ANDRÉ AMPÈRE, PROFESSEUR À BOURG (1802-1803)

Jeune marié et père affectueux, Ampère quitte son foyer lyonnais pour un poste de professeur de physique à Bourg. Loin des siens, il assure consciencieusement les revenus réguliers du ménage, se lie d’amitié avec ses collègues et les érudits burgiens. Il souffre de la séparation familiale mais vit à Bourg avec ardeur et mélancolie. Il s’amuse aussi des mœurs bressanes et de leur Martinoire.

Jeunesse heureuse et brisée

André Ampère naît le 20 janvier 1775 à Lyon, deuxième enfant d’une famille bourgeoise de négociant en soie. En 1782, à 50 ans, son père prend une retraite précoce pour se retirer dans la maison achetée cinq ans plus tôt, à Poleymieux-aux-Monts-d’Or, à trois lieues de Lyon. La famille revient à Lyon pour les mois d’hiver.

L’enfant ne va pas à l’école et, dans l’esprit de Jean-Jacques Rousseau, son père l’éduque en s’appuyant sur sa bibliothèque qui compte notamment l’Histoire naturelle de Buffon et l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. André Ampère, d’une nature enthousiaste, étudie toutes les matières, s’intéresse à la botanique en parcourant la campagne, apprend seul le latin et le grec. Enfant précoce, il suit quelques cours de sciences au Collège de la Trinité à Lyon. À treize ans, il se passionne pour les mathématiques et envoie un mémoire à l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, Sur la rectification d’un arc quelconque de cercle plus petit que la demi-conférence.

Les années qui suivent sont marquées par deux malheurs indépendants l’un de l’autre. Sa sœur aînée, Antoinette, décède en février 1792, à vingt ans. Sous la Révolution, son père est nommé juge de paix en septembre 1791. Dans une ville plus girondine que jacobine, les opposants se fédèrent mais le Comité de Salut Public ne tolère pas les foyers contre-révolutionnaires. Assiégée, la ville tombe au bout de six mois, le 9 octobre 1793. Le père d’André Ampère est aussitôt arrêté, jugé et guillotiné le 23 novembre 1793. Le séquestre des biens ruine la famille. André tombe dans un état de prostration pendant plus d’une année. La maison de Poleymieux est récupérée et c’est là, qu’au cœur de la campagne et grâce à son esprit bouillonnant, il se remet par les lectures, la botanique et la poésie.

Vue actuelle du village de Poleymieux (Rhône), depuis la Maison d’Ampère.

Au cours d’une balade, il aperçoit Julie Carron, en tombe amoureux de manière passionnée, très romantique. Grâce à des relations de voisinage, il peut la revoir, lui écrire et échanger des livres. Dans un premier temps, la jeune fille ne répond pas à ses avances mais ne le repousse pas. Élise, la sœur de Julie, le considère avec bienveillance et voit un homme bon et honnête derrière ce voisin un peu gauche, sans situation. André Ampère ne donne que quelques cours privés à Lyon. Julie [1] l’accepte finalement et le mariage civil a lieu le 2 août 1799 [2] à Lyon, suivi d’un mariage religieux clandestin le 7 août 1799. André Ampère se déclare mathématicien sur le contrat de mariage. Pour subvenir aux besoins du ménage, il installe un laboratoire dans leur appartement de Lyon (18 rue Mercière) pour ses leçons de physique et de chimie. Un fils, Jean-Jacques, naît le 12 août 1800. Leur vie est délicieuse et paisible, ce sera la seule période de bonheur familial pour André Ampère.

PREMIÈRE PÉRIODE À BOURG

Premier cours le 12 mars 1802

À l’École centrale de Bourg [3] le professeur de physique est révoqué le 16 décembre 1801 et André Ampère est choisi pour le remplacer. Il quitte Lyon, voyage par Trévoux et Châtillon-en-Dombes et arrive à Bourg le 19 février 1802.

Il se présente à Thomas Riboud, président du tribunal criminel, correspondant de l’Institut, secrétaire de la Société d’Émulation et d’Agriculture de l’Ain [4]. Les jurés lui remettent son acte de nomination qui précise que le « Citoyen Ampère réunissait toutes les conditions requises pour occuper la place de professeur de physique près l’École centrale de ce département (…) et que le Citoyen Ampère sera installé dans ses fonctions le 1er ventôse par les membres du jury d’instruction publique, après avoir toutefois souscrit la promesse de fidélité à la constitution de l’An VIII ». Il remet ce document au préfet, qui le reçoit très bien, et ensuite, il est invité à dîner chez Thomas Riboud.

Portrait d’Ampère exposé au Musée de l’électricité à Poleymieux (Rhône).

Le lendemain, il visite son lieu de travail et écrit à Julie, son épouse [5] : « J’ai vu ce soir le cabinet de physique, le laboratoire de chimie, et l’unique petite chambre avec alcôve (…) J’ai été fort content des machines de physique. Le laboratoire de chimie a un grand manteau de cheminée, par où doivent s’exhaler toutes les vapeurs nuisibles. Il y a assez de ressources pour les différentes expériences. ». Peu après, il ajoute : « Fais-moi le plaisir d’acheter et de m’envoyer le plus tôt possible l’ouvrage intitulé Description et usage d’un cabinet de physique, par Sigaud de Lafond. Rien n’est plus important pour moi ». Il est définitivement installé, « j’ai la clé du cabinet dans ma poche » (23 février 1802). Il loge au pied de l’église Notre-Dame.

Il donne son premier cours, en public, le 12 mars 1802. « Je viens de faire l’ouverture de mon cours, ma bonne amie. J’avais fait un discours que j’ai lu et qui a été bien accueilli, mais assez mal entendu parce que la salle est très vaste et que l’on m’avait placé très loin des auditeurs. (…) Je ne suis ni content ni fâché. Mais, après avoir été dans une vive agitation tout le jour, et surtout à mesure que le moment approchait, je me trouve subitement dans un calme apathique si complet qu’il a causé dans toutes mes idées une des plus singulières révolutions que j’aie éprouvées de ma vie » (12 mars 1802).

Rompre l’ennui

En l’absence de son épouse, Ampère trompe son ennui en découvrant peu à peu la ville et ses environs. Ayant appris l’existence d’une rivière, il va la voir le 22 février 1802 : « On l’appelle la Reyssouce et il y a assez d’eau pour faire aller tout juste trois roues de moulin de front. Les bords en doivent être très agréables en été ; de vastes prairies y sont coupées par deux grandes allées de peupliers d’Italie. (…) La ville possède en outre trois promenades publiques, le Mail, le Quinconce et le Bastion, plantés d’arbres. » Une semaine plus tard, il complète : « Je suis sorti pour me promener pour la première fois hors de la ville. J’’ai passé la rivière sur un pont et je l’ai côtoyée sur la rive opposée à la ville. Ce sont de vastes prairies coupées de canaux, charmantes dans ce temps-ci, mais fangeuses et puantes dans les grandes chaleurs, où les canaux sont à sec. Je suis revenu par la belle allée de peupliers d’Italie dont je t’ai déjà parlé. Aussi, après être sorti par la porte de Mâcon, je suis rentré par celle des Halles [6]. » (28 février 1802).

Centre-ville de Bourg, croquis d’André Ampère. Visages de l’Ain n° 22-1953.

Plusieurs notations suivent. Le 18 mars 1802 : « J’ai parcouru une petite portion de la route que je voudrais parcourir en entier, de celle qui me conduirait auprès de ma Julie. J’avais passé, en venant ici et avant d’entrer dans la ville, devant une superbe église antique dans le goût gothique, mais très richement ornée ; on l’appelle l’église de Brou [7]. » Le 28 avril : « J’ai voulu me promener et herboriser. J’ai remonté la Reyssouce dans les prés et, en continuant toujours d’en côtoyer le bord, je suis arrivé à vingt pas d’un bois charmant (…). Arrivé là, la rivière, par un détour subit, m’a ôté toute espérance d’y parvenir en se montrant entre lui et moi. Il a donc fallu y renoncer et je suis revenu par la route de Bourg au village de Ceyzériat, qui est plantée de peupliers d’Italie qui en font une superbe avenue. J’y ai trouvé le père d’un élève. Nous sommes revenus en causant. J’avais à la main un paquet de plantes, parmi lesquelles il s’en trouvait une nouvelle pour moi, et d’autres rares dans le Lyonnais et communes ici ». Le 12 mai : « Me trouvant fatigué et mal à la tête, je sortis pour m’aller promener du côté de Brou. J’y trouvai la plupart de mes élèves du cours. Ils allaient voir les courses de chevaux que Joanny est venu établir ici depuis qu’il a quitté Lyon. C’était sa dernière représentation ; j’y entrai pour mes douze sous et j’y restai jusqu’à la fin, c’est-à-dire 8 heures du soir. ».

En père attentif attendant son épouse

Il espère faire venir son épouse, pour une courte période, dans un premier temps. Ils échangent par courrier. André, le 5 mars 1802 : « J’ai toujours bonne espérance d’aller te chercher vers Pâques. Mais, si tu ne te portes pas mieux, je te laisserai une seconde fois loin de moi, après avoir passé près de toi un jour bien court. Si je puis motiver ce voyage par la nécessité de quelques acquisitions utiles au cabinet, il pourrait arriver que je ne le fisse pas à mes frais. ». Julie, le 13 mars 1802 : Informe-toi s’il y a des voitures qui aillent de Thoissey à Bourg parce que, pour voyager, la diligence par eau serait bien plus agréable. Informe-toi, si tu peux, de tous les moyens et de la distance qu’il y aurait. Je suis pressée, pressée. ». André, les 16 et 18 mars 1802 : « Il n’y a point de voiture d’ici à Thoissey ; mais tout le monde, quand j’en ai parlé, m’a dit qu’il fallait passer par Mâcon. (…) On dit que la route par Mâcon est superbe d’ici là et l’on y remonte par une diligence très douce ; il faut malheureusement se lever bien matin. La voiture d’ici à Mâcon est bien montée et part à jour fixe, le lendemain de l’arrivée de la diligence. Il faut nécessairement coucher à Mâcon. Dis-moi ce que tu en penses ? » Mais, le 22 mars : « Je suis bien inquiet, ma bonne amie, de tout ce que j’apprends par ta lettre. (…) Je n’ai pas encore pu savoir l’état où tu te trouves précisément, si cette grosseur est toujours de même. »

À ce moment, une grosseur a été découverte dans le ventre de Julie, une grosseur qui augmentera de volume. Elle écrit le 23 mars : « Le beau temps, la campagne me feront peut-être du bien. Je ne parle pas de l’air de Bourg ; car, malgré mon projet d’y aller, il se pourrait bien que je ne pusse pas [8]. ». Un voyage à Bourg lui semble compromis et, même si l’éventualité est toujours évoquée, elle ne viendra jamais à Bourg.

Ampère se morfond toujours et la correspondance avec son épouse est indispensable à son âme romantique. Il écrit une série de lettres. Le 18 mars 1802 : « J’ai trouvé, hors de la ville, un petit chemin champêtre qui m’a conduit à la rivière. Je me suis assis dans un pré où je la voyais couler devant moi. De l’autre côté de la rivière, des bergers gardaient des vaches ; une bergère chantait dans le lointain. C’est dans ce joli paysage que j’ai relu toutes tes lettres. Quel plaisir m’ont fait éprouver certaines pensées qui n’appartiennent qu’à toi ! ». Le 11 avril 1802 : « J’ai été faire un tour de promenade sous les arbres qui forment un bouquet dans un coin du jardin du collège. C’est là que je pensais à toi, à la manière dont ma vie s’écoule ici dans l’ennui et toutes ces idées ne m’ont pas rendu le cœur gai. » Le 31 mai 1802 : « Tu me donnes ensuite des détails sur ta santé ; tu me dis qu’elle t’a permis d’aller en Bellecour avec le petit qui cherche partout son papa. Chaque ligne donne envie de pleurer d’attendrissement. »
Le 13 juin 1802 : « Je finis cette lettre parce que j’entends sonner une messe où je veux aller demander la guérison de ma Julie. Pauvre petite ! Que je voudrais qu’elle vînt bien vite ! Je charge mon petit d’embrasser ma Julie de ma part et ma Julie d’embrasser mon petit. Que je les aime, ma Julie, mon petit ! »

Se préoccuper de son avenir

Très tôt, Ampère a éprouvé le besoin de résoudre des problèmes mathématiques. Lorsqu’il arrive à Bourg, il a entrepris la rédaction des Considérations sur la théorie mathématique du jeu. Il envoie son manuscrit à Julie, le 12 mai 1802, pour qu’elle le fasse imprimer par son cousin, imprimeur à Lyon. Ce dernier « parut craindre que, si tu le faisais imprimer, le gouvernement ne trouvât pas de son goût une chose qui parlait contre les jeux, retirant de la loterie une forte imposition. Je priai M. Couppier [9] de venir le lire parce que j’étais bien charmée de connaître ce qu’il en pensait. Il n’a pas été de l’avis de mon cousin ; mais il pense au contraire que c’est très intéressant. » Ampère ne pense pas que « le gouvernement le désapprouve. (…) cent mille mémoires sur cet objet n’empêcheront pas les badauds de porter leur argent dans ses bureaux. Je persiste donc à le faire imprimer à mes frais. » (22 mai 1802).

Il apporte des corrections et sollicite la contribution de son collègue, professeur de mathématiques, « M. Clerc vient tous les matins travailler avec moi jusqu’à sa leçon à 10 heures » (3 juin 1802). Il continue « J’ai fait hier une importante découverte sur la théorie du jeu, en parvenant à résoudre un nouveau problème plus difficile encore que le précédent », puis « ce sera, tel qu’il est à présent, un ouvrage infiniment supérieur à ce que j’avais d’abord fait. Je l’achèverai demain et tu le recevras jeudi » (8 et 19 juin 1802). En parallèle, il a travaillé sur un autre ouvrage, Leçons élémentaires sur les séries, et autres formules indéfinies, en collaboration avec M. Clerc. Julie s’inquiète : « Ne te livres-tu point trop à M. Clerc ? Tu le connais depuis si peu de temps ! Pourquoi lui as-tu montré ton ouvrage ? (22 mai 1802). Mais le projet, presque mené à bien, n’aboutira pas et ne sera pas publié.

L’importance d’une publication

Au moment où Ampère travaille à ses ouvrages, il est saisi d’inquiétude : une loi du 1er mai 1802 supprime les Écoles centrales. Celles-ci seront remplacées par des lycées ou, comme à Bourg, par des collèges. Il s’entretient avec son épouse : « Je vais te raconter tout ce que je sais et pense des lycées. Il y en aura au moins 32 et on laisse l’espoir qu’il y en ait davantage. Mettons 40 ; ce sont 40 professeurs de mathématiques et 40 de physique à choisir en France. (…) Il faut que je sois sur ce tableau un des 40 premiers, ou pour les mathématiques ou pour la physique, et ma principale espérance est de me faire distinguer en parlant également bien ces deux sciences : ce qui ne sera peut-être pas facile à beaucoup de candidats. » (7 mai 1802). Il a déjà écrit « que les professeurs des lycées ne seront nommés, ni à Paris, ni par les jurys, mais par trois commissaires et trois membres de l’Institut qui parcourront les provinces. » (25 avril 1802). Ensuite, « j’ai laissé passer des jours sans écrire à ma Julie. Je travaillais pour elle en donnant des leçons particulières et en écrivant le petit mémoire qui doit contribuer à faire jeter les yeux sur moi pour les places des lycées. » (13 juin 1802). « Je t’enverrai le manuscrit mercredi. Il sera à propos qu’il s’imprime de suite ; je suis sûr qu’il me vaudra (…) une place de lycée, car il n’y a guère de mathématiciens en France capables d’en faire un pareil. Je te dis cela comme je le pense pour que tu ne le dises à personne. » (10 juillet 1802). Peu après, il apprend « que les premiers lycées établis ne le seraient pas avant la fin de l’année prochaine [10]. » (26 juillet 1802)

Admis à la Société d’émulation et d’agriculture de l’Ain

À son arrivée à Bourg, Ampère a fréquenté des personnalités qui étaient des membres de la Société d’émulation et d’agriculture de l’Ain, société savante créée en 1783 par Thomas Riboud (déjà cité ci-dessus). À l’été, Ampère écrit à Julie : « M. Riboud m’a invité dimanche à passer toute la journée à sa campagne de Jasseron » avec d’autres professeurs (22 juin 1802).

À propos du manuscrit qu’il affine, « on veut que je le présente à la Société du département de l’Ain pour que j’en sois nommé membre. M. Riboud le père tient beaucoup à cela. » (16 juillet 1802). Ampère accepte et pense que « cela peut procurer quelques nouvelles protections pour les lycées. » (21 juillet 1802). Il est nommé « membre de cette société à l’unanimité et M. de Lalande (…) fera un rapport au sujet. » du manuscrit (25 juillet 1802). Sans attendre, Ampère rend visite à Lalande qui « me donna de grands coups d’encensoir, me dit qu’il n’y avait qu’en France qu’on trouvait des mathématiciens comme moi, etc. » (30 juillet 1802). Julie lui répond « que la proposition de M. de Lalande de le présenter à l’Institut pourrait bien être avantageuse » (6 août 1802).

Ampère termine l’année scolaire et poste une dernière lettre, avant son départ. « Si tu savais avec quel plaisir je fais ces paquets ! Le voilà enfin arrivé ce temps des vacances si longtemps attendu ! (…) Voilà la dernière lettre que je t’écrirai d’ici à ce que je t’embrasse. » (17 août 1802).

Portraits de Jérôme Lalande (à gauche) et de Thomas Riboud (à droite), érudits, membres de la Société d’émulation et d’agriculture de l’Ain.. Visages de l’Ain n° 18-1952.

DEUXIÈME PÉRIODE À BOURG

Selon les lettres conservées, la correspondance reprend le 13 novembre 1802. Ampère a deux préoccupations majeures, la santé de Julie et sa nomination au lycée de Lyon. Durant les premières semaines à Bourg, il se consacre totalement à ses tâches : « j’écris, je mange, je donne mes leçons, j’écris encore, je soupe et je me couche. (…) mon temps passe ainsi loin de ma bien-aimée, loin de tout mon bonheur ! Ah, lycée, lycée, quand viendras-tu à mon secours ! » (20 novembre 1802).

La santé chancelante de Julie

Ampère écrit chaque jour, ou presque, à Julie et les lettres débordent d’amour partagé puis l’inquiétude reprend. Ampère écrit : « Pourquoi, ma bonne Julie, ne pas me dire la vérité sur ce que je veux savoir avant tout ? (…) Ah, ma Julie, qu’il est dur pour moi d’être si loin de toi ! » (19 décembre 1802). La santé de Julie se dégrade, d’abord avec des maux de reins puis « ma jambe me fait toujours souffrir et n’a pas du tout de force » (1er mars 1803) et « ma santé toujours languissante qui, dans ce moment, me rend incapable de sortir de mon lit » (16 mars 1803). Un léger mieux intervient, « je marche mieux, et compte sortir demain » (5 avril 1803) mais « les maux m’ont vieillie et m’ont laissé le temps de faire des réflexions qui ont mûri ma raison. Ainsi, quoique nos âges se rapprochent, crois, mon ami, que ta femme a dix ans de plus que toi ! (…) la fraîcheur, l’activité, la gaîté, la grâce de la jeunesse, tout est disparu. Mon cœur est le même. Il t’aimera toujours. (8 avril 1803).

Depuis le printemps 1802, Julie souffre d’une grosseur abdominale. Son médecin lui a prescrit divers soins ou remèdes.. Un autre médecin a été consulté mais sans plus de résultat et la grosseur se double de complications.

Les mœurs bressanes

À Bourg, durant l’hiver précédent, Ampère avait été surpris par les bals masqués. Il avait écrit à Julie : « Tu sauras que c’est ici la mode, que toutes les honnêtes femmes se masquent aussi bien que les hommes. On donne des bals masqués dans les meilleures maisons. Mme de Joux en avait un chez elle avant-hier, où l’on m’a dit qu’il y avait soixante personnes. (…) Cet usage paraît d’autant plus comique qu’on ne sait ici ce que c’est qu’un carrosse et qu’ainsi ces belles masquées vont à pied dans les rues. Toute cette société fut ensuite au bal où l’on payait et où le préfet était masqué. J’ai été si surpris de cela que je te le raconte. » (2 mars 1802).

Le début de l’année 1803 est particulièrement froid et les Burgiens se livrent à une autre passion qu’Ampère décrit, non pas à Julie, mais à sa belle-sœur Élise. « Pour se consoler [des bals], on se martine. La martinoire est toujours pleine de gens qui ne se donnent pas le temps de manger pour se livrer à cet amusement dont je n’ai pas tâté, mais dont la continuelle monotonie ne peut guère enchanter que des Bressans. Ici c’est une fureur ; et, quand on s’est martiné depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, on allume des chandelles, des lampions, etc., tout le long de la rue qui descend des prisons à la Grenette et l’on continue de se martiner, si bien qu’on dit que jusqu’à deux heures du matin la rue est illuminée et pleine de martineurs. (…) L’usage des martinets est le caractère propre du peuple de Bourg [11]. » (13 février). Se martiner est à prendre au sens de se cogner les uns aux autres et Ampère ajoute que « le profit des jambes et des bras en revient aux chirurgiens » ; les chirurgiens étant, à l’époque, des praticiens qui ne sont pas passés par la faculté de médecine.

La Martinoire dessinée par Gustave Doré (1845). Monastère royal de Brou. Inv. 945.1.

Une étourderie trouble Ampère

À l’été 1802, Lalande remet à l’Institut l’ouvrage imprimé d’Ampère. En janvier 1803, celui-ci en reçoit un compte rendu à double facette et informe Julie. « Comment t’expliquer, ma bonne amie, le désagrément que j’ai eu aujourd’hui ? (…) Une faute m’était échappée dans le calcul des pages 18 et 19. J’ai eu beau relire les épreuves, je ne m’en suis point aperçu. Aujourd’hui, je reçois une lettre de Lacroix et de Laplace ; le premier me fait les remerciements de l’Institut ; le second, en post-scriptum, fait l’éloge de mon ouvrage, mais reprend sévèrement cette faute ». Ampère en est tout retourné, « dans le moment où j’ai lu cette lettre, j’ai cru lire ma condamnation ; j’ai vu ma place au Lycée et ma réputation perdue ; mais j’ai été rassuré (…), cette faute n’influait en rien sur le reste de l’ouvrage » (25 janvier 1803, pour les deux citations).

La solution est d’imprimer un feuillet à substituer, à l’erreur, dans chaque exemplaire. Ampère s’active à cette tâche et « grâce à MM. Périsse [imprimeurs], je n’ai plus peur que ma sottise ait des suites funestes pour nous » (30 janvier 1803). Par ses relations, il apprend qu’une place au Lycée de Lyon lui sera attribuée. Rassuré en tous points, sauf à propos de la santé de Julie, il s’accorde un répit. « Je fus passer la soirée en visite pour la première fois depuis que nous sommes en l’année 1803 » (8 février 1803). Peu après, il est avisé par le préfet que les inspecteurs visiteront l’École centrale le 11 ou le 12 mars 1803. Il a déjà préparé ses élèves. « Je les ai prévenus et ils travaillent avec assez d’application à se mettre en état de répondre » (28 février 1803).

Passage réussi

La Société d’émulation et d’agriculture recevra les deux inspecteurs, MM. Delambre et Villars. Le préfet « demanda deux fois si je n’aurais rien à dire sur les mathématiques. Je dis que je n’avais rien de prêt, mais que je tâcherais de faire quelque chose de digne d’être présenté à la Société » (28 février 1803). Les inspecteurs arrivent plus tôt que prévu mais « mes élèves n’ont pas mal répondu sur les mathématiques ; mais ils avaient trop peu de leçons pour être forts. Ils l’ont été extrêmement sur tout le reste et les inspecteurs ont été enchantés ». Ampère parvient à s’entretenir avec ces hommes influents et « je suis content de me voir sûr du Lycée » (8 mars 1803).

La fermeture des Écoles centrales a été fixée au 22 mars 1803 mais le préfet a « présenté une pétition pour obtenir la continuation complète de l’École centrale jusqu’à l’établissement du Lycée de Lyon » (8 mars 1803). L’incertitude plane et Ampère attend impatiemment « le moment où je pourrai pour toujours dire adieu à Bourg » (10 mars 1803). M. Delambre lui dit : « Je vais à Paris porter la liste de mes observations sur ceux qui se présentent pour les places de Lycées. La vôtre est pour Lyon » (13 mars 1803). Cet inspecteur a aussi dit au préfet : « Vous allez perdre M. Ampère, c’est un homme d’un mérite supérieur ; il a envoyé un mémoire à l’Institut et l’avis unanime des membres de la Section de mathématiques est que cet ouvrage ne pouvait venir que d’une tête forte » (16 mars 1803).

Les procédures traînent en longueur, la nomination n’est pas confirmée par écrit mais une circulaire gouvernementale met fin au fonctionnement des Écoles centrales et « tous les professeurs cessent aujourd’hui » (14 avril 1803). La rumeur dit qu’Ampère est nommé à Lyon et deux de ses confrères, MM. Clerc (mathématiques) et Mermet (éloquence), à Moulins. Au 17 avril 1803, Ampère note sur son journal : « Je revins de Bourg pour ne plus quitter ma Julie ».

TROISIÈME PÉRIODE : APRÈS BOURG

Au Lycée de Lyon, Ampère donne son premier cours de mathématiques le 5 juillet 1803. Julie est de plus en plus malade. Elle décède le 13 juillet 1803. Le journal d’Ampère indique : « 13. Mercredi. A 9 heures du matin ».

Une boulimie de travail

Désormais veuf, Ampère souhaite quitter Lyon et rejoindre Paris. Il abandonne provisoirement la recherche scientifique « pour se consacrer aux problèmes philosophiques, métaphysiques et religieux » (site du CNRS). Grâce à ses appuis, il est nommé répétiteur à l’École polytechnique en octobre 1804. Il se remarie en août 1806, se sépare de cette seconde épouse, après transaction, en juillet 1808, en obtenant la garde de sa fille Albine, née en juillet 1807.

Professeur suppléant à l’École polytechnique depuis juillet 1807, il est nommé Inspecteur général de l’Université en septembre 1808, un poste qu’il conservera toute sa vie, à part deux courtes interruptions. Au fil de ses recherches, il publie de nombreux mémoires qui lui valent la Légion d’honneur et son élection à l’Académie des sciences en novembre 1814. Ensuite, il enseigne la logique à l’École normale en 1816, la philosophie à la faculté de lettres de Paris en 1819.

Ouvrage exposé au Musée de l’électricité à Poleymieux (Rhône).

En septembre 1820, il est présent à l’Académie des sciences lorsque l’astronome et physicien François Arago (1786-1853) évoque les découvertes du Danois Oersted. Enthousiaste, dans les semaines suivantes, Ampère multiplie les expériences et les publications, notamment en décembre 1820, Mémoire sur la loi mathématique des attractions et répulsions des courants électriques. Il résume l’ensemble de ses travaux avec son Mémoire sur la théorie mathématique des phénomènes électromagnétiques, uniquement déduite de l’expérience, en 1827. Il a créé ainsi une nouvelle branche de la physique, l’électromagnétisme.

En août 1824, il est nommé professeur de physique au Collège de France. En 1829, il est atteint d’une pneumonie au cours d’une tournée d’inspection. Cette maladie l’emporte le 10 juin 1836, à Marseille, à l’âge de 61 ans.

La postérité

Au soir de sa vie, Ampère a réalisé une telle œuvre que le physicien écossais James Clerk Maxwell (1831-1879) l’a qualifié de Newton de l’électricité. Et, en 1881, le congrès international des électriciens donne le nom d’Ampère à l’unité de mesure de l’intensité des courants électriques.

Un ampèremètre exposé au Musée de l’électricité.

Dans les années 1885-1887, la Société française de physique fait réimprimer les Mémoires d’Ampère. L’année suivante, une statue d’Ampère est inaugurée à Lyon en présence du président de la République et le Grand lycée de Lyon prend le nom de Lycée Ampère. Bourg-en-Bresse rend aussi hommage au savant en 1887 en dénommant l’une de ses rues du nom d’Ampère, dans le quartier de Bel-Air.

Le centenaire des découvertes d’Ampère est fêté en 1920 à Philadelphie (États-Unis) puis en 1921 à Paris. En 1928, deux citoyens américains, Hernand et Sosthène Behn, achètent la maison d’Ampère à Poleymieux pour la remettre à la Société française des électriciens. Une Société des Amis d’André Ampère est créée en 1930 et le musée est inauguré le 1er juillet 1931. Le centenaire de la mort d’Ampère est fêté en 1936 à Lyon avec, notamment, la publication de la correspondance, envoyée ou reçue, par Ampère. Les manifestations, prévues à Poleymieux en 2020, ont été reportées en 2021.

Article écrit par Martine Cividin et Rémi Riche, avec la participation d’André Abbiateci, Claude Brichon, Gyliane Millet et du Monastère Royal de Brou. Octobre 2020.

La Maison d’Ampère, devenue Musée de l’électricité. Septembre 2020.
La statue d’Ampère à Lyon.
Un navire-câblier dénommé Ampère. République Nouvelle du 12 octobre 1950.

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

La maladie de Julie

De quoi souffrait Julie ? Elle peine à se rétablir après la naissance de son fils Jean-Jacques, le 12 août 1800. Le Docteur Vitet, qui la consulte en juillet 1801, établit ce constat : « La malade pour laquelle je suis consulté, d’un tempérament bilieux-pituiteux, d’une constitution irritable, âgée de 28 ans, est attaquée, depuis un an, à la suite d’une couche heureuse, d’une tumeur dans la région hypogastrique, mobile, accompagnée d’accidents qui ont été plus graves en certains temps qu’à ce moment. La digestion se fait assez bien, les forces se soutiennent ; des douleurs assez vives se font sentir dans la région dorsale » (site du CNRS).

Le médecin traitant et d’autres collègues sont impuissants à soigner Julie. Pour traiter sa faiblesse, sa grosseur et ses souffrances, ils vont lui prescrire « des bains de pieds avec de l’absinthe » (novembre 1800), « commencer les fraises et les cerises » (14 mai 1802), « prendre des bains de vapeur d’armoise et d’herbe de la rue, trois fois par jour. Si, après quelques jours, cela ne fait rien, il me fera mettre les sangsues » (11 juin 1802), « reprendre de la glace ; mais il ne me défend plus de manger (…) ; pour dormir, quelque peu de pavots avec beaucoup de modération » (30 juillet 1802), « de l’élixir et de la terre foliée (janvier 1803), «  des cloportes, de la tisane de persil » (14 janvier 1803), ou encore des « {}frictions d’huile d’amandes et d’alcali volatil » (18 février 1803).

Ces remèdes n’ont guère d’effets et Julie, fataliste, écrit que « les médecins ne sont pas des dieux et ne peuvent pas être sûrs de vous guérie » (16 juillet 1802). Julie décède au matin du 13 juillet 1803. Sa sœur Élise décède de la tuberculose le 20 janvier 1808.

François Clerc, Jurassien, professeur de mathématiques à Bourg et à Lyon

À l’arrivée d’André Ampère à l’École centrale, François Clerc est le professeur de mathématiques. Les deux hommes sympathisent et Ampère écrit à Julie : « M. Clerc, le professeur de mathématiques, me vint voir et m’offrit de m’aider à ranger le cabinet et à réparer les instruments » (5 mars 1802) ; « bien content d’avoir réussi à quelques expériences et de m’être lié de plus en plus avec M. Clerc » (22 mars 1802). Les deux hommes collaborent de plus en plus et Ampère estime que M. Clerc est le « le phénix de Bourg » (8 avril 1802). Ensemble, ils vont se promener « dans le parc de Challes » (25 avril 1802) ou parcourir « les prés et les chemins du côté de Saint-Roch » (21 juillet 1802).

Dans notre chronique, nous avons évoqué leur projet, non abouti, d’écrire ensemble un ouvrage et, à la fermeture de l’École centrale, la nomination de M. Clerc à Moulins. Les deux hommes restent en correspondance et M. Clerc sollicite Ampère pour appuyer sa nomination de professeur de mathématiques à Lyon (28 octobre 1804), poste qu’il obtiendra le 16 janvier 1805. Toujours à Lyon, François Clerc sera ensuite professeur suppléant la faculté de sciences, professeur de philosophie, de sciences physiques et, enfin, d’astronomie. Il termine sa carrière professorale le 16 janvier 1839 et la Légion d’honneur lui est attribuée le 4 juin 1839 (base Léonore, dossier LH/551/62). À la demande de la ville, il réorganise « gratuitement » l’observatoire de Lyon à partir de 1805 et il œuvre à cette tâche pendant plus de trente ans. Il décède, dans l’oubli, en juin 1847, à l’âge de 78 ans. Il était le 3 novembre 1769 à Samogna-le-Bas, près d’Orgelet, dans le Jura.

Ampère a rencontré, à Bourg, le frère de François Clerc : « j’ai dîné avec le frère de M. Clerc (…). Figure-toi un paysan niais de mine et de langage, sans l’être peut-être sur tous les points, je n’en sais rien ; il parle par monosyllabes ; il cherche à parler français, mais son patois de Saint-Claude se décèle dans tout son langage, surtout à l’accent. En comparant ces deux frères opposés en tout, j’admirais celui qui avait su devenir un homme estimable et plein d’utiles connaissances. » (14 mai 1802).

Gaspard de Prony (1755-1839)

Dans sa correspondance, Ampère écrit : « J’avais oublié que la sœur du grand mathématicien Prony était mariée à un monsieur de Bourg qui avait suivi mon cours l’année passée et m’avait donné des témoignages d’estime et d’amitié » (29 novembre 1802). Il souhaite lui écrire pour obtenir son appui pour sa nomination à Lyon. Qui est ce Gaspar de Prony ?

Gaspard Clair François Marie Riche, baron de Prony, est né le 22 juillet 1755 à Chamelet (Rhône), dans le canton du Bois-d’Oingt, près de Villefranche-sur-Saône. Il s’intéresse d’abord aux mathématiques puis réussit le concours des Ponts-et-Chaussées dont il en devient le directeur. Président de l’Académie des sciences, il a un savoir encyclopédiste et il intervient dans de nombreux domaines. Officier de la Légion d’honneur en décembre 1816, créé Baron en 1828, nommé Pair de France en 1835, il décède le 29 juillet 1839 à Asnières-sur-Seine où un lycée professionnel porte son nom. Sa mémoire est aussi rappelée par une rue à Paris (17e arrondissement), l’école de son village natal et par une rue de… Péronnas. À l’initiative de qui ? Nous n’avons pas obtenu de réponse !

La Martinoire du Bastion

André Ampère a évoqué l’étonnant épisode burgien de la Martinoire, Gustave Doré l’a popularisé par un dessin de 1845 et un article du Courrier de l’Ain du 22 mars 1924, a apporté des informations complémentaires fort utiles, par les souvenirs d’un lecteur.
« Dans notre ville, pendant un mois, deux parfois, si la saison était favorable, nous ne sortions que chaussés de patins, ou bien, traînant après nous un martinet.
Mais, qui se souvient de la Martinoire du Bastion et de son cri à Versailles ! Moins nombreux encore, ceux qui ont devant les yeux le fameux croquis de Gustave Doré, élève de M. Pingeon, professeur de dessin au Lycée de Bourg.
Dans cette reproduction fidèle d’une scène popularisée par les procédés autographiques du moment, nous reconnaissons quelques physionomies locales. Un de nos amis y figurait - ce dont il était fier - avec un cartable d’écolier sur le dos.
La Martinoire !
Lorsque, à Bourg-en-Bresse, arrivait la neige en suffisante abondance, une équipe de volontaires se rendait au Bastion. Là, munis de balais et de larges pelles, en bois, de pioches et de râteaux en fer, ils aménageaient le chemin qui partait de l’extrémité de la rue Pompe-Bourgmayer pour aboutir, en ligne droite, au mur de l’ancienne Halle aux grains, de la Grenette, disait-on. Ensuite, pour posséder une meilleure piste, nos jeunes gens versaient de l’eau qui gelait immédiatement. Une couche nouvelle de neige ne tardait pas à recouvrir le tout d’un manteau protecteur.

La Martinoire dessinée par Gustave Doré (1845). Monastère royal de Brou. Inv. 945.1.

Le lendemain, jeunes et vieux venaient de tous les points de la ville. On s’asseyait sur un petit chariot fabriqué avec quelques bouts de planches assemblées et portant, au-dessous, deux petites bandes de fer. Un ami vous lançait et vous partiez en vitesse. On ne tardait pas à reconnaître ceux que nous appelons aujourd’hui les as. On les nommait au passage, on applaudissait leurs prouesses. Alors que celui-ci, essoufflé, peu sûr de ses moyens, s’arrêtait en route et, prudemment, se garait sur les bords ; celui-là, confiant en son adresse, filait comme un éclair, les jambes en avant, prêtes à freiner si besoin était.

Détail de l’illustration avec l’indication de martinets.

Et, pendant ce temps, nous, les petits nous glissions sur une piste plus modeste, ou bien, nous nous réchauffions en lançant des boules de neige. Patiemment, nous attendions que l’âge vint nous donner la force de descendre, à notre tour, cette pente dont la longueur n’atteignait certainement pas deux cent cinquante mètres.
Ce jour-là arriva enfin mais il était trop tard. Lorsque nous nous présentâmes, tirant à nous un martinet confectionné avec le plus grand amour par nos mains d’enfant, nous trouvâmes devant nous, barrant la route, un vieil agent de ville, le père Mandelli. Celui-ci, dans son jargon, mi français, mi italien, nous interdit toute glissade.
Des accidents trop souvent répétés, les protestations légitimes des propriétaires et des locataires riverains avaient fait condamner pour toujours, par une municipalité prévoyante, la vieille Martinoire du Bastion. »
N.B. : Témoignage non signé.
Jean Gaëtan Martin Mandelli, né en 1800 à Saint-Gothard (Lombardie), marié en 1849, est décédé à Bourg en 1881).
La fin de la Martinoire est intervenue vers ou peu après 1870.

Repérage de la Martinoire sur un extrait du plan de Bourg de 1786.
La halle aux grains, ou grenette, édifiée en 1773. Voir le plan ci-dessus.

Sources

Correspondance du Grand Ampère publiée par L. de Launay, de l’Académie des sciences. Société des Amis d’André-Marie Ampère. (3 tomes). Paris 1936.
A-M Ampère par Louis Mallez, Ingénieur des Arts et Manufactures, Lyon 1936.
Site : www.ampère.cnrs.fr
Base Léonore des Archives nationales.
Musée de l’électricité à Poleymieux (Rhône).

Photos

[1Née le 12 septembre 1773 à Lyon avec, pour prénoms à l’état civil, Catherine Antoinette.

[2En réalité, le 20 thermidor de l’An VII, selon le calendrier républicain en vigueur. Pour rendre la lecture plus facile, nous adoptons le calendrier actuel pour la suite de cet article.

[3Les Écoles centrales départementales ont été créées en 1793 et les professeurs sont élus par un jury d’instruction. Celle de Bourg, créée par un arrêté du 18 prairial An III (6 juin 1795) est ouverte le 1er nivôse An IV (22 décembre 1795). A.D. Ain 2L288.

[4Archives nationales, base Léonore, dossier LH/2316/61. Sa fiche de la Légion d’honneur.

[5Pour limiter les notes, les dates sont indiquées, après les citations, entre des parenthèses.

[6Il a établi et envoyé le plan du centre-ville de Bourg où il situe ses relations burgiennes. Il a quitté la ville par l’actuelle rue Bourgmayer et il est revenu par l’actuelle rue Charles Robin.

[7Il visite cette église en juin 1802 et en fait une description à sa belle-sœur ; une lettre non archivée.

[8Leur correspondance est émaillée de nombreux verbes au subjonctif.

[9Jean Stanislas Couppier (1773-1806), ami d’enfance d’Ampère, s’intéressant aux sciences. Leur correspondance est en ligne. Autre source : www.cairn.info.

[10Année du calendrier républicain qui court du 23 septembre 1802 au 23 septembre 1803.

[11Lire le complément d’information à la fin de cette chronique.

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