Le quartier Saint-Roch à Bourg-en-Bresse
La ville de Bourg-en-Bresse a un quartier Saint-Roch, un saint associé aux épidémies de peste, dès le XIVe siècle. En pèlerinage à Rome, Saint-Roch assiste les malades avant d’être lui-même atteint par la peste, et d’en guérir. Pourquoi une telle dénomination à Bourg-en-Bresse ? Nous vous proposons quelques éléments de réponse.
Réclusion des malades
Le quartier Saint-Roch est situé, à l’origine, au croisement des routes de Lyon et de Châtillon. La ville y crée une maladrerie ou maladière, en 1429, pour y regrouper les lépreux. Une chapelle y est édifiée en 1432. La peste a déjà atteint la Bresse depuis le printemps de 1348. Les pestiférés sont reclus à la maladrerie Saint-Roch, créée en 1472 à l’arrière du prieuré de Brou. Lorsque Marguerite d’Autriche décide de construire son église, elle donne une somme importante pour transférer les pestiférés à la maladrerie qui prend le nom de Saint-Roch. Les pestiférés y restent regroupés jusqu’en 1675, date de la dernière épidémie en Bresse. Le lieu retrouve une fonction agricole. La chapelle, désormais dédiée à saint Fiacre, le patron des jardiniers, est vendue en 1791 [1].
Le nom de Saint-Roch est indiqué dans les Archives de Bourg-en-Bresse, en 1479 pour la réfection de la croix du quartier, en 1565 pour une grand’messe et une procession en l’honneur du saint. À partir de 1566, la célébration devient annuelle, pour protéger la ville de la peste [2].
L’urbanisation du quartier
Au cours du XXe siècle, l’urbanisation de la ville de Bourg-en-Bresse délaisse Saint-Roch alors que les quartiers de Bel-Air et des Vennes se couvrent d’habitations. Saint-Roch est alors un vaste espace où la ville projette de bâtir le futur Carriat. Elle acquiert un terrain en 1938 mais la Seconde Guerre survient. Le projet est reporté et la cérémonie de la première pierre a lieu le 23 mai 1955. Le Collège technique Carriat et le centre d’apprentissage ouvrent en septembre 1958.
Le chef d’établissement est M. Georges Drouin, secondé par M. Maurice Corre, adjoint, et M. Émile Colombant, chef des travaux. Au 15 novembre 1958, l’établissement compte 131 élèves dans les classes de 6e et 5e, 401 dans les enseignements industriels (dont 220 en 4e et 3e), 100 dans les enseignements commerciaux, économiques et sociaux, soit un total de 632 élèves, dont 4 filles externes. Le centre d’apprentissage, avec ses ateliers installés au boulevard des Belges, regroupe 229 élèves sur les trois années d’enseignement des métiers d’ajusteur, tourneur, serrurier, électricien, menuisier, ébéniste et maçon. Une section d’électricien-mécanicien automobile est demandée d’urgence [3]. L’établissement est adossé à la rue de Crouy, côté ouest. À l’est, le terrain en contrebas est encore en friche. Au sud-est, en prolongement de la rue de la Prévoyance (en venant des Vennes), des immeubles sont déjà en construction et les premiers habitants emménagent déjà, depuis mars 1958, même si la voirie n’est pas encore aménagée. La photographie aérienne est révélatrice.
Du confort en plus
Ces habitations apportent de réels progrès pour les familles avec leurs appartements lumineux, l’eau courante, les balcons et les caves où sont stockés la réserve de pommes de terre et le charbon pour le chauffage. Les entrées des caves et des locaux collectifs (pour entreposer les bicyclettes) ne sont pas fermées à clé. L’époque est au plein emploi et se situe dans les Trente glorieuses, période de 1945 à 1975 où la France connaît une forte expansion économique, grâce au développement de l’automobile et des biens d’équipement des ménages et des entreprises. Pour les jeunes, l’époque est celle des mobylettes, des postes radiophoniques portatifs – les transistors – , de l’émission Salut les copains [4] qui, avec son hit-parade, diffuse les chansons des idoles dont la plus emblématique est Johnny Hallyday.
Nostalgique, un chroniqueur note que les écoliers ont délaissé « le bon vieux plumier de bois au couvercle colorié, où l’on pouvait dissimuler mille trésors secrets. On l’a remplacé par des trousses, moins encombrantes, où l’écolier a tout ce dont il a besoin » [5]. Sans être encore aménagée, la future avenue reçoit, le 8 octobre 1957, le nom de Jean-Marie Verne, maire de Bourg de 1888 à 1900. Enfin, pour les anciens, le Foyer Saint-Roch ouvre le 9 octobre 1967, dans une salle de quartier aménagée.
La population des immeubles au recensement de 1962
(Étude effectuée par Claude Brichon)
Bâtiment A : situé à l’angle de la rue de Saint-Roch.
32 chefs de famille majoritairement veufs, célibataires ou couples sans enfants.
58 résidents dont 10 enfants.
Bâtiment B : situé à droite de l’avenue Jean-Marie Verne côté Carriat.
40 chefs et leur famille : 201 résidents dont 123 enfants.
Bâtiment C : situé à gauche de l’avenue Jean-Marie Verne, côté Maison de l’enseignement.
40 chefs et leur famille : 211 résidents dont 134 enfants.
Soit un total de 112 chefs de famille pour une population de 470 habitants dont 267 enfants (2 familles ayant 8 enfants et une de 7). On dénombre 7 Espagnols et 10 Italiens.
Ain | 26 |
Autres départements | 17 |
Non précisés | 58 |
Italie | 2 |
Espagne | 1 |
Algérie (rapatrié) | 1 |
Maroc (rapatriés) | 2 |
Chauffeur | 7 |
Santé publique | 11 |
Tréfileur | 12 |
Maroquinière | 4 |
Menuisier | 5 |
Garde-pêche | 1 |
Métallurgie | 14 |
SNCF | 5 |
Militaires (appelés) | 4 |
Commerce | 11 |
Service | 44 |
Enseignement | 10 |
Bâtiment | 25 |
Métier de bouche | 3 |
Des photographies d’archives ou de souvenirs
[1] Répertoire des fonds d’archives des Hôpitaux de Bourg-en-Bresse de 1301 à 1789 (page 7). Archives municipales. Ville de Bourg-en-Bresse. 2011.
[2] Archives municipales de Bourg-en-Bresse : BB 17, BB 43 et BB 44.
[3] Renseignements adressés au ministère par le chef d’établissement. A.D. Ain. 1815W2.
[4] Émission radiophonique diffusée par Europe 1, à partir de l’été 1959 et jusqu’en 1969.
[5] Courrier de l’Ain du 16 septembre 1959.