Deux mille au moins pour Lyon, en pièces fines seulement. Genève et la Suisse en ont tiré aussi pour plus de 100 kilogrammes, sans compter ce qui s’est enlevé dans d’autres directions pour l’intérieur de la France, ou consommé sur place. On voit par là que, dans un mois, on a vendu au moins six mille kilogrammes. C’est un débit énorme. »
Il est difficile d’évaluer « la quantité de volailles exportées par an de la Bresse car, outre les grasses et les très fines, il se vend à Bourg, et dans les marchés des communes, une immensité de poulets en vie ou de petites volailles marchandes ». Le commerce est aussi sujet aux aléas. « Quand le temps est doux, lors du marché, le prix des volailles baisse ; mais, s’il gèle, alors il augmente et l’on fait des envois au loin. »
Comme « il n’est pas de ferme en Bresse qui n’élève au moins deux douzaines de canards pour les engraisser », Alexandre Sirand évoque aussi l’engraissement des canards, à l’automne, et il ajoute, qu’après cuisson, leur graisse « se mange froide, en tartine ; c’est un régal parfait. (…) Ce n’est qu’en Bresse que l’expérience et la bonne inspiration ont appris cet usage ».

Le chaponnage

Le 22 mars 1854, le Journal de l’Ain reprend un article, Des volailles de Bresse, paru dans le ʺgraveʺ Moniteur [4]. L’article évoque « l’engraissement de la volaille, une spécialité de la Bresse, qui se livre à cette industrie depuis un temps immémorial » et le chaponnage « qui se pratique en grand dans le pays ».
« On se sert principalement, pour engraisser ces volailles, d’un mélange de farine de sarrazin et de maïs blanc. On en fait des boulettes qu’on fait avaler matin et soir, puis on fait boire un peu de lait étendu d’eau qu’on introduit dans le bec. Quelquefois, les boulettes sont trempées dans du lait afin qu’elles puissent couler plus facilement.

Scène de gavage en Bresse, au début du XXe siècle.

Tous ces engraissements de poulardes ou de chapons ont lieu dans des cages disposées de telle façon que les animaux restent dans une obscurité et une immobilité complètes (…). Toujours, on les entretient dans un grand état de propreté. Ces derniers soins sont indispensables à la réussite de l’entreprise. (…)
Quand elles sont tuées et plumées, on les enveloppe, toutes chaudes encore, dans un linge fin trempé dans du lait. On coud aussitôt en serrant un peu, de façon à donner à la volaille une forme ovale allongée flatteuse à l’œil, avantageuse à la vente, et qui sert de guide aux amateurs qui tiennent à être sûrs des provenances. (…) Parmi les volailles qui entrent à Paris, (…) la Bresse et le Mans ont certainement fourni une des plus larges parts.
 »
Ainsi la volaille de Bresse est-elle déjà connue à Paris et à l’étranger. Les échanges sont ensuite facilités par le chemin de fer, arrivé à Bourg en juin 1856 et relié à Mâcon et Paris par le franchissement de la Saône en juillet 1857. Et le Journal de l’Ain du 31 décembre 1858 constate que « le bureau des chemins de fer était hier encombré de panières de volailles, ou de chapons de Bresse expédiés dans toutes les directions ». À l’automne 1859, il se dit, qu’après son séjour à Genève, l’impératrice douairière de Russie a commandé des volailles de Bresse pour son prochain séjour hivernal à Nice et un courtier de Bourg est chargé d’expédier des volailles au maître d’hôtel du roi des Belges.

La gare de Bourg au début du XXe siècle. À l’extrême gauche, des cages à volailles sont déposées sur la charrette à bras. À côté, des paniers en osier contiennent peut-être des volailles mortes que les Bressans expédiaient en les déposant entre des couches de glace et de sciure de bois, pour les préserver au mieux. Là-encore, tout un savoir-faire !

Premier concours de volailles, à Bourg, en 1854

Des édiles locaux ont en effet œuvré en ce sens et, au début du mois de septembre 1854, la Société impériale d’émulation, d’agriculture, sciences, lettres et arts de l’Ain annonce un concours spécifique de volailles pour le mercredi 27 décembre 1854.

La ʺPlace électoraleʺ se situe au pied de l’église Notre-Dame.

La société encourage ainsi la qualité des produits de Bresse, « le commerce très considérable qui s’en fait pendant une bonne partie de l’année et que les facilités et la rapidité des transports par les chemins de fer doivent accroître » et des chapons et poulardes « qui ont déjà une célébrité universelle pour la délicatesse de leur chair et leur fumet particulier, et qui seront bientôt recherchés et transportés dans toute l’Europe [5] ».
Ce premier concours de volailles est perturbé par les mauvaises conditions météorologiques du mois de décembre, marqué par des bourrasques et des pluies abondantes. La veille, le Courrier de l’Ain écrit encore que « les pluies continuelles ont fait déborder toutes nos rivières ; les vallées de la Bresse sont inondées. La tempête de lundi dernier [25 décembre] a occasionné plusieurs sinistres ».
La participation au concours n’est pas connue et paraît limitée, « mais les fêtes, le mauvais temps et l’approche de la foire du 3 janvier ont influé ». Deux primes seulement sont attribuées le 27 décembre 1854 à deux chapons, tous deux vendus au prix de 24 F. Les poulardes présentées étant de qualité inférieure, les primes ont été reportées au mardi suivant, à des poulardes [6].

Les lauréats du premier concours de volailles de Bresse.

Ce concours, le premier [7] Concours de volailles de l’histoire de la Bresse, n’a pas eu de suite, peut-être à cause du décès du président Louis-Félix Chevrier-Corcelles, trois semaines plus tard, le 20 janvier 1855 [8].

Intégrés à d’autres concours

Le concours a été organisé par une Société savante alors qu’une loi du 20 mars 1851 a créé les Comices agricoles [9] et le pouvoir [10] souhaiterait leur accorder la prééminence afin de ʺs’attacherʺ le peuple rural par l’attribution de primes généreuses.
 côté des comices agricoles qui regroupent quelques cantons, sont créés des Concours régionaux qui rassemblent plusieurs départements pendant une semaine. Les Bressans n’y présentent guère leurs volailles, sauf à celui de Bourg.
Celui-ci se déroule du 24 au 30 mai 1859, et « une somme de 400 francs, trois médailles d’argent et dix de bronze sont mises à la disposition du jury » pour l’aviculture. Parmi les 210 lots [11], une médaille d’argent est attribuée à Mme de Westerweller de Confrançon, des médailles de bronze à MM. Chambaud de Péronnas, Sirand de Bourg, de la Tournelle à Coligny et la ferme-école de Pont-de-Veyle, pour leurs collections ou lots de races diverses. Les volailles de Bresse obtiennent des médailles de bronze avec M. de Rivoire de Montagnat, M. du Marché de Marboz et M. Berthet de Bény. Toutes ces médailles sont complétées par des sommes variant selon la qualité des sujets présentés.
Au concours de Lyon en mai 1861, une « médaille de bronze est attribuée, pour des coqs et poules de Bresse, à Mlle Louise de Westerweller à Confrançon. Un journal lyonnais, La Presse, écrit : « nous avions le droit de compter sur une exposition complète des poulets de la Bresse, dont la réputation, comme finesse de goût, comme délicatesse de manger, est universelle [12] ».
Bientôt, un nouvel épisode s’ouvrira pour l’expansion et la renommée de la volaille de Bresse grâce à l’activisme d’un député très proche du pouvoir impérial.

La "Société impériale d’émulation" poursuit son œuvre sur l’ensemble du département malgré les "Comices agricoles" mis en places.

SECONDE PARTIE : LES ANNÉES 1860

De trois comices à un seul

Trois Comices agricoles ont été créés en décembre 1851 à Bourg, Coligny et Bâgé-le-Châtel mais ils restent inactifs et la Société d’émulation de l’Ain continue à distribuer des primes en Bresse et, aux serviteurs et servantes, sur l’ensemble du département. Toutefois, « dans sa séance du 5 décembre 1860, [elle] s’est occupée de la création de [deux] comices agricoles [à Bourg et Pont-de-Vaux] (…). La Société restera comme le nœud des deux comices qui auront à leur tête M. le préfet, le député de l’arrondissement et le président de la Société comme présidents d’honneur [13] ».
Une lettre est aussitôt envoyée à tous les maires de l’arrondissement. Le Comice de Bourg, avec 300 adhérents, est installé le 13 février 1861 avec M. Rodet, président de la Société d’émulation, comme président, et celui de Pont-de-Vaux, avec 407 adhérents, le 17 février 1861 avec Frédéric Dufour comme président.
Cette organisation, qui implique le député de l’arrondissement, se met en place sans sa présence. Ce député est Léopold Le Hon, âgé de 24 ans, auparavant maître de requêtes au Conseil d’État. Il souhaitait être député et il est élu en Bresse en mars 1857 car le premier siège à se libérer est celui de Bourg, après la démission de M. Benoit-Champy, parti à Paris. Par là opportuniste, Léopold Le Hon n’est pas une personnalité banale car il a été le secrétaire particulier du ministre de l’Intérieur, le duc de Morny, au moment du coup d’état du 2 décembre 1851. Il reste très proche du pouvoir impérial.

L’intervention du député Léopold Le Hon

Au moment du Concours régional d’agriculture de mai 1859, Léopold Le Hon est curieusement absent du jury et non présent lors de la Distribution solennelle des récompenses aux lauréats. Trois ans plus tard, au printemps de 1862, il agit autoritairement en effaçant les deux Comices agricoles existants.
En effet, « sur la demande de M. le comte Léopold Le Hon, député l’Ain, M. le Préfet a convoqué les souscripteurs pour qu’ils aient à nommer les délégués chargés de procéder définitivement à l’organisation du Comice. Cette élection a lieu conformément à l’arrêté de M. le Préfet. Le dimanche 29 juin 1862, le Comice a procédé à son installation définitive ». Ont été élus à l’unanimité, M. le comte Le Hon, député, pour la présidence, MM. Rodet, président de la Société d’émulation, Mas, président de la Société d’horticulture, Pochet, maire de Pont-de-Vaux et de Saint-Didier, directeur de la ferme-école de Pont-de-Veyle, pour les vice-présidences. Comme « le Comice embrasse l’arrondissement entier, pour faciliter son action, il se divise en deux circonscriptions dites de Bourg et de Pont-de-Vaux ».
Cela ressemble beaucoup à une ʺmise sous tutelleʺ de la Bresse. Cette volonté est confirmée par une lettre du préfet de l’Ain où il écrit, à propos de la Société d’émulation et d’agriculture que « l’action de cette société, au point de vue des encouragements à l’agriculture, devient tout à fait secondaire par suite de la création d’un comice agricole embrassant tout l’arrondissement [14]. »
Pour respecter la primauté du Comice, la Société d’émulation décerne désormais des médailles aux instituteurs, aux apiculteurs et à un concours d’animaux reproducteurs.

Le député Léopold Le Hon.

Premiers concours

Au cours de son installation, le Comice décide que, chaque année, un concours aura lieu dans chacune des circonscriptions mais « la saison étant trop avancée pour que ces concours puissent avoir lieu utilement cette année, on se bornera pour cette fois à un concours d’animaux de boucherie et à un concours de volailles grasses. Le premier aura lieu à Bourg quelques jours avant celui de Lyon. Le deuxième aura également lieu à Bourg le dernier mercredi du mois de décembre. Ce concours s’étendra à tout le Comice. »
Ce concours du 23 décembre 1862 rassemble 591 volailles grasses, appartenant à plus de cent exposants des cantons de Bourg, Coligny et Treffort. Les médailles et les primes sont remises par le comte Léopold Le Hon aux plus beaux lots [15]. En première catégorie, Claude Paccard de Saint-Ētienne-du-Bois reçoit une médaille du ministère et 30 francs. Il devance Claude-Joseph Gergondet de Treffort (30 F), Benoit Perdrix de Saint-Étienne-du-Bois (20 F) et Benoit Nallet de Treffort (10 F). En seconde catégorie, M. Chanel d’Attignat reçoit la médaille du président et 20 francs, Pierre Chambard de Villemotier, 15 francs. Pour les plus belles paires (chapon et poularde), les récompenses vont à Claude Brazier de Treffort (20 F), Jean Favier de Villemotier (10 F), Victor Lobrichon de Bény et M. Guichardon de Bény (10 F)
L’année suivante, le concours du 22 décembre 1863 rassemble 168 éleveurs, 257 poulardes et 647 chapons. Le premier prix, doté d’une médaille d’argent du ministre du Commerce et d’une prime de 40 francs, est remis à Joseph Gergondet de Treffort. Les cinq autres prix du comice sont complétés par deux, accordés par la ville de Bourg. Pour la plus belle paire, la médaille d’argent du président et les 30 francs sont attribués à Claude-Marie Paccard de Saint-Étienne-du-Bois. Avec les six prix du comice et les huit de la ville de Bourg, ce concours attribue quatorze primes [16].

Conquérir Paris

Après avoir séduit la Bresse, Léopold Le Hon part à la conquête de Paris. Par ses relations dans le cercle du pouvoir impérial, il obtient l’organisation d’un concours de volailles à Paris, au Palais de l’industrie, les 20 et 21 décembre 1864, en s’assurant la présidence de l’organisation et du jury. En prenant en charge les frais de déplacement, il convainc les éleveurs bressans de se déplacer en grand nombre à Paris [17]. Le concours rassemble 506 lots et 2 087 volailles, en provenance de 22 départements.
Pour la volaille de Bresse, Claude Gergondet gagne le premier prix, la médaille d’or et 100 francs de primes tant pour les chapons que les poulardes. Dans ces catégories, ses suivants sont MM. Chanel d’Attignat (80 F) et Jugnon de Bény (70 F). D’autres Bressans sont primés : des médailles de bronze pour M. Montart de Servas (dindons), pour M. Perraud de Péronnas (canards) et pour M. Chambaud de Péronnas (pigeons).
Enfin, « le "Prix d’honneur", qui a été disputé entre tous les propriétaires de lots concourant, et consistant en une médaille d’or grand module, a été décerné à M. Gergondet à Treffort (Ain), pour le lot n° 111, composé de quatre poulardes qui ont l’admiration des connaisseurs. »
Les volailles de Louhans, « jugées de race moins pure que celle de Bresse » ont concouru, pour la plupart, et obtenu des prix [18] dans la catégorie des races diverses.
Les volailles de Bresse de l’arrondissement de Bourg font l’admiration du public et des journalistes par leur présentation ; elles sont « si rondes, si admirablement troussées ». Le Courrier de l’Ain du 22 décembre 1864 consacre cinq colonnes et demie à ce concours, dont une en première page. Il ajoute que « c’est un concert d’exclamations admiratives, un crescendo d’enthousiasme ». Un journal parisien note que le député de l’Ain avait « préparé ses mandants par deux exhibitions locales qui avaient complètement réussi [19]  ».
Le député Léopold Le Hon a réussi son opération pour la promotion de la volaille de Bresse dans la capitale. D’ailleurs, « M. Jambon, approvisionneur de volailles, vient d’établir, à Paris, une succursale de sa maison de Bourg, pour la vente des chapons et des poulardes. Il a fait circuler, fort à propos, des cartes indicatrices parmi les visiteurs de l’exposition ».

Le concours de Paris au Palais de l’industrie en décembre 1864 avec, aux murs, de nombreux panneaux Ain.

Après janvier 1865

Le concours parisien a entraîné le report du concours de Bourg au 24 janvier 1865, qui rassemble 246 chapons et 207 poulardes. Le lauréat est Claude Jugnon de Bény pour le plus beau lot et Benoit Perdrix de Saint-Étienne-du-Bois pour la plus belle paire.
Ainsi se clôt la première séquence des concours spécifiques de volailles. Celles-ci sont désormais présentées lors des comices agricoles.
Au second concours de Paris, les 20 et 21 décembre 1865, les Sarthois de La Flèche, qui « se sont préparés avec plus d’art », prennent leur revanche, déjà par une participation plus forte (45 éleveurs contre 29 ; 77 lots contre 48), et par le gain du Prix d’honneur avec « M. Desjardins qui s’est surpassé par la perfection de ses animaux ». Présent pour la remise des récompenses au concours de Pont-de-Vaux, Léopold Le Hon n’a pas accompagné ses Bressans à Paris. Là, en décembre 1866, les 29 éleveurs bressans présentent 224 chapons ou poulardes (282 par les Sarthois) et le Prix d’honneur est attribué à des dindons.
En effet, il se consacre à d’autres sujets, comme les Bibliothèques populaires ou la Société hippique. Au Parlement, il œuvre à la loi de juillet 1865 à propos des chemins de fer départementaux. Pour l’Ain, il conçoit ensuite un réseau avec sept lignes. Trois seront construites : d’Ambérieu à Villebois, de Bourg à Saint-Germain-du-Plain (Saône-et-Loire) et de Bourg-La Cluse. En 1868, l’Empereur lui confie une mission en Algérie.

Un chapon est un coq châtré pour engraisser davantage. En Bresse, la crête et les barbillons sont aussi supprimés pour vérifier si la castration a été complète.
Cette photo montre l’écart de taille entre un chapon, paré de bleu, et une poularde, ornée d’un ruban rose.

Après le Second Empire

La chute du Second Empire dans la guerre franco-prussienne de 1870-1871 entraîne une disgrâce pour Léopold Le Hon en Bresse. Il rachète le Journal de l’Ain mais les Bressans ne lui accorde plus leur confiance pour le siège de député [20].
Si Louhans (Saône-et-Loire) reprend rapidement son concours de volailles de fin décembre et les réserve aux seules volailles de Bresse à partir de 1874, Bourg vit une situation plus complexe. Après le Concours régional de Bourg, du 4 au 6 février 1876, où des volailles mortes sont présentées, il est temps d’agir car Louhans a déjà su « donner, à la vente de ses volailles sur le marché de Paris, un grand développement [21] ». Le Professeur d’agriculture F. Degrully, arrivé de la Loire, en homme "neutre", contribue à effacer les susceptibilités locales et à fédérer les énergies autour d’un nouveau Comice agricole.
Un concours de volailles grasses est proposé, à Bourg, le 23 décembre 1879 mais, à cause du froid intense de ce mois de décembre, il ne rassemble que 36 exposants et 134 volailles. Il signe néanmoins la reprise du concours de volailles grasses qui sera organisé, sans interruption, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Il reprendra ensuite.

Le conflit franco-prussien a interrompu le concours de Louhans durant une période beaucoup plus courte qu’à Bourg.

Des compléments

Pourquoi le concours de 1854 a-t-il été oublié ?
L’écart de temps, entre sa date et celui lancé par Léopold Le Hon, l’explique peut-être. Après-guerre, beaucoup d’historiens ont pris pour "argent comptant" l’ouvrage d’Antoine Boudol, La volaille de Bresse, publié en 1947. Lui-même avait repris les propos du secrétaire du Comice agricole de Bourg, J. Mégard, publiés en 1938 dans l’Agriculteur de l’Ain [22]. Ces responsables agricoles n’inspiraient-ils pas confiance ? Et il fallait remonter davantage qu’en 1862, pour huit années creuses !

1912, année du cinquantenaire
Le cinquantenaire du concours de décembre 1962 n’a pas été fêté. Le 3 juillet 1912, le Journal de l’Ain écrivait : « le Cinquantenaire du Comice agricole de Bourg est une fête qui s’impose. Osera-t-on en lancer l’idée ? C’est douteux, car ce serait aller à l’encontre de ceux qui proclament que l’Empire n’a rien fait pour le pays et que la République a tout créé, tout organisé ».
En cette année du cinquantenaire, d’autres concours sont organisés [23] à Mâcon (à partir de 1908), Montrevel (à partir de 1909) et Mézériat (à partir de 1911). Un concours a eu lieu à Saint-Laurent-sur-Saône en 1907.
Ces concours ont été supprimés pendant la guerre, à l’inverse de celui de Bourg qui s’est maintenu.

Exposition des volailles mortes lors du concours de Bourg en décembre 1911. Collection R. Riche

Glorieuses de Bresse ?
Depuis quand l’expression "Glorieuses de Bresse" est-elle employée ?
Elle a sans doute été lancée "à la cantonade" et elle apparaît dans la presse locale en 1959, d’abord dans Le Dauphiné-Libéré (17 décembre) puis dans Le Progrès (19 décembre). Après la Seconde Guerre, les concours sont dénommés Parade des pattes bleues.

Régénération !
Par ses privations, la Seconde Guerre a beaucoup nui à la pureté de la race Bresse. Elle a été régénérée à partir des 108 élevages qui l’avaient préservée, dont 62 situés sur la commune de Saint-Étienne-du-Bois et un en territoire de Dombes, à Châtillon-sur-Chalaronne. Neuf autres élevages seront ajoutés à la première liste.

Gauloise de Bresse ?
À l’origine, la volaille de Bresse compte plusieurs variétés, la blanche de Bény, la grise de Bourg et la noire de Louhans, les plus répandues. D’autres ont disparu assez tôt, la bleue et la fauve. Seule, la blanche a été retenue lors de l’obtention de l’Appellation d’origine contrôlée, en 1957.
Pour tous et depuis toujours, la volaille de Bresse appartenait à la race de Bresse. En décembre 1993, l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) a introduit les mots de Gauloise de Bresse, sans justification historique.

L’avis d’un aviculteur de la capitale...
Une belle basse-cour de la région de Bourg, avec, a priori, les trois variétés du poulet de Bresse, des oies, des pintades et des dindes.
Des centaines d’éleveurs et une uniformité de la volaille de Bresse grâce aux exigences drastiques des coquetiers, les intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs.

Voir, en complément ci-dessous, l’article 150 ans de concours de volailles à Bourg-en-Bresse, paru dans les Chroniques de Bresse de 2012, édition en papier, et le PDF en annexe.

Pour tout connaître sur la vie et l’œuvre d’ Alexandre Sirand (1799-1871), l’érudit bressan infatigable

Rémi Riche

Article de décembre 2019, modifié en décembre 2022.

Document à télécharger

Photos

[1Schématiquement, réseau à sept branches de Paris vers les grandes villes périphériques du territoire.

[2Trajet de Bourg à Chalon-sur-Saône en voiture hippomobile, puis train de Chalon à Paris, selon l’ʺAnnuaire du département de l’Ain pour l’année 1851ʺ.

[3Pour en savoir plus sur cet érudit, voir en fin de chronique.

[4Considéré comme l’organe officiel du gouvernement et l’ancêtre du Journal officiel.

[5Journal de l’Ain du 6 septembre 1854.

[6Courrier de l’Ain des 28 décembre 1854 et 4 janvier 1855.

[7La période jusqu’en 1840 a été consultée.

[8À propos de la Société d’émulation, le dossier 7M55 des A.D. Ain ne conserve pas le rapport des activités de 1854. Les deux primes attribuées aux poulardes figurent sur celui de 1855.

[9Ces termes désignent, tout à la fois, un concours agricole et la structure organisatrice.

[10Louis-Napoléon, président de la République, en 1848, devient empereur par son coup d’État du 2 décembre 1851.

[11Généralement composés d’un coq et d’une ou deux poules.

[12Article repris par le Courrier de l’Ain du 16 mai 1861.

[13Journal d’agriculture, sciences, lettres et arts. Année 1860.

[14Lettre du 6 février 1853 accompagnant la demande d’attribution d’une subvention. A.D. Ain. 7M36.

[15Courrier de l’Ain du 23 décembre 1862.

[16Courrier de l’Ain du 22 décembre 1863.

[17Par le train, le voyage s’effectue en un peu plus de 11 heures (11h06) avec une correspondance à Mâcon ; par exemple, départ de Bourg à 19h49 et arrivée à Paris à 6h55.

[18Ils sont décernés, non pas aux hommes, mais aux femmes ; elles qui gèrent la basse-cour.

[19Le Constitutionnel fait ainsi allusion aux concours de Bourg de 1862 et 1863.

[20Il décède à Paris le 31 octobre 1879, des suites d’un accident

[21Courrier de l’Ain du 11 octobre 1879.

[22Il semble qu’il n’a remonté le temps que jusqu’à 1857.

[23Selon les échos de la presse locale.

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