CEYZÉRIAT, LE MONT-JULY ET LE RELAIS DE TÉLÉVISION

En 1962, une tour hertzienne est élevée au sommet de la montagne qui domine Ceyzériat, souvent appelée Mont-July. Nous vous proposons quelques anecdotes liées à ce site exceptionnel, dont le panorama s’étend sur toute la Bresse.

À l’origine, Mont-July est un hameau de Ceyzériat mais, comme la montagne qui le domine n’était pas dénommée, le sommet a pris le même nom, confirmée par un panneau routier.

Un panneau routier "Mont July" a été placé au sommet de la montagne dominant le hameau. Présent en juin 2022, il n’y était plus à la mi-juillet 2022. Des puristes de la topographie ?

LA TÉLÉVISION CONQUÉRANTE

Un relais pour la Bresse et la Dombes

La télévision française naît en 1935 au sein du ministère des P.T.T. (Postes, Télégraphes et Téléphones) et elle se généralise après la Seconde Guerre mondiale. Des relais, placés sur des hauteurs, sont nécessaires pour assurer son développement. Dans l’Ain, celui du Mont-Rond, au Pays-de-Gex, est mis en service au cours de l’été 1962, au moment où celui de Ceyzériat s’élève. En effet, la montagne qui domine ce village a été choisie, par la direction régionale de la Radiodiffusion - Télévision française (R.T.F.), pour son sommet surplombant les plaines de la Bresse et de la Dombes.
Les essais de transmission, effectués en octobre 1960 à partir d’une tour provisoire, ont donné « des résultats entièrement satisfaisants ». Initialement, la station hertzienne devait être installée au lieudit "Trou du Sac", mais « la direction de l’Architecture ayant exprimé un avis défavorable en raison de la proximité des ruines de l’église [de Saint-Julien-sur-Roche], classées parmi les monuments historiques », la tour sera implantée « au voisinage de la borne géodésique Altitude 593 mètres, à condition que les frais de construction de la route d’accès ne soient pas prohibitifs ».
Deux accès sont alors possibles : par Ramasse, « par le chemin des Violets et la création d’une route à travers le pâturage » ; par Mont-July, hameau de Ceyzériat, « par le chemin existant jusqu’au lieudit "Les Bercadières" et le chemin forestier, à flanc de colline, qui débouche à 350 mètres environ au sud de la borne [1] »
Cet accès est retenu par la R.T.F. qui confie aux Ponts-et-Chaussées l’étude et la réalisation du chemin d’accès. À 800 mètres au-delà de Mont-July, le chemin vicinal est d’abord élargi sur 1 000 mètres puis un nouveau chemin est créé sur 1 015 mètres jusqu’au sommet, où une plateforme est aménagée. Les travaux de terrassement sont réalisés par une entreprise de Cerdon au printemps de 1962. Après le sommet, le chemin rejoint la chapelle des Conches et, après une bifurcation, les villages de Jasseron et de Drom.

Le plan de Ceyzériat avec l’accès au sommet, à créer (ligne rouge).
La route en cours d’aménagement, au printemps de 1962.

Au cours de l’été, la tour de 28 mètres de hauteur est élevée et, comme le chemin empierré est carrossable, les édiles espèrent déjà que « télé et tourisme se rencontrent aux Roches de Cuiron.]] ». Ce serait un bel atout pour Ceyzériat et le Revermont.
Au cours de l’hiver glacial 1962-1963, la tour reçoit ensuite « des réflecteurs paraboliques destinés à capter, ou à renvoyer, les signaux télé venant, ou se dirigeant, de ou vers les relais du Mont-Pilat et du Mont-Rond [2] », situés respectivement dans la Loire et le Pays-de-Gex.
Le goudronnage n’est entrepris qu’au printemps de 1963, pour assurer le tassement des remblais. La tour est mise en service après sa réception, en juin 1963 [3].

La tour s’élève...
La tour supporte désormais de nombreuses antennes ou paraboles de télécommunications.

ÉCHOS DE MONT-JULY ET DE CEYZÉRIAT

Un sommet autrefois convoité

Eugène Dubois, historien des Pays de l’Ain s’est intéressé à l’histoire de Ceyzériat. Il écrit ces lignes au début de sa partie Histoire.
« Des difficultés surgirent à maintes époques entre Ceyzériat, Mont-July et Ramasse au sujet des pâturages et de l’usage des bois sur la montagne de Cuiron ou sur celle dite Mont-Muret.
Le hameau de Mont-July aurait fait partie, primitivement, de la paroisse de Saint-Julien-sur-Roche, et, à ce titre, aurait eu, comme Ramasse, le libre usage de ces pâturages et de ces bois. Dans la suite, Mont-July et Ceyzériat se trouvèrent séparés de Ramasse tant au point de vue féodal qu’au point de vue religieux. Ils n’en continuèrent pas moins à envoyer leurs troupeaux au Mont-Muret et même de faire profiter leurs porcs de la glandée.
Cette pratique n’était pas du goût des gens de Ramasse : la montagne faisait partie de leur territoire et ils entendaient en jouir exclusivement. Il y eut des discussions, parfois violentes. Après quoi intervint un arrangement à l’amiable, par devant Antoine de Burgo, docteur en droit, juge des provinces de Bresse et de Valbonne, le 12 décembre 1414. La communauté de Ceyzériat y fut représentée par ses deux syndics, Jean Gay et Porcellon ; Ramasse fit défendre ses droits et ses prétentions par ses trois seigneurs fonciers, Claude Langes, Jean de Molon, seigneur de Montberthod, et Gilles Perrod. Pierre Gevray dit Gringoz agit, en outre, comme procureur des habitants.
La crête de la montagne fut reconnue comme limite des territoires. La glandée fut interdite depuis la saint-Barthélemy (24 août) jusqu’à Noël, et même jusqu’au carême. Le droit de pâturage fut reconnu aux deux groupes, tant dans la montagne de Ramasse que sur le territoire de Ceyzériat, soit dans les pâturages ordinaires et les bois, soit même dans les prairies fauchables après l’enlèvement de la première coupe.
La question du glandage se posa de nouveau en 1448. Ce sont les gens de Tréconnas qui s’étaient permis d’envoyer leurs gorets sur la montagne. Une transaction intervint (...). Les gens de Tréconnas reconnaissent leurs torts et payent deux gros d’argent à ceux de Ramasse pour dommages causés. (...)
Ces conventions paraissent avoir été observées pendant longtemps. Au commencement du XVIIe siècle, on recommença à se chamailler [4].
 »

Le hameau de Mont-July, situé à mi-côte et le sommet de la montagne, au début du 20e siècle.

Une fontaine pour le hameau

La création d’un hameau à flanc de montagne s’explique par la présence d’un point d’eau. Sous la Révolution, il n’est pas encore pleinement exploité et, le 4 frimaire an X (25 novembre 1801), une pétition est adressée au maire de Ceyzériat par des « citoyens et propriétaires résidant au village de Mont-July, [qui] exposent que leur village, situé sur la mi-côte, est dénué de puits et de fontaine, (...) [mais] ils se sont aperçus que, dans le milieu de leur hameau, il existe une mare qui, dans les plus grandes chaleurs, est continuellement remplie d’eau qui leur paraît belle et limpide, ce qui les persuade que, dans cet endroit et à peu de profondeur, il existe une source ». En conséquence, ils demandent l’autorisation de vérifier, en creusant sur la place publique. Deux jours plus tard, « après examen fait sur les lieux », le maire, Antoine Jacob de la Cottière, transmet la requête au préfet qui autorise le creusement le 18 thermidor an X (6 août 1802).
Le puits alors aménagé se révèle insuffisant « les temps de sécheresse pour le hameau qui devient tous les jours plus populeux ». La commune a bien vendu des bois pour établir trois fontaines publiques mais celle du village a absorbé tous les fonds. Les habitants de Mont-July renouvellent leur demande le 12 novembre 1830, après avoir établi le devis des travaux, avec une canalisation de 1 074 mètres, à partir de la source du Vanon, située au-dessus de Mont-July. Après avoir vérifié l’abondance de la source durant l’été, le conseil municipal décide de financer la fontaine avec « l’argent qui restera en caisse après l’établissement de celle de Tréconnas et avec les recettes extraordinaires qui seront faites par la vente de bois ».
L’étude du dossier se poursuit et, le 31 mars 1832, le conseil décide : à la source, d’établir deux bassins espacés de « cent pas » ; d’utiliser des bourneaux (tuyaux) en terre de Meillonnas, remplacés par du plomb aux extrémités ; « le jet de la fontaine sortira dans une simple pierre de taille au bas de laquelle on creusera un réservoir ».
Le projet est approuvé en préfecture le 11 mars 1833 et les travaux adjugés le 28 avril 1833. Le 27 septembre 1834, ils sont « entièrement terminés et soldés » et la commune agrandit alors la place par l’acquisition de terrains auprès de deux riverains [5].

Le croquis du hameau de Mont-July avec l’emplacement de la fontaine et du réservoir pour le bétail.

La terre tremble...

« En pleines vendanges, nous sommes surpris par un tremblement de terre, une vraie secousse de notre globe déjà si tourmenté aujourd’hui.
La secousse a été parfaitement ressentie à Ceyzériat, mais surtout à Mont-July. Les dormeurs ont été agités dans leurs lits par un mouvement inconnu, par une sorte de soubresaut que chacun attribuait à sa propre maison. Ce n’est qu’au point du jour, alors que chacun racontait ses propres impressions, qu’il a été constaté que c’était un tremblement de terre. Quelques pendules ont même sonné. L’oscillation a pu durer deux ou trois secondes ; mais point de déchirures dans les appartements. Quelques vieilles fissures seulement se sont un peu élargies dans certaines maisons.
Nul pronostic n’avait fait pressentir cette commotion survenant après quelques jours d’une bise qui faisait rage. Nous pouvons rassurer les habitants de Bourg qui craindraient par trop pour leurs voisins de Ceyzériat. Nous pouvons bien être sur un volcan politique mais il n’y a nulle trace d’un volcan sortant des entrailles de nos montagnes, et la célèbre roche de Cuiron n’a subi aucun ébranlement sur toute la longueur de sa corniche. Elle est toujours sur sa base comme au temps de César.
Quelques-uns proposent de baptiser le vin de 1877, le vin du tremblement de terre. Peu importe le nom, pourvu qu’il soit bon [6].
 »

Un hameau autrefois actif

Le premier recensement décomptant les habitants par hameau date de 1851. Mont-July compte alors 31 maisons et 104 habitants. Pour beaucoup de chefs de ménage, il est ajouté la mention : « propriétaire-cultivateur pour lui et pour autrui ».
La population baisse légèrement et s’établit à 95 habitants en 1861 et 1872. Là, la commune est passée de 987 à 1 068 habitants et il est indiqué que « l’année passée, une mortalité considérable a décimé la population de la commune. Le présent recensement constate néanmoins une augmentation de 23 habitants par rapport à celui qui a été fait en 1866 ; cette augmentation tient à l’établissement, dans le pays, de plusieurs familles qu’y ont attiré diverses causes et notamment les travaux et l’ouverture prochaine du chemin [de fer] de Bourg à La Cluse, en construction ». La mortalité de 1871 a été causée par l’épidémie de la variole, diffusée par le conflit franco-prussien.
En 1886, la population de Ceyzériat retrouve le total de 1872 avec 984 habitants et Mont-July ne compte plus que 87 habitants avec autant de propriétaires-cultivateurs que de cultivateurs-fermiers. La gare est intégrée au hameau pour ce recensement puis elle sera décomptée parmi les maisons isolées.
Ensuite la population communale décroît jusqu’en 1911 et Mont-July ne compte plus que 65 habitants en 1901 où seuls les deux tiers des maisons sont occupées. Un vigneron est mentionné comme travaillant pour un patron. Dix ans plus tard, ils sont sept.
Comme ailleurs, la Grande Guerre de 1914-1918 éprouve Ceyzériat qui décline à 776 habitants en 1921. Cinq ans plus tard, plus de la moitié des habitations de Mont-July sont inoccupées. Il ne reste que 48 habitants dont 4 vignerons et cette situation perdure jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Au début du XXème siècle, Mont-July est un hameau paisible, voué à l’agriculture. Remarquer l’orthographe du hameau.
Plus de cent ans plus tard...

MONT-JULY, SCIENCES, TOURISME ET NATURE

La montagne qui domine Mont-July et Ceyzériat est située sur le premier chaînon du Revermont. Elle offre de nombreuses ressources. Proches du sommet, les Roches de Cuiron, site d’escalade, sont aussi un lieu d’observation exceptionnel.

Fondée en 1966, l’Association astronomique de l’Ain obtient, de la municipalité de Ramasse, la possibilité d’établir un observatoire à proximité de la tour hertzienne. Doté d’un télescope de 310 mm, il est inauguré le 16 septembre 1978 par le préfet de l’Ain et prend ensuite le nom d’Observatoire Pierre Joannard, en hommage à ce dirigeant dévoué, décédé en 1988. Chaque année, l’association participe à la Nuit des étoiles au début du mois d’août.

L’ancien Buffet de la gare est devenu, selon l’inscription au dos, "un petit hôtel où l’on s’amuse beaucoup car il y a une très vaste salle de jeux au rez-de-chaussée et où l’on passe les dimanches après-midi pluvieux".
En 1859, la Maison Hugonod-Chambard, rue des Blanchisseries à Bourg-en-Bresse, a créé l’Élixir du Mont-July, à partir de plantes des Roches de Cuiron. Selon les publicités parues dans le Journal de l’Ain, il cesse vers 1865 pour être remplacé, semble-t-il, par un Élixir de longue vie.
L’Ain compte plus d’une soixantaine de variétés d’orchidées, dont beaucoup sont présentes dans le Revermont, là un ophrys insectifera ou ophrys mouche.
Facile à repérer au bord des routes, là dans la montagne de Mont-July, l’ophyis pyramidal.
Le village de Ceyzériat et la Bresse vus des Roches de Cuiron.
Depuis plus de trente ans, à chaque automne, aux Roches de Cuiron, des membres de la Ligue de protection des oiseaux (L.P.O.) suivent la migration des oiseaux et consignent leurs observations.
Une méthode d’autrefois pour préserver le gibier...
Le feu d’artifice de Bourg-en-Bresse du 13 juillet 2022, tiré depuis le Parc de loisirs de Bouvent. En arrière-plan, le feu d’artifice de Saint-Rémy et les châteaux d’eau de Corgenon-Buellas.
Orage sur la Bresse le 3 juillet 2018. Le sommet de la montagne est très prisé des "chasseurs d’orages".


Nous avons volontairement "oublié" la chapelle des Conches pour l’évoquer dans une chronique ultérieure.
En complément, voir sur ce site :
LA GRAND’MARGOT À CEYZÉRIAT, DEPUIS LES ORIGINES

Rémi Riche

Juillet 2022

Avec la participation de Jean-François Basset, Martine Cividin, François et Françoise Dufour, Cécile Gerbe-Servettaz, Gyliane Millet, Mario Mollard, Loïc Presti, Audrey Scheerens, Fanny Venuti.
Archives départementales de l’Ain.
Médiathèque É. et R. Vailland.

Photos

[1Citations extraites du courrier du Directeur régional de la R.T.F. du 9 juin 1961. A.D. Ain. 502W1.

[2Dauphiné-Libéré du 20 août 1962 et 7 février 1963.

[3Dauphiné-Libéré du 24 juin 1963.

[4Manuscrit. Médiathèque R. et É. Vailland.

[5Informations extraites du dossier 2O909 des A.D. Ain.

[6Journal de l’Ain du 12 octobre 1877.

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