Le Centre Camus, ancien Hôtel des Postes

À Bourg-en-Bresse, le réaménagement du Centre Camus a été inauguré le samedi 7 septembre 2019. Quelle est l’origine de ce bâtiment, situé en haut de l’avenue Alsace-Lorraine ?

À la fin du XIXe siècle

En 1896, le Mémorial Annuaire de l’Ain indique que la direction départementale des Postes et Télégraphes est située, à Bourg, rue Alphonse Baudin (au n° 9), et le bureau de ville, place du Greffe (aujourd’hui Square Lalande). Un réseau téléphonique existe « d’Ambérieu à Lyon, Paris et Marseille ». Toujours selon l’annuaire, le département compte 79 bureaux mixtes (poste et télégraphie), 12 bureaux limités au seul service postal et 5 à la seule télégraphie. À ces services s’ajoutent 32 gares du PLM « ouvertes à la télégraphie privée ».

Un facteur rural à la fin du XIXe siècle (A.D. Ain)

La ville de Bourg-en-Bresse envisage la construction d’un Hôtel des Postes. Après avoir obtenir un accord du ministère pour un bail de trente ans, le conseil municipal de Bourg-en-Bresse du 22 novembre 1894 évoque la construction d’un Hôtel des Postes et l’édification est décidée le 20 décembre 1894. L’architecte départemental Tony Ferret est chargé de dresser les plans et le cahier des charges. Les matériaux devront être de la qualité la meilleure et la pierre extraite des carrières de l’Ain, notamment au hameau de Tréconnas, près de Ceyzériat. Le bâtiment s’élève sur l’ancienne propriété Leduc, démolie en partie, et le projet intègre des éléments anciens, notamment pour créer une cour intérieure, avec un accès par la rue Lalande. Un jardinet arboré subsiste à l’est du bâtiment.

L’appel d’offres des travaux et le plan du rez-de-chaussée. (A.M. Bourg.)

Les travaux sont adjugés le 22 juillet 1895 à des entreprises locales. Ils vont bon train et ils s’achèveraient en décembre 1896 si le Receveur principal ne demandait pas des ajustements pour les bureaux et son appartement, notamment un calorifère, pour le chauffage. Le bâtiment est réceptionné par la ville, provisoirement, le 24 juin 1897. Le dôme du clocheton n’a aucune surélévation, que l’installation du premier réseau téléphonique départemental rendra nécessaire.

L’Hôtel des postes avant l’installation d’un réseau téléphonique aérien, avant 1901.

Les bureaux sont ouverts depuis le 21 juin et le public l’a appris par un entrefilet de quelques lignes dans le Courrier de l’Ain du 22 juin 1897. Aucune fête inaugurale n’est évoquée… Il est vrai que le téléphone, inventé en 1876, est peu utilisé par le tout public. Et c’est à la fin de l’année 1897 qu’une réunion est organisée au tribunal de commerce pour envisager la création du réseau téléphonique urbain, utile pour le commerce local. Quarante-cinq personnes y participent. Bourg sera rattaché au réseau central par des fils reliés à Mâcon, Lyon et Ambérieu par Pont-d’Ain. Plus tard, ce sera Genève par Nantua et Bellegarde. Ce réseau téléphonique sera créé aux débuts des années 1900.

Une extension rapide

À l’Hôtel des Postes, le trafic progresse et les locaux doivent être réaménagés en 1905 et 1914. Le personnel augmente et le directeur estime qu’il ne dispose pas d’un volume d’air suffisant. Cette période d’avant-guerre est aussi celle de la multiplication des cartes postales, utilisées comme des messages de la vie quotidienne, pour un amical bonjour, indiquer une arrivée, donner de brèves nouvelles. La carte postale connaît son âge d’or durant la Belle Époque et elle fait connaître villes, villages et monuments. Le nouveau paysage urbain burgien est abondamment photographié. L’Hôtel des Postes et l’édifice, élevé de l’autre côté de l’avenue, forment comme une porte d’entrée vers le centre-ville et la vue se termine avec le clocher de l’église Notre-Dame.

Son clocheton est aussi en parallèle avec le clocher du temple protestant, situé à gauche, rue Lalande. Lorsque le clocher de Notre-Dame est réédifié en 1911, la perspective de l’avenue sera marquée par ces trois élévations vers le ciel. Une belle vue sur une avenue hausmannienne, comme dans les grandes villes de France ! Sur les cartes postales de l’époque, on voit des cyclistes, des charrettes hippomobiles, des piétons et des dames aux élégantes toilettes. La ville, active et commerçante, rayonne de modernité, celle de la Belle Epoque. Un moment de paix, de douceur de vivre, même si la vie reste difficile pour les classes populaires.

À partir d’août 1914 survient la guerre. Elle épuise le pays durant plus de quatre ans. Et les poilus, au front ou séjournant dans les hôpitaux de l’Ain, utilisent beaucoup les cartes postales pour leurs correspondances quasi quotidiennes avec leurs familles et leurs proches. L’Hôtel des Postes connaît son propre drame lorsque le feu se déclare, dans la tourelle rehaussée, le lundi 9 octobre 1916, en début d’après-midi. Grâce à l’intervention des pompiers, l’incendie est circonscrit mais la tourelle est détruite. Les correspondances et les archives sont sauvées grâce au personnel et quelques passants volontaires. La reconstruction est envisagée mais la période de la guerre n’est guère favorable, ni l’après-guerre où les régions dévastées sont la priorité. Et le toit provisoire, non étanche à la poussière et à la neige, subsiste jusqu’à la Seconde guerre mondiale, puis après. Là, la ville doit faire face aux exigences de son expansion et le toit provisoire reste. La tourelle, tronquée et disgracieuse, est une verrue dans la ville. Le bâtiment n’est d’ailleurs plus adapté aux exigences du temps. On évoque un autre édifice à aménager. Une nouvelle poste est construite près du monument aux morts et elle est ouverte en 1964.

Un nouveau destin

La désormais Vieille Poste subsiste, toujours aussi disgracieuse dans l’avenue. Le bâtiment est loué occasionnellement à des commerces ou entreprises. Qu’en faire ? Son sort se décide aux élections municipales de 1977. La liste de gauche conduite par Louis Robin est élue et engage aussitôt une réflexion pour transformer la Vieille Poste en un complexe socio-culturel. Un rapport au ministère de novembre 1978 indique la création d’une succursale à la bibliothèque centrale installée, elle, au 65 du boulevard de Brou. Le bâtiment comprendra, au rez-de-chaussée, des salles d’exposition, d’information et d’animations, au premier étage, la bibliothèque destinée essentiellement au prêt et à la communication, au deuxième étage, des salles de réunion. À la fin des travaux, la commission culturelle propose le nom de Paul Éluard pour dénommer ce bâtiment mais, deux mois plus tard, le Conseil municipal du 28 janvier 1980 préfère le nom d’Albert Camus. Ainsi, le Centre culturel Albert Camus est inauguré le 14 février 1980 avec une bibliothèque de 7 000 ouvrages et une discothèque de 1 600 disques. Un an plus tard, le nombre de lecteurs s’élève à 3 475. La discothèque est transférée à la Médiathèque Élisabeth et Roger Vailland en 1988 et un espace Langues est créé en 1994. En l’an 2000, les 5 631 inscrits individuels (4 167 adultes et 1 464 enfants) et les 130 collectivités ont emprunté 72 348 documents. ■

Le Centre Camus à l’été 2020.

Sources :

Archives municipales de Bourg-en-Bresse : 1 M 105 ; 1038 W 2 et 15 ; fonds Fi.
Bulletin municipal de novembre-décembre 1979.
Courrier de l’Ain 1897.

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