L’ÉVOLUTION, EN NOMBRE, DES COMMUNES DE L’AIN

La Révolution n’a que quelques semaines lorsqu’elle crée les communes pour donner une nouvelle existence administrative aux villes, bourgs, paroisses ou communautés de campagne. Les communes sont créées par une loi du 14 décembre 1789. Qu’en est-il dans nos contrées ?

Les communes sont créées

À la veille de la Révélation, le peuple vit au sein de paroisses et l’église est le lieu de rassemblement de la communauté, administrée par des notables. À leurs côtés, le curé a un rôle important, tant religieux qu’administratif. Il enregistre les baptêmes, mariages et sépultures sur des registres et il retransmet les ordonnances royales lors des messes. Aussi annonce-t-il la convocation des États généraux de mai 1789 où le tiers état aura environ six cents représentants, élus à l’issue d’un système électoral complexe. Chaque paroisse se réunit d’abord en assemblée pour désigner ses délégués et, surtout, rédiger un Cahier de doléances.

Combien de paroisses sur le territoire du futur département de l’Ain ? Elles seraient 473, selon l’ouvrage Les débuts de la Révolution dans les pays de l’Ain (1787-1790) [1].

Forts de leur mission, les élus quittent leurs contrées pour les États généraux qui se réunissent à Versailles, à partir du 5 mai 1789. Les trois ordres de la société française sont rassemblés : la noblesse compte 270 représentants, le clergé environ 300 et le tiers état environ 600. La modalité du vote est un sujet de discorde et le tiers état, refusant le vote par ordre, se proclame, le 17 juin, Assemblée nationale puis, après le ralliement de la noblesse et du clergé, Assemblée constituante à partir du 9 juillet.

Les États généraux se sont réunis, à Versailles, à la salle des Menus-Plaisirs, réalisée par Pierre-Adrien Pâris, l’architecte de l’Hôtel-Dieu de Bourg.

Une des premières dispositions de la Révolution

Les événements s’accélèrent ensuite, le peuple de Paris se révolte. La prise de la Bastille, le 14 juillet, marque les débuts de la Révolution. Les idées foisonnent et l’assemblée vote l’abolition des privilèges le 4 août, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen le 26 août, la nationalisation des biens du clergé le 2 novembre et la loi d’organisation municipale unique le 14 décembre 1789.

La nouvelle administration de la France suscite de nombreux débats. Le point de vue de Mirabeau est décisif et elle se fera selon l’organisation traditionnelle du pays, développée depuis le Moyen-Âge. Selon un principe défini dès le 12 novembre 1789, « il y aura une municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne » [2]. Ainsi sont créées environ 44 000 communes en France et cela correspond à la réalité socio-économique française du moment, différente de celle des pays voisins.

Un nouveau personnage apparaît avec les communes, le maire ou, plutôt, Monsieur le Maire. La loi fixe les règles du fonctionnement des assemblées municipales. En contradiction avec la déclaration du 26 août 1789, l’assemblée a créé, le 29 octobre 1789, des citoyens actifs et des citoyens passifs. Pour être un citoyen actif, il faut être Français ou devenu Français, être majeur de 25 ans, être domicilié dans le lieu depuis un an au moins, payer une contribution directe de la valeur locale de trois journées de travail, n’être point en état de domesticité [3]. Le citoyen passif jouit de droits civiques sans pouvoir participer à la vie politique, dont sont aussi exclues les femmes qui participent pourtant activement à la Révolution. En outre, ne pourront être élus dans les assemblées municipales que les électeurs payant une contribution directe d’une valeur d’au moins dix journées de travail.

Un département et 501 communes pour l’Ain

L’élection des maires intervient durant les premières semaines de 1790, moment où l’assemblée constituante crée les départements. Divers projets sont étudiés, allant de 40 à 120 départements. Finalement, un terme moyen est adopté avec 83 départements. Les contrées de Bresse, Dombes, Bugey et Pays de Gex sont rassemblées au sein du département de l’Ain, créé le 25 janvier 1790, avec Bourg pour chef-lieu. Les limites avec les départements voisins doivent être définies et ces démarches se prolongent jusqu’en 1793.

Les départements sont divisés en districts, entre un minimum de trois et un maximum de neuf. L’Ain choisit ce maximum et il est l’un des plus morcelés. Les discussions sont longues pour déterminer les chefs-lieux, l’enjeu étant le siège d’un tribunal. Les districts eux-mêmes sont divisés en cantons, avec le même type de discussions, pour terminer avec 49 cantons, totalisant 501 communes, selon l’historien Eugène Dubois [4].

Il reste aux communes à définir leur territoire, le diviser en sections et fixer leurs limites naturelles. Les litiges éventuels sont réglés par des commissaires des districts [5].

Carte du département de l’Ain en 1790 ; elle indique 499 communes.
Le département de l’Ain en 1791. D’après Eugène DUBOIS – Histoire de la Révolution dans l’Ain – Tome 1 (pages 141 à 146 et 238)
Districts Cantons Communes Habitants en 1791 Citoyens actifs Électeurs
Bourg 7 92 63 078 7 087 72
Pont-de-Vaux 3 39 32 641 3 566 44
Chatillon 3 39 23 490 3 536 24
Trévoux 4 63 31 983 3 436 34
Montluel 3 45 24 380 3 005 32
Belley 9 80 34 919 5 941 60
Saint-Rambert 7 48 31 055 4 986 53
Nantua 9 63 27 252 4 648 50
Gex 4 32 20 410 3 992 27
Totaux 49 501 289 208 40 197 396
Délimitation entre l’Ain et le Jura (Visages de l’Ain n° 47 – Novembre-décembre 1959)

Une période révolutionnaire agitée

Le cours des événements s’accélère avec la Constitution civile du clergé (août 1790), la fuite du roi (21 juin 1791), les émigrés, la guillotine (avril 1792), la patrie en danger (10 juillet 1792), la proclamation de la République (22 septembre 1792), le procès du roi (décembre 1792), le Comité de salut public (avril 1793), la Constitution de l’An I (juin 1793), la levée en masse (août 1793), la chute des assignats, la Terreur (septembre 1793), le culte de l’Être suprême (mai-juin 1794), la rébellion vendéenne et les victoires militaires aux frontières.

Ces événements ont des répercussions dans l’Ain. Au cours de la campagne de déchristianisation de l’automne 1793, les saints et tout ce qui rappelle l’Ancien Régime sont bannis des noms de lieux. Environ 75 communes changent d’appellation. Ainsi Bourg-en-Bresse devient Bourg-Régénéré, Êpid’Ain, Êpid’Or, Bledin [6].

Quelques exemples de nouvelles dénominations
Bâgé le ChâtelBagé de l’AinMontrevel en BresseMont-Uni
Saint André de Bâgé La Giraudière Saint Just La Fougère
Saint Étienne du Bois Mont du Bois Saint Martin du Mont Mont Bel Air
Saint Jean le Vieux Vieux d’Oiselon Saint Rémy Bellevue sur Veyle
Coligny Nant-Côteau,
Beaucôteau
Saint-Bénigne Mont Blanc,
Mont Libre

Ensuite, le 4 décembre 1793, la Convention revient à une organisation. Les maires et les officiers municipaux sont supprimés. Dans les communes, seuls sont maintenus un agent national et son adjoint. Ceux-ci sont rassemblés au sein d’une municipalité cantonale auprès de laquelle un Commissaire, désigné par le pouvoir, est chargé de veiller à l’application des lois. Toutes les communes n’ont pas été maintenues, les plus modestes ont été intégrées à leurs voisines.

Les troubles se perpétuent, l’armée est appelée pour maintenir l’ordre. Une nouvelle constitution (Constitution de l’An III) est mise en place en août 1795 et les règles d’imposition réduisent le nombre d’électeurs. La France compte alors 99 départements. La République agrandit le territoire et le réorganise. Le Pays de Gex est retiré du département de l’Ain en 1798 pour être intégré à celui du Léman, avec Genève pour chef-lieu. Le coup d’État de Bonaparte met un terme à la Révolution et à la République, les 9 et 10 novembre 1799.

Le calendrier républicain a été institué le 5 octobre 1793 avec une application rétroactive à partir du 22 septembre 1792, jour de l’établissement de la République.

Consulat, Empire, Royauté

Sous le Consulat, la loi du 17 février 1800 restitue les communes, en tant que municipalités, supprime les districts et crée des arrondissements. Les maires et les adjoints des communes sont nommés par le pouvoir. Chargés de fonctions administratives, ils sont des agents de l’État, indépendants des conseils municipaux. À l’apogée de l’Empire, la France compte 130 départements.

Combien de communes subsistent-elles alors dans l’Ain ? Selon le préfet Bossi, en 1808, « les communes étaient, en 1789, au nombre de 441 et on en compte à présent que 414. (…) Aucun changement n’a été opéré à cet égard postérieurement à 1801 » [7] sur l’étendue de ses quatre arrondissements de Bourg, Belley, Nantua et Trévoux.

Au retour de la royauté, la France compte 86 départements. Le département du Léman est supprimé et le Pays de Gex est réintégré au département de l’Ain en 1814-1815, mais Genève garde sept communes, malgré un recours de ces Gessiens auprès de Louis XVIII. Avec le retour à ses cinq arrondissements, le département compte alors 429 communes en 1817 [8].

Peu de changements

Le territoire du département est stable pour plus d’un siècle et demi ; la IIIe République ne modifie pas l’organisation administrative. Le nombre de ses communes varie quelque peu en fonction des demandes locales [9]. Après le Second Empire, les maires sont élus par leur Conseil municipal et la vie municipale est ensuite régie par une loi de 1884.

Année de l’annuaire 1817 1829 1851 1868 1884 1902 1914
Bourg-en-Bresse 118 122 121 121 120 120 120
Belley 110 124 112 113 116 116 116
Trévoux 107 114 111 112 112 114 115
Nantua 68 69 73 73 74 74 74
Gex 26 29 29 31 31 31 32
Total 429 458 446 450 453 455 457

La 458e commune, Crépieux-la-Pape, est créée en avril 1927, par une scission d’avec Rillieux. Ce total reste inchangé jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. L’arrondissement de Trévoux est fusionné avec celui de Bourg en 1926. Dans les années 1930, divers projets d’urbanisme de villes sont étudiés pour les villes de quelque importance et un décret du 8 juin 1937 fixe celui de Bourg-en-Bresse. La guerre survient et le dossier reste en suspens. Le Régime de Vichy s’installe et, pour l’Ain, impose la fusion de Saint-Maurice-d’Échazeaux avec Corveissiat et de Lompnès avec Hauteville.

L’après-guerre et les Communes nouvelles

La création de la Communauté urbaine de Lyon, par un décret de 1967, entraîne le rattachement de six communes de l’Ain au Rhône : Genay, Sathonay-Camp, Sathonay-Village, Rillieux, Crépieux-la-Pape et Montanay. Ensuite, quelques communes fusionnent : Chézery et Forens en 1962, dans la vallée de la Valserine, puis Arnans avec Corveissiat, dans le Revermont, Longecombe, Lacoux avec Hauteville, dans le Bugey, en 1964.

Ce mouvement se poursuit timidement mais il n’est pas suffisant pour le pouvoir qui, par la loi du 16 juillet 1971, l’encourage par des incitations financières. Un an plus tard, la préfecture de l’Ain prévoit 37 fusions pour 92 communes concernées. Partout, l’opposition est forte et seules 16 fusions se réalisent de 1971 à 1975. Par un référendum du 13 mai 1973, les communes de la périphérie refusent une fusion avec Bourg-en-Bresse. Le département compte alors 419 communes et cette situation reste stable jusqu’en 2015.

Au début des années 2010, l’organisation territoriale de la France est à nouveau discutée. La loi du 7 août 2015 propose une « nouvelle organisation territoriale de la République » dans son ensemble. C’est la loi NOTRe dont une partie concerne les « communes nouvelles », avec des incitations financières pour encourager les fusions entre communes.

Quelques-unes se réalisent, parfois à la hâte, d’autres sont refusées au cours de référendums. Au 1er janvier 2017, le département de l’Ain compte 410 communes et 393 au 1er janvier 2020. Un total provisoire pour un bon élève de la France ! ■

Document à télécharger

[1Par André Abbiateci et Paul Perdrix. Les sources de l’histoire de l’Ain. Bourg. 1989. Page 53.

[2Archives Parlementaires de 1787 à 1860 - Première série (1787-1799) Tome X - Du 12 novembre au 24 décembre 1789. Paris : Librairie Administrative P. Dupont, 1878. Consultable sur le site www.persee.fr.

[3Instruction de l’Assemblée nationale sur la formation des municipalités.

[4Eugène Dubois (1871-1952). Lire le dossier d’André Abbiateci, dans Chroniques de Bresse n° 5-2012.

[5Décret des 20, 22 et 22 novembre 1790. Exemple entre Polliat et Curtafond. A.D. Ain. 4L26.

[6Histoire de l’Ain. Du XVIe siècle à nos jours. Éditions du Parc Horvath.

[7Statistique du Département de l’Ain ; Préfet Bossi. 1808. Page 249.

[8Décompte effectué sur l’annuaire 1817, en ligne sur le site A.D.Ain.

[9Chronique du passé, février 2020, sur Radio B. Bourg-en-Bresse.

Partager cette page

  • Partager par mail
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur Twitter