Hommage à Colette

Quel lien entre Colette et notre région ? Les macres, ou châtaignes d’eau, que l’autrice dénommait ʺcornuellesʺ !

L’année 2023 fête officiellement les 150 ans de la naissance de Sidonie- Gabrielle Colette, née le 28 janvier 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne). Les Chroniques de Bresse s’associent modestement à cette Année Colette, bien qu’a priori, la femme de lettres ne soit jamais venue en Bresse.
Alors, quel est leur élément commun ?
En réalité, il faut franchir de quelques pas la frontière de Bresse vers le sud et parcourir la Dombes pour retrouver, sur quelques surfaces d’étangs, ce que Colette appelait les ʺcornuellesʺ, c’est-à-dire des macres ou châtaignes d’eau.
Que sont ces plantes ?

Éminemment parisienne, Colette est restée attachée à la Puisaye de son enfance.

Macre nageante ou Trapa natans

L’Atlas de la biodiversité en Auvergne-Rhône-Alpes en donne cette définition : Plante aquatique annuelle, nageante et rampante à la base. Feuilles inférieures submergées, opposées, subsessiles, pennatiséquées, à lanières capillaires ; les supérieures flottantes, étalées en rosette, rhomboïdales, dentées, velues en dessous et sur le pétiole renflé en vessie au milieu à la floraison. Fleurs blanches, axillaires, solitaires, brièvement pédonculées ; calice à tube court, soudé à l’ovaire jusqu’au milieu, à 4 lobes persistants, devenant épineux ; 4 pétales, entiers, dépassant le calice ; 4 étamines ; style filiforme à stigmate en tête. Fruits gros, subglobuleux, durs, bruns, à 1 loge et à 1 graine, terminés par 4 épines robustes, étalées ».
Le fruit renferme une amande à pulpe farineuse et riche en amidon.

Une macre d’eau dans une mare d’agrément.

Dans l’œuvre de Colette

La macre d’eau est restée consommée dans les pays d’étangs comme d’autres fruits de haies dans les campagnes, tels les nèfles et, pour des confitures ou gelées, les cynorrhodons ou autres pommes sauvages [1].
Enfant, Colette les connaissait bien et elle écrit dans Mes apprentissages - Ce que Claudine n’a pas dit : « Mon bouquet de Puisaye, c’est (…) l’alise et la corme et la nèfle, roussottes que le soleil ne mûrit pas, mais que novembre attendrit ; c’est la châtaigne d’eau à quatre cornes, sa farine à goût de lentille et de tanche (…) ».
Devenue Parisienne, Colette en a gardé le goût et elle en demande à sa mère. Celle-ci lui écrit le 16 octobre 1909 : « nous sommes partis pour la Gazonne, le bel étang où il pousse des cornuelles. (…) Quant à demander des cornuelles ailleurs, ce serait fort inutile. Je regrette fort de ne pouvoir te faire ce plaisir », puis, le 30 octobre 1909, : « j’expédie aujourd’hui un colis à l’adresse de Missy, composé de ce que j’ai pu me procurer de cornuelles [2].

Le développement bien caractéristique d’une macre d’eau.

Connue dans l’Ain

Le bulletin de 1843 de la Société d’Émulation de l’Ain consacre un article de quelques pages, intitulé Des macres ou châtaignes d’eau - Reproduction - Usage - Récolte. L’introduction précise : « On peut faire produire aux eau des plantes fort utiles pour l’homme, et qui, sans nuire aux poissons, sans fournir une végétation dont les débris encombrent le fond des mares, donnent un produit végétal dont l’économie domestique peut tirer un très bon parti. La châtaigne d’eau est, sous ce rapport, une des plantes les plus remarquables. On la désigne encore sous le nom de macre, chardon aquatique. Les botanistes l’ont nommée Trapa natans. En Allemagne, cette plante se nomme water noten (noix d’eau) ou duyvelskoppea (tête de diable), sans doute pour faire allusion au fruit de la macre, qui est noir et tout couvert de cornes dentées.
Les anciens connaissaient bien l’usage de la châtaigne d’eau. Les Thraces, au dire de Dioscoride et de Pline, en faisaient un pain d’un aspect agréable, d’un bon goût et sain pour l’estomac. S’il est difficile d’en faire un pain convenable, il est toutefois permis de mélanger la farine avec la fécule de la macre. Cette fécule est excellente et tient le milieu entre celle de l’amande douce et celle de la châtaigne
 ».

Dans les pays de Loire, « on mange la macre torréfiée, comme on mange les marrons ou les châtaignes. On les fait cuire sous la cendre ou dans l’eau, on en prépare des bouillies. En Espagne, en Italie, en Suède, la macre est l’objet d’un commerce assez considérable ».
Dans les Landes, « on nourrit les porcs avec la plante et le fruit. Les feuilles servent de fourrage aux bestiaux. Les habitants de cette province ont grand soin des macres ; ils les regardent comme utiles aux poissons et pensent avec quelques raisons que leurs feuilles absorbent une partie des miasmes des marais [3] ».
C’était au XIXe siècle…

Un étang, près de Saint-Paul-de-Varax, recouvert de macres.
La macre a été jugée trop invasive…

Rémi Riche

Août 2023

Au Musée du Revermont

Pour la première fois, des herbiers, conservés aux Archives départementales, sont exposés au Musée du Revermont, à Cuisiat, sur la commune de Val-Revermont, jusqu’au 15 novembre 2023, du mercredi au dimanche, de 10h00 à 12h30 et de 13h30 à 18h00.
Vous verrez comment les botanistes herborisaient autrefois, vous rencontrerez Alphonse Mas et d’autres érudits, de la faïence de Meillonnas, des corbeilles de mariées, des artistes d’hier et d’aujourd’hui... Un dialogue entre hier et aujourd’hui à découvrir ! Sans oublier le jardin conservatoire !

[1Sans oublier les mûres qui sont davantage cueillies.

[2Sido. Lettres à sa fille. Édition Des femmes. 1984.

[3Article non signé. Repris sur un bulletin d’une autre ʺsociété savanteʺ ?

Partager cette page

  • Partager par mail
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur Twitter