BRESSE, BRESSANE ET AUTRES MARQUES DÉPOSÉES
La plus prestigieuse marque de la Bresse est l’Appellation d’origine contrôlée obtenue par sa volaille en 1957. Plus modestement, d’autres produits ont visé l’excellence, leurs fabricants ont déposé leurs marques et l’un d’entre eux, un fromager de Polliat, a devancé la beurrerie d’Étrez pour la Crème de Bresse. Un voyage au pays des marques vous est proposé...
Préambule
Rendu nécessaire par la multiplication des échanges, le droit des marques de fabrique et de commerce a été fondé par la loi du 23 juin 1857 ; une marque pouvant être une dénomination, un emblème ou un signe. La propriété s’acquiert par la première utilisation ou par le premier dépôt auprès du greffe du tribunal de commerce et sa validité est alors de 15 ans. À Bourg-en-Bresse, le premier dépôt est effectué le 26 juillet 1886, par un dentiste hygiéniste, pour de la Cressonnine, « une préparation au cresson et aux brous de vignes du Revermont pour guérir, en très peu de jours, les inflammations de la bouche ».
LE TERRITOIRE POUR RÉFÉRENCE
L’effigie de la Bressane
L’image de la Bressane en costume traditionnel a beaucoup été diffusée par les cartes postales avant et au début du XXe siècle. Elle est reprise comme marque de fabrique et M. Milliat Jeune, négociant, la dépose dès le 24 septembre 1887, sans aucune inscription complémentaire, pour orner des boîtes, en bois ou en carton, contenant de la laine ou du coton.
Curieusement, cette identification n’est pas reprise sur les documents de l’entreprise qui reste active plusieurs décennies. Le dépôt est renouvelé en mai 1927, avec la mention À LA BRESSANE par l’entreprise, devenue les Établissements Milliat Jeune et Compagnie, mercerie en gros, 9 place Edgar Quinet à Bourg.
Un autre Bressane, « en costume, avec bonnet chapeau, tableau et bijoux, tenant un panier de volailles, [devant] l’hôtel de ville de Bourg », est déposée par Marius Dussup, négociant rue du Gouvernement à Bourg, en 1903. Cette illustration est destinée à être apposée sur des boîtes contenant des gaufrettes marquées, en creux, de l’inscription ʺLa Bressaneʺ, en style art nouveau.
La Bressane, toujours en costume traditionnel, est aussi une marque pour des produits aussi différents que les saucissons d’Henri Delangle, « fabricant de conserves alimentaires et salaisons », place Carriat à Bourg en juin 1914, et les cycles de Marcel Perret, négociant de la rue Charles Robin à Bourg, en février 1922.
Une représentation exceptionnelle
La qualité de la Bressane s’exporte jusqu’à Lyon où un magasin de soieries, velours et rubans a choisi, non seulement l’appellation À la Bressane mais aussi une enseigne représentant une élégante Bressane. Déposée depuis une dizaine d’années, la statue en plâtre de 1,37 mètre de hauteur était à l’abandon chez un brocanteur lyonnais où le député Pierre Goujon l’a acquise en 1912. Il l’a remise au Musée Guillon de Bourg-en-Bresse [1]. Restaurée, elle est aujourd’hui l’un des fleurons de la collection du Musée des saveurs – Les Planons à Saint-Cyr-sur-Menthon.
De Bresse
Pourquoi ne pas utiliser la Bresse comme marque d’origine ? Joanny Broyer, fromager à Polliat, a ainsi marqué sa crème en déposant la marque Crème de Bresse dès avril 1923. Des décennies plus tard, son idée a été reprise par la beurrerie d’Étrez qui a obtenu une Appellation d’origine contrôlée pour sa Crème de Bresse, en 2012, devenue une Appellation d’origine protégée en 2014.
Toujours en 1923, Bruno Sarles, pâtissier de l’avenue Alsace-Lorraine à Bourg, a choisi d’indiquer cette origine pour ses œufs de Bresse fourrés, par une étiquette à apposer « sur des coquilles d’œufs vidées de leur contenu et garnies de chocolat crème praliné ».
Bressan
Ce mot est d’abord utilisé en adjectif par la Brasserie Régionale, dès sa création en 1887, pour son Bock bressan de bière. Dans la catégorie des apéritifs, M. Manin, distillateur à Bourg, crée un Quina bressan en 1905.
Il est ensuite utilisé pour de la pâtisserie, la fabrication de saucisson et de fromages.
DES ENTREPRISES
Des conserveries
Des fabriques augmentent leur capacité de production et se transforment en conserveries. À Bourg, les conserves de volailles Dupont Frères se spécialisent dans les volailles en gelée et elles déposent la marque Excelsior - Les pattes bleues en mars 1895. Elles restent actives jusque dans les années 1930.
Vers 1895, Henri Delangle, prend la succession d’une boucherie de la Place Carriat à Bourg, puis établit une conserverie de viande en 1911, avenue de Rosières, pour fournir l’armée. « La production en 1911-1912 a été de 160 000 kilos de viande, soit 520 bœufs en 35 jours. (...) L’usine occupe 40 personnes en temps de travail » (Le Carillon du 21 septembre 1912).
En 1923, Gaston Charvet installe une salaison à Mézériat. Ce fils d’un boucher de Vonnas crée alors une entreprise encore active de nos jours. Il dépose sa marque (voir sur l’en-tête) en décembre 1928. En mars 1933, en préfecture, il sollicite une autorisation pour installer son abattoir au confluent de la Veyle et de l’Irance, à Mézériat. Là, les abattoirs prennent de l’ampleur au point de pouvoir traiter 150 porcs par jour (Indicateur de l’Ain, 1934).
Après-guerre, la salaison poursuit son expansion sous la dénomination de La Bresse jusqu’aux années 2000 où elle est en grande difficulté. En 2008, elle est reprise et déplacée à Servas, près de Bourg-en-Bresse.
Des biscuiteries
Le pâtissier Edme Chauvot s’installe à Pont-de-Veyle dans les années 1870 (il figure dans les recensements à partir de 1876) et, en 1889, il crée sa spécialité de patiences, des macarons à base d’amandes pillées, de sucre et de blancs d’œufs, battus en neige. En 1907, son fils dépose la marque Biscuits Chauvot. Malgré les deux guerres, la biscuiterie est active jusqu’en 1959 et les bâtiments viennent d’être démolis en 2020.
Firmin Bouvard reprend d’abord une pâtisserie de la rue Bichat à Bourg-en-Bresse en 1901. Après la Première Guerre, en 1920, il déplace sa production à Ceyzériat où les Biscuits Bouvard prospèrent aujourd’hui.
Natif de Bâgé-le-Châtel, le cuisinier Benoît Perrat parcourt l’Europe et s’installe à Saint-Didier-d’Aussiat après la Grande Guerre. C’est là qu’il crée les croustillettes bressanes pour « désigner ses pâtisseries de sa fabrication ». Benoît Perrat, auteur de Comus en Bresse, une étonnante « rapsodie culinaire et gastronomique », termine sa carrière à l’Hôtel moderne de Vonnas où il popularise les crêpes vonnassiennes, à base de pommes de terre, toujours appréciées aujourd’hui.
Les Archives départementales de l’Ain lui ont consacré une exposition, que vous pourrez consulter grâce au lien indiqué à la fin de cette chronique.
EN PARCOURANT LES REGISTRES DES DÉPÔTS
Un choix de fromages
Un coq pour enseigne
Au pays des céréales
Pierre Rolland, de Pont-de-Vaux, dépose sa marque de Semouline en 1908 et Victor Janody, de Viriat, crée son Orge torréfiée en octobre 1940 ; un substitut au café dont le pays en guerre est privé. Plus tard, homme entreprenant, il va prendre la direction des Salaisons de Saint-André-sur-Vieux-Jonc.
Le pont de Saint-Laurent-lès-Mâcon
Il est choisi, sous deux illustrations différentes et à deux reprises, en 1932 et 1939, par les Établissements Rozier-Vernay, épiciers en gros, à Saint-Laurent-lès-Mâcon, pour orner leurs divers emballages.
Des religieux en représentation
En hommage à Marguerite d’Autriche
La pâtisserie Sarles-Nivon de l’avenue Alsace-Lorraine à Bourg, reprend la devise de la fondatrice de Brou, Marguerite d’Autriche, « fortune, infortune, forte une », pour identifier ses « articles de pâtisserie, confiserie, chocolats, cacaos, sucres, miels, confitures et liqueurs spiritueuses diverses » en mars 1931. La pâtisserie avait déposé la dénomination Au prieuré de Brou en juillet 1927.
En style Art nouveau
Aux fleurs des bois
À l’anis et avec de l’alcool
D’autres alcools
Produits pharmaceutiques
Les dépôts de marques de produits pharmaceutiques sont nombreux mais ils sont inscrits sous un nom, sans l’indication des vertus revendiquées. En outre, des pharmacies ou pharmaciens déposent leur propre nom comme marque, comme la Pharmacie principale ou Louis Parant.
Contre les insectes, pour la basse-cour
Et pour terminer
Nous vous proposons de collecter les timbres Le Bressan ou, en cette période hivernale de décembre 2020 où sévit un coronavirus, d’essayer le fortifiant Victorine de 1906.
Voir un complément
Pour retrouver l’exposition consacrée à Benoît Perrat, réalisée par les Archives départementales, il suffit de cliquer sur le lien ci-dessous :
http://patrimoines.ain.fr/n/benoit-...
Notes
Chronique réalisée par Rémi Riche avec la collaboration d’André Abbiateci, Claude Brichon, Martine Cividin, François Dufour, Gyliane Millet et Christine Riche. Décembre 2020.
Les photographies ont été réalisées à main levée, aux Archives départementales, sur des documents administratifs, où la colle a parfois traversé le papier utilisé.
D’autres marques de fabriques auraient pu être choisies parmi plus de 250 références. Nous avons privilégié celles qui étaient illustrées.
Sources : Archives départementales de l’Ain. 6 U 39 et 40.
[1] Le Carillon du 12 octobre 1912. Le Musée Guillon a précédé le Musée de Brou.