Claudius Favier, ma vie sportive à l’Alouette des Gaules

En 1969, à l’âge de 86 ans, Claude Favier, dit Claudius Favier, écrit ses mémoires avec une remarquable "jeunesse d’esprit". Ici est reproduit le texte intégral concernant sa carrière sportive.

Les illustrations ont été ajoutées pour évoquer l’époque de Claudius Favier et rendre plus agréable la lecture.

1892

J’ai 9 ans ; j’entre au Bataillon scolaire. Tenue : vareuse bleu-marine, pantalon long et béret bleu avec pompon rouge. Le costume était fourni, je crois, par l’Union patriotique.

Dans sa jeunesse, Claudius Favier a connu la transformation de la ville de Bourg-en-Bresse avec la "Percée" de l’avenue Alsace-Lorraine, réalisée en 1895.

1893

M. Albin Gauthier, moniteur général, me fait entrer aux pupilles de l’Alouette des Gaules. L’Alouette avait été fondée en 1878 par M. Chrétien que je n’ai pas connu. Je crois qu’il était directeur de l’école Bichat, mais je ne puis l’affirmer.
Parmi les personnes qui l’ont aidé, je peux citer MM. Parant, Dureuil, imprimeur, et Tiersot, représentant de commerce qui resta longtemps au bureau, puisque je l’ai connu.
Le but de la société était la pratique de l’escrime. Ce n’est que quelques années plus tard qu’elle se lança dans la gymnastique et créa un bataillon scolaire où l’on pratiquait un peu la gymnastique, le bâton et surtout le maniement d’armes. Chaque membre avait un fusil de bois. Chaque année, les membres du bataillon allaient au stand pour participer à un concours de tir à la carabine et en revenaient en rangs et au pas cadencé, les meilleurs tireurs avec un bouquet de fleurs au bout du fusil. En 1885, avait eu lieu une grande fête des bataillons scolaires, sous la présidence de Paul Déroulède.
Parmi les présidents qui se sont succédé à la tête de la société, je me rappelle avoir entendu les noms de M. Juin, mercier en gros, et de M. Authier, imprimeur et directeur du Courrier de l’Ain et, plus tard, député de l’Ain.
Lorsque je suis entré au bataillon scolaire en 1892, la société était présidée par M. Parant qui resta en fonction jusqu’en 1898, date où il se lança dans la politique. Il fut remplacé par M. Montagnon, ancien avoué, ami de MM. Loiseau, Pierre Baudin et Allombert, avec lequel il dirigeait le Courrier de l’Ain.
En 1906, M. Montagnon quitta Bourg pour le Maroc où il avait des affaires. Ce fut M. Belaysoud qui le remplaça et cela jusqu’à sa mort, pendant la guerre de 1914-18.
Le 8 mai 1893, j’assiste au premier concours de la Fédération des Sociétés de Gymnastique de l’Ain. Je n’avais que 10 ans et je ne savais pas ce qu’était la Fédération. Mais je crois ne pas me tromper en disant qu’elle était une filiale de l’Union Patriotique de l’Ain dont M. Parant était le secrétaire général en même temps que président de l’Alouette.

Louis Parant (X) en famille. Lui-même n’a pas d’enfant.

1894

Le concours départemental a lieu à Gex, au début des grandes vacances scolaires. Un concours intérieur à l’Alouette désigne les 4 meilleurs pupilles pour former la section. À ma grande surprise et à ma grande joie, je prends la 1ère place. La perspective de faire un beau voyage me comble de bonheur. Pensez donc : aller à Genève, Ferney-Voltaire, Gex, moi qui, jusque-là, ne suis allé qu’à Saint-Trivier-de-Courtes ! Lorsque ma mère rentre de son travail à midi, je lui annonce la nouvelle. Certes, elle est contente pour moi mais, lorsque je lui dis qu’il me faut un costume, elle me répond que c’est impossible, qu’elle ne peut acheter chaussures, culotte, ceinture et maillot. Je la comprends parfaitement, mais je suis très malheureux et c’est en pleurant que, le soir, après l’école, je vais dire à M. Gauthier de ne pas compter sur moi pour le concours de Gex.
Le soir, en sortant de son travail où nous avions l’habitude, mon frère et moi, d’aller l’attendre, nous nous arrêtons chez une voisine, Mme Billon, pour prendre des commissions. Celle-ci remarque que j’ai pleuré ; ma mère lui en donne la raison. Alors, Mme Billon lui dit qu’elle a tout ce qui m’est nécessaire. Son fils, de 4 ans mon aîné, avait été pupille de l’Alouette et elle avait conservé tout son équipement. Le lendemain, à 11 heures, à la sortie de l’école, je me suis empressé d’aller à Bichat, voir M. Gauthier pour lui dire qu’il pouvait compter sur moi.
Nous avons pris le train un samedi matin jusqu’à Genève. Là, nous avons mangé le casse-croûte contenu dans notre sacoche, car il était convenu que la société ne prenait à sa charge que les repas du samedi soir, du dimanche et les petits déjeuners du matin. Dans l’après-midi, nous avons gagné Ferney-Voltaire par le tram et, de là, nous avons rallié Gex à pied. Le retour, le lundi après-midi, s’est effectué de même.
Les sociétés de Gex, Oyonnax, Ambérieu, Meximieux, Lagnieu, Dortan, Les Neyrolles, l’Avant-Garde du Lycée Lalande, Cras-sur-Reyssouze et plusieurs sociétés de Lyon prenaient part au concours.
Les épreuves des pupilles comprenaient des mouvements imposés aux barres parallèles, à la barre fixe, aux anneaux, un grimper de corde (jambes à l’équerre) et une course de 60 mètres par séries de 6.
J’ai obtenu le 1er prix individuel ainsi que ma première médaille.
Le lendemain du concours, une excursion au col de la Faucille était organisée, mais nous, les pupilles, nous nous sommes arrêtés à la fontaine Napoléon.

Je n’ai rien dépensé pour mon repas de lundi midi à Genève car j’avais eu la précaution, la veille, de mettre quelques morceaux de pain, un peu de saucisson et de fromage dans mes poches. Ce qui m’a permis de rentrer à Bourg sans avoir changé ma pièce de 100 sous [5 francs], car ma mère l’avait prélevée sur l’argent qu’elle mettait de côté chaque jour pour payer la location de notre logement.
Vous allez sans doute être étonnés que je m’étende si longuement sur ce petit concours, mais, pour moi, à 11 ans, c’était un événement extraordinaire. D’abord, c’était un grand et beau voyage : aller à Genève, visiter la ville, monter une partie du col de la Faucille. Et puis, c’était mon premier concours, ma première victoire et j’en ai gardé un excellent souvenir.
Aussi, étant retourné à Gex, beaucoup plus tard, comme commandant des pompiers, j’ai demandé à Gaby Gauthier de me conduire à la ferme-tannerie où nous avions couché deux nuits. Je crois sincèrement que le plaisir éprouvé à l’occasion de ce concours n’a jamais été égalé par les nombreux concours auxquels j’ai participé plus tard, même lorsque je me suis classé premier.

1895

Concours départemental à Nantua, moniteur général M. Belin, professeur de gymnastique au collège et père de Belin qui fut l’adjoint de Jouhaux à la CGT et, pendant le règne de Pétain, ministre quelque temps.
Étant berger de moutons chez un boucher de Bourg, je n’ai pu y participer. C’est mon ami Duhamel de l’Alouette qui fut le champion des pupilles.

1896

Le concours de l’Union de France ayant lieu à Alger, le concours départemental fut supprimé afin de ménager le budget des sociétés. L’Alouette envoya à Alger une section dont 3 éléments prirent part au championnat, en catégorie ʺathlétiqueʺ : Gigottet, Ballandras et Lacombe. Mais ils ne furent pas brillants Seul Gigottet obtint un classement honorable.
Cette même année, j’ai participé, avec l’Alouette, à une grande fête gymnique à Lyon-Saint-Clair où l’Union des Sociétés de Gymnastique du Rhône a offert un drapeau à l’Union de l’Ain.

1897

Le concours départemental de l’Ain a lieu à Meximieux. Je me classe 1er et donc Champion de l’Ain.

1898

J’ai 15 ans et, de ce fait, je suis dans les ʺgrandsʺ.
Je participe au concours de Lagnieu, puis, quelques semaines après, au concours de l’Union de France à Saint-Étienne (Loire), sous la présidence de Félix Faure [1]. J’obtiens le 3ème prix de tir du concours réservé aux gymnastes de moins de 21 ans. Le président Parant fit encadrer le diplôme que je reçus, ainsi qu’une médaille, lors d’une fête au stand de tir de Bourg, près de la forêt de Seillon.

1899

Le concours départemental a lieu à Dortan. C’est le dernier de l’Union de l’Ain qui cesse d’exister. Au concours gymnique individuel, je me classe 6ème.
Le concours de l’Union de France se déroule à Dijon, mais je suis encore trop jeune pour y participer.

1900

À la suite du départ de 2 gymnastes du 4ème degré (Perrier et Binda), l’Alouette ne peut pas participer au concours de l’Union de France organisé à Paris pour la Pentecôte. Mais un grand championnat international individuel y étant prévu au début du mois d’août, à l’occasion de l’Exposition, M. Gauthier, qui tenait beaucoup à voir ce concours, réussit à convaincre le président, M. Montagnon, d’y envoyer une délégation composée de 3 gymnastes : Terrier qui était de retour à Bourg après un séjour dans l’Isère, Lacombe et moi-même. Mais, il fallait avoir 18 ans et je n’en avais que 17. Le secrétaire de l’état civil arrangea l’affaire en portant sur ma feuille d’inscription : né en 1882 au lieu de 1883.

Nous avons pris le train à 19 heures le vendredi et nous sommes arrivés à Paris le lendemain matin à 7 heures. Nous nous sommes rendus de suite à Vincennes au secrétariat du championnat chercher les renseignements qui nous étaient nécessaires : lieu et heures des concours, logement, nourriture, etc. Repas à Vincennes pendant les deux jours du concours et logement jusqu’au jeudi, dans un bastion boulevard Masséna, pas très loin de Vincennes. Beaucoup de gymnastes, dès les concours terminés, abandonnaient le bastion pour rentrer chez eux ou allaient manger et dormir chez des parents ou des amis. C’était aussi le cas de M. Gauthier qui avait sa sœur boulevard Poissonnière, pour Lacombe qui avait un frère dans la banlieue de Paris et Terrier dont un cousin, boucher au ʺPoint-du-Jourʺ, nous fit visiter, un jour, les abattoirs de La Villette.
Les concurrents étaient de toutes les nationalités, sauf Russes, Anglais et Américains. Nous nous sommes classés Lacombe 110ème, moi 112ème et Terrier 121ème. Le champion était Sandras, un gymnaste du Nord. Je me serais mieux classé si je n’avais pas été pris d’un tremblement à la pierre de 50 kg que je ne pus lever que 8 fois, alors qu’à l’entrainement, je la levais 16 fois sans trop forcer.
Mes camarades de l’Alouette allant coucher dans leur famille, je restais donc seul à coucher au bastion et je les retrouvais au ʺPoint-du-Jourʺ, lieu de rendez-vous. Un jour, nous sommes allés à Versailles et nous avons pris part au grand concours de tir à Satory où j’ai été classé 33ème du championnat de la jeunesse.
Le vendredi, n’ayant plus la possibilité de coucher au bastion, j’ai couché chez la sœur de M. Gauthier et, le samedi et le dimanche, chez un camarade d’école et du Courrier de l’Ain, Liochon, qui, plus tard, fut secrétaire général du Syndicat du livre.

1901

Concours de l’Union de France, à Nice, sous la présidence d’Émile Loubet, le dimanche et le lundi de Pâques.
Prennent part aux championnats : Schmitter à l’artistique, Lacombe, Ballandras et moi à l’athlétique. Schmitter, pourtant bon gymnaste, ne fut pas brillant. Il avait passé la nuit avec ses camarades de régiment. Il prit la 70ème place.
Quand je vis les hommes que j’allais affronter, Émile Dérias, Lalande, Barodet et des Suisses, je ne voulus plus y participer, ne me sentant pas assez fort en lutte. À Bourg, je tombais bien tous les jeunes de mon âge, mais Ballandras et Lacombe, tous deux rentrés du régiment, ne voulurent jamais lutter avec moi. Ils me considéraient comme un gamin. C’est Croisy, le père du docteur, qui parvint à me décider. Il fut mon manager pendant toute la durée des épreuves, m’encourageant, portant ma veste et mes chaussures et, après chaque épreuve, me faisant boire un verre de vin blanc.
Je me souviens qu’au lever de la pierre de 25 kg, où je fis mes 10 levers imposés corrects, l’un des jurés annonça « zéro ! ». Croisy lui bondit dessus et lui dit : « Comment ? Il n’y en a pas un qui ait levé la pierre comme lui ». Le juré lui répondit en riant : « Oui, zéro, mais avec un 2 devant ». Il était temps car Croisy s’énervait et j’avais peur qu’il le frappe. J’obtins le maximum aux 2 levers de pierre (25 et 50 kg), au lancer sans élan, de bonnes notes aux préliminaires et au saut, mais au jet avec élan, je tombais en butant la planche où se terminait l’élan et n’obtins que 8 points, en perdant ainsi 12. Je fus classé 10ème, avec seulement 10 points de moins que le champion. En lutte, j’ai gagné 2 combats et fait match nul avec Lalande, un professionnel qui dirigeait, avec Émile Dérias, le gymnase franco-suisse de la rue des Boulets, à Paris. Quant à Lacombe et Ballandras, ils n’obtinrent pas 85 % des points et, de ce fait, ne furent pas couronnés.
À cette époque, lorsqu’une société revenait d’un concours, il y avait une réception à la gare. La municipalité, les autres sociétés, ainsi qu’un nombreux public, y assistaient. Et tout le monde défilait, en musique, jusqu’à la mairie. Bien entendu, le président Montagnon, qui nous avait accompagnés au concours, me fit défiler avec ma couronne sur la tête. En arrivant à la mairie, l’ancien président de l’Alouette, M. Parant, vint me féliciter et me dit qu’il était d’autant plus heureux que j’étais le premier gymnaste de l’Alouette à être couronné.

1902

L’Alouette prend part au concours de la Fédération du Sud-Est, à Annecy. Il n’y avait pas de championnat ʺathlétiqueʺ. J’ai participé au championnat ʺartistiqueʺ et obtenu la couronne.

1903

Concours de l’Union de France à Marseille.
Schmitter se présente au championnat ʺartistiqueʺ mais, toujours par sa faute, il n’obtient pas la couronne. Il quitte la société où il était moniteur adjoint et préparait les gymnastes aux agrès. M. Gauthier ne s’occupait que des préliminaires, des pyramides et de la boxe française. Après le concours, je fus désigné pour remplacer Schmitter.
Au classement ʺathlétiqueʺ, la société présente 2 gymnastes : un Suisse qui travaillait à Bourg et moi. J’obtins le maximum aux levers et jets de pierre, mais je perdis 2 points au saut, sous le prétexte que j’avais fait un léger sursaut à la chute, après avoir effectué un saut à l’équerre qui, paraît-il, était très bien. Bien entendu, Croisy, qui me suivait à toutes les épreuves, protesta vivement car le gymnaste, qui avait sauté avant moi, avait obtenu le maximum bien qu’ayant fait tomber l’élastique du sautoir. Mais le jury ne voulut pas revenir sur sa décision. En lutte, nous avions seulement 2 combats avec le même adversaire. Celui qui m’était opposé appartenait à une société de La Rochelle. Au premier combat, il me tomba par un croc en jambes en me donnant la poignée de mains rituelle. Mes camarades de Bourg n’en revenait pas et, moi-même, je n’étais pas content du tout, tandis que mon adversaire regagnait sa place en effectuant un saut de singe. Au second combat, je lui ai porté un tour de hanche en tête et je l’ai fait tomber avec une telle force qu’il resta un moment sur le dos à reprendre ses esprits. Je lui tendis la main pour l’aider à se relever et il se releva sans effectuer de saut de singe, cette fois. Finalement, je fus classé 6ème et je gagnai une montre qui fit toute la guerre [2] avec moi.
Le Suisse de l’Alouette était assez fort, mais il perdit des points au saut, aux préliminaires et à la lutte.

1904

La situation financière de l’Alouette ne permettant pas le déplacement d’une section au concours de l’Union de France, mais la Fédération du Sud-Est organisant des championnats artistiques et athlétiques à Uriage, près de Grenoble, je fus désigné pour y participer.
La majorité de mes concurrents étaient suisses : de bons lutteurs que je revis souvent dans d’autres concours (Lyon, Clermont-Ferrand, Mâcon, Grenoble, Tunis, etc.).
En lutte, je fus battu à mon premier combat par le champion de lutte de Genève, Hurni, qui me porta une prise de jambes dont je me souviens toujours. Il me fit faire 3 tours en tournant sur lui-même et me lâcha.
À cette époque, pour être tombé, il suffisait que, soit la nuque, soit les épaules, soit les fesses touchent le sol. En ce qui me concerne, je crois que tout a touché le sol, la nuque la première. Régulièrement, le coup n’était pas valable, car Hurni n’avait pas accompagné mon corps au sol. Il prétendit qu’il m’avait lâché involontairement et les jurés admirent cette excuse. Parmi les quatre jurés, il y avait un seul Français et trois Suisses.
Le second combat, avec le même adversaire, fut encore plus court que le premier. Je lui fis une feinte à la tête qui lui fit découvrir légèrement son corps. Je le saisis en ceinture avant et je le tombai directement sur les deux épaules. Ce combat a été relaté par le directeur du ʺGymnaste de Franceʺ, dans les termes suivants qui furent reproduits dans tous les journaux de la région. « À l’athlétique, il faut donner une mention spéciale au second prix : un gaillard qui n’a que 20 ans et qui possède déjà une musculature d’acier. C’est un typographe de Bourg-en-Bresse. Il promet. Je l’ai vu repousser d’un bras la pierre de 50 kg, sans secousse et sans coup de reins. Trop vieux pour essayer de le combattre, je vous le désigne à vous, les jeunes athlètes. Il se nomme Claudius Favier et appartient à l’Alouette des Gaules. Mais, un bon conseil ; à la lutte, ne vous laissez pas ceinturer par lui. À Uriage, un de nos amis suisses, bon lutteur, s’étant laissé ceinturer, a été littéralement étouffé. Ce n’est pas un homme, c’est un étau ».
C’est cette ceinture avant que l’athlète et sculpteur Maspoli a reproduite dans l’une des deux statues qui ornent l’entrée du ʺStade Louis Parantʺ.
Un seul Bressan a assisté à ce championnat d’Uriage : M. Henri Villard qui fut, plus tard, président de l’Alouette. Il était venu à Grenoble pour faire de la montagne mais, quand il apprit que je participais au championnat d’Uriage, il interrompit ses excursions pour assister aux épreuves.

L’une des deux œuvres d’Alexandre Maspoli installées à l’entrée du stade en 1933.

1905

Rien à signaler car j’étais au régiment. L’Alouette ne participa à aucun concours. Seuls M. Gauthier et Paul Aubert allèrent au concours de l’Union de France à Bordeaux, avec la société de Jujurieux.

1906

Concours de la Fédération du Sud-Est à Roanne, 15 jours après mon mariage. Pas de concours athlétique, je prends part au concours artistique et je me classe 10ème, avec la couronne.
Cette même année, les 29, 30 et 31 octobre, le championnat d’Europe des poids et haltères était organisé à Genève. M. Gauthier me fit inscrire et, malgré mon peu d’entraînement, j’obtins la 2ème place dans la catégorie des ʺpoids moyensʺ. J’ai même égalé, ce jour-là, le record de France de l’arraché à gauche avec 74 kg, alors qu’à droite, où j’étais plus fort, je ne réussis que 73 kg au lieu des 75 kg habituels.
Voici les performances que j’ai réalisées à cette occasion, telles qu’elles sont mentionnées sur le diplôme qui m’a été décerné :

  • Arraché à gauche : 74 kg
  • Arraché à droite 73 kg
  • Jeté à gauche : 67 kg
  • Jeté à droite : 78 kg
  • Développé à 2 bras : 95 kg
  • Jeté à 2 bras : 110 kg
    Classement : 2ème, catégorie ʺpoids moyensʺ.

    1907

    Concours de l’Union de France, pour la Pentecôte à Clermont-Ferrand.
    L’Alouette présente 4 gymnastes à l’athlétique : Émile Écuyer qui, pour des raisons personnelles, avait quitté les Enfants du Devoir d’Oyonnax, et avait adhéré à l’Alouette pour participer au championnat, Toto Guéry, Paul Aubert et moi.
    Je me suis classé 2ème et j’obtins la couronne, mais, normalement, j’étais 1er. Les faits méritent d’être relatés car, à la suite d’une réclamation du président de l’Alouette, 80 gymnastes concurrents ont certifié que les motifs de la réclamation étaient fondés et parfaitement exacts et, parmi eux, 3 classés dans les derniers qui avaient lutté et avaient été battus par le champion Delcour. Celui-ci étant, avant la lutte, classé parmi les 10 premiers aurait dû lutter avec des adversaires choisis parmi les premiers et non parmi les derniers. En effet, le règlement de cette compétition prévoit, qu’avant les épreuves de lutte qui la clôturent, le secrétariat compte les points des concurrents et les classe par ordre de mérite. Cela fait, les concurrents sont réunis et on les appelle suivant cet ordre, les meilleurs devant lutter ensemble. Je faisais partie des meilleurs avec Émile Écuyer, un nommé Delcour du Nord et deux ou trois Suisses. À l’appel, il en manquait un, Delcour. Les jurés décidèrent de procéder à un nouvel appel, un quart d’heure plus tard. Delcour était toujours absent (ou, plus exactement, il ne répondit pas à l’appel de son nom. Nous l’avons su par la suite, il était accompagné par un chef de groupe qui lui a dit de ne pas répondre à l’appel et d’attendre). Les jurés auraient dû déchirer sa feuille, mais le chef de groupe en question s’en empara et la glissa sous le paquet des feuilles, donc avec les moins forts. De ce fait, je luttai avec deux Suisses et Émile Écuyer, qui remplaçait Delcour. Nous avons protesté car il était anormal que deux athlètes de la même société luttent l’un contre l’autre, mais nous dûmes nous y résoudre. Cela m’a fait perdre 1 point et 3 à Écuyer, car on nous a reproché d’avoir fait du chiqué. Mais c’était faux, j’avais seulement fait durer le combat un peu plus longtemps afin de ne pas faire perdre trop de points à Écuyer. Je fus donc la victime de ma générosité. Malgré ce point perdu, je me croyais champion car j’avais tombé mes deux Suisses, Hurni et Schmidt.
    Aussi, quand, après le défilé, je regagnai le terrain du concours, les amis suisses, qui n’avaient pas participé au défilé, m’apprirent que je n’étais plus champion et que c’était l’absent du matin, Delcour, qui, ayant lutté avec trois ʺgalettesʺ, me battait d’un quart de point.
    Avec Écuyer et les Suisses qui, eux aussi, perdaient une place, nous trouvâmes le fameux Delcour à la buvette avec son ami et protecteur, le chef de groupe. Les Suisses le traitèrent de tous les noms. Quant à Écuyer, il tira un billet de 100 francs de son portefeuille, le posa devant Delcour et lui dit : « Si tu n’es ni un lâche, ni un tricheur, viens lutter avec Favier et, si tu le tombes, les 100 francs sont à toi ». Delcour ne répondit pas ; il se défila en vitesse avec celui qui avait de lui le champion du concours.
    Un autre fait montre bien la malchance qui m’a poursuivi ce jour-là. J’avais participé le dimanche au concours de tir et j’avais bien réussi 49 points sur 60. C’était un beau résultat pour un tir à 200 mètres. Le président Belaysoud alla au stand de tir le lundi matin et me dit qu’à 11h30, j’étais toujours le premier. Or, quelques instants plus tard, après avoir appris que je n’étais plus champion à l’athlétique, j’apprenais qu’un tireur avait réussi 50 points, juste à midi, c’est-à-dire à la clôture du concours.

    1908

    Concours de Genève. Le concours de la Fédération du Sud-Est devant avoir lieu à Bourg en 1909, le président Tony Belaysoud décida de présenter une section au concours de Genève dans le but, d’attirer à Bourg, l’année suivante, quelques sociétés suisses.
    Avec Paul Dipon, j’ai participé au championnat athlétique qui comportait 6 combats de lutte, dont 3 au caleçon et 3 libres, préliminaire libre, saut, 10 levers de la pierre de 50 kg, 12 levers de chaque bras de la pierre de 25 kg. En lutte, j’ai gagné 3 combats dont 1 au caleçon (style de lutte très pratiqué en Suisse, mais très peu connu des Français). Nous étions une douzaine de Français à ce championnat bien spécial et je fus le seul d’entre eux à obtenir la couronne.

    1909

    Concours de la Fédération du Sud-Est à Bourg. Moniteur-adjoint du concours, je ne pouvais pas prendre part aux épreuves. M. Gauthier était chargé de la démonstration des exercices imposés en section et au championnat artistique. Il n’y avait pas de championnat athlétique.

    1910

    Concours de la Fédération du Sud-Est à Lyon.
    Je présente une section de 36 gymnastes en simultané, le concours de Bourg ayant fort bien réussi, surtout sur le plan financier, l’Alouette avait pu acheter 4 barres fixes, 4 barres parallèles et 4 chevaux d’arçon.
    J’ai disputé le championnat et obtenu la 1ère place. Ce fut le plus dur de mes concours. J’avais comme principaux adversaires 3 Suisses que je connaissais bien pour les avoir rencontrés plusieurs fois : Hurni, Racine et Giorla qui réussit à me battre l’année suivante.
    Un soleil brûlant et une chaleur torride régnaient le 15 août sur la place Bellecour et mes adversaires étaient très forts. Disputer 3 combats par cette chaleur, en plein soleil, sur du sable qui nous labourait le visage, la tête et le buste, était une terrible et douloureuse épreuve. Le lendemain, j’avais la tête toute en croûtes. Un photographe du Progrès de Lyon a pris un cliché de moi, en compagnie de Maspoli, qui me conduisait à l’infirmerie pour me faire laver et désinfecter la tête pleine de coupures et de graviers. Je n’étais pas vraiment beau à voir. Je regrette de n’avoir pas conservé le numéro du Progrès du lendemain.
    Mon premier prix me fut remis par Édouard Herriot, maire de Lyon, que je revis souvent par la suite aux congrès annuels de la Fédération du Sud-Est. Il ne se souvenait sans doute pas de mon nom, mais il venait toujours me serrer la main en me disant : « Bonjour, petit ! ».
    Même année : concours de l’Union de France à Saint-Quentin.
    Le général Lebrun, ministre de la guerre, présida la 1ère journée et le général Picquart la seconde.
    Je présente une section de 16 gymnastes en simultané et je participe au concours athlétique où je me classe 1er, donc champion de France, avec le maximum de points. Ce fut le plus facile de tous mes championnats. Je devais être en excellente condition, car je n’ai pas le souvenir d’avoir peiné pour me classer en tête. Delcour, qui m’avait volé le titre à Clermont-Ferrand était présent, mais il ne participa pas aux compétitions. Je l’avais aperçu au concours de sections mais, lorsqu’il me vit, il s’empressa de se fondre dans la foule des gymnastes.
    Le prix devait m’être remis par le général Picquart qui présidait la distribution des prix, mais un ancien député de l’Ain, Philipon, qui avait été battu aux élections législatives par mon patron, M. Allombert, et qui était trésorier-payeur-général de l’Aisne, demanda, en sa qualité de compatriote, de me remettre mon prix : une magnifique coupe de cuivre, offerte par le président de la République et portant, gravée, la mention ʺPrix Félix Faureʺ. Cette coupe, j’en ai fait cadeau à mon fils Robert.

    1911

    Mâcon. Au championnat individuel, je n’étais pas en forme. Impossible de réaliser le maximum aux lancers de pierre. À la lutte, toujours avec les mêmes Suisses, Giorla me battit. Je terminai 2ème ou 3ème, je ne me souviens pas.
    Dipon, qui participait également au championnat athlétique, n’obtint pas la couronne. Il lui arriva une petite mésaventure que je crois bon de relater. En attendant la distribution des prix, il s’était assis par terre, près de la tribune officielle, en plein soleil et s’était endormi. Ayant déjà le visage coloré en temps ordinaire, il était rouge écarlate, tant et si bien que des infirmiers qui passaient par là, le chargèrent sur un brancard et l’emmenèrent à l’infirmerie. Quand il se réveilla, il ne savait plus où il était. Il prit peur et se sauva à toutes jambes. Cette aventure a bien amusé les gymnastes de l’Alouette.
    Déjà, au concours de Saint-Quentin, où la distribution des prix s’effectuait au théâtre, il s’était endormi et, quand il se réveilla, la salle était vide et il était enfermé. Lorsque nous nous sommes aperçus de son absence, nous nous sommes doutés de ce qui avait pu lui arriver. Je suis allé trouver le concierge du théâtre afin qu’il ouvre les portes. Dipon s’était réveillé et, après avoir appelé en vain pendant une demi-heure, il se demandait s’il ne serait pas obligé de coucher au théâtre.

    1912

    Tunis : Pâques.
    Avant de parler du concours lui-même, je désire vous entretenir du voyage qui fut certainement le plus beau de tous ceux que je fis avec l’Alouette.
    Les organisateurs et l’Union de France avaient obtenu du PLM [3] et des compagnies maritimes des tarifs vraiment intéressants. Bourg-Marseille et retour : 20 F, Marseille-Tunis et retour : 30 F. Une petite déception tout de même au départ de Marseille. Pour des raisons que nous ignorons, les gymnastes et les accompagnateurs sont embarqués sur trois bateaux différents au lieu d’être tous sur le même. Le paquebot sur lequel je me trouvais avec ma femme, le président et quelques gymnastes était le moins rapide des cinq transportant des gymnastes. Il se nommait ʺVille de Madridʺ. Nous sommes partis les premiers et arrivés les derniers, mais nos camarades, dont nous avions été séparés, nous attendaient sur le quai.
    Notre traversée a duré 36 heures, par une mer très calme, ce qui n’a pas empêché la totalité de l’effectif (sauf 3 : une dame, Schmitter et moi-même) d’avoir le mal de mer.
    Puisque nous sommes sur la mer, parlons du retour sur le même bateau, par une mer démontée. Les vagues balayaient le pont que les officiers du bateau firent évacuer. Nous avons été obligés de rester à fond de cale, couchés sur des bâches étendues sur le sol, pendant la plus grande partie du voyage. Ceux qui vomissaient et en avaient le temps, soulevaient un coin de la bâche et se soulageaient un peu. Comme nous étions plusieurs centaines, l’odeur était effroyable. N’étant pas malades, Schmitter et moi, nous sommes allés prendre l’air sur le pont, plus exactement sur la dernière marche de l’escalier d’accès au pont. C’était un joli coup d’œil, mais assez effrayant de voir les énormes vagues sur la mer qui, parfois, venaient déferler sur le pont. Le retour dura 42 heures.
    À Tunis, les gymnastes couchaient dans des écoles ou dans des maisons en construction, sur une couche de paille. Noblet, moi et nos épouses étions logés chez l’habitant dans une unique petite chambre meublée de deux lits à une place. Nous prenions nos repas dans un grand cirque qui avait été transformé en restaurant pour la circonstance. La cuisine, faite par des Arabes, n’était pas compliquée : mouton suivi de fèves ou de petits pois. Il est vrai que la pension n’était pas chère.
    Malgré quelques petits ennuis, tous les membres de l’Alouette furent enchantés de ce voyage, même ceux qui furent les plus malades pendant la traversée.

    Les athlètes de l’Alouette des Gaules à Tunis.

    Maintenant, parlons un peu des compétitions. Nous avons participé au concours ʺalternatifʺ, car nous n’étions pas assez nombreux pour concourir en simultané. M. Gauthier dirigea la section et nous nous sommes classés très honorablement, ainsi qu’à la course de 400 mètres en section à laquelle j’ai pris part entre deux épreuves du championnat ʺathlétiqueʺ auquel je participais.
    À ce championnat, je n’ai pas retourné mes adversaires suisses habituels. Par contre, je fis la connaissance d’un magnifique athlète, soldat de la Légion étrangère, nommé Kapler. Il me tomba à la lutte par une double prise d’épaules à terre que j’aurais dû pouvoir éviter. À la course de 150 mètres qui se terminait par un saut de 4 mètres à l’arrivée, Kapler mit 18,1 secondes et moi, 18,2.
    Ce Kapler, tout Suisse de naissance qu’il fût, se conduisit en bon Français pendant la guerre de 1914-18. Comme il parlait très bien l’allemand, il fut déposé en Allemagne par l’aviateur Védrine, pour les besoins du service de renseignement français. Je l’ai revu après la guerre, à Saint-Étienne (Loire) où, membre d’une société de gymnastique de Paris, il se classa 1er des sociétés invitées.
    À Tunis, il fut champion et moi second. La coupe que j’ai gagnée est entre les mains de ma fille Yvonne. Mes deux enfants ont donc, chacun, un beau souvenir de leur père.
    En terminant, je signale que le lundi matin, pendant le championnat, ma femme, le président et quelques accompagnateurs firent une magnifique excursion dans les ruines de Carthage.

    1913

    Nice, concours de la Fédération du Sud-Est.
    La section de l’Alouette, au concours en ʺsimultanéʺ a fait une prestation très honorable. Dipon et moi avons participé au championnat ʺathlétiqueʺ. Dipon réussit à décrocher la couronne. Quant à moi, j’ai pris la 1ère place, comme à Saint-Quentin, avec le maximum de points, plus un prix de tir.
    Au retour de Nice, j’eus le plaisir de recevoir, du président Belaysoud, la lettre que je reproduis ci-dessous :
    Le Président de l’Alouette des Gaules
    à M. Claudius Favier
    Moniteur de l’Alouette des Gaules
    Courrier de l’Ain
    Bourg-en-Bresse
    « Au retour du voyage de Nice, je me fais l’interprète du conseil d’administration de l’Alouette des Gaules, pour vous adresser nos remerciements les plus sincères pour le zèle avec lequel vous avez préparé votre section et celui que vous déployez tous les jours pour le renom de notre société.
    Vous voudrez bien être mon interprète auprès de Gauthier pour le remercier de vous avoir si bien secondé dans votre travail.
    Veuillez dire à tous les gymnastes que, depuis bientôt huit ans que j’ai l’honneur de vous présider, je n’ai pas encore vu un concours où ils se sont conduits d’une façon aussi parfaite et aussi raisonnable.
    Dites-leur qu’ils nous ont donné satisfaction à tous les points de vue et qu’ils se sont conduits comme des hommes bien élevés et soucieux de leur dignité personnelle.
    Maintenant, je vous prie de bien vouloir faire prévenir votre section d’adultes que M. le Maire de Bourg recevra l’Alouette des Gaules, à la Mairie, mardi soir à 8 heures 30.
    Veuillez prévenir également Gauthier de tenir prête sa section de pupilles. Rendez-vous au local à 8 heures 15, en tenue de gymnaste et avec drapeau.
    Je vous serre cordialement la main.

    Signé : Belaysoud

    1914

    Grenoble. 14 juillet (17 jours avant la guerre).
    La section a bien travaillé, mieux que moi qui me suis classé 2ème, après avoir ʺloupéʺ je ne sais plus quoi. Mais j’ai obtenu la 1ère place au lancer du poids de 7 kg.
    En dehors des championnats ʺathlétiquesʺ et ʺartistiquesʺ, de 1905 à 1914, j’ai participé, sous les couleurs de l’Union Sportive Bressane, à plusieurs championnats du Lyonnais d’athlétisme pour le lancer du poids. Dans cette spécialité, je crois que c’était en 1906, j’ai égalé le record du Lyonnais avec un jet de 13,10 mètres. Mon premier essai avait été annulé car j’avais lancé le poids comme on lance une grenade.

    1914 à 1918

    Pendant la guerre, l’activité de l’Alouette a été presque nulle. Pourtant, M. Gauthier, qui enseignait l’éducation physique dans les écoles communales, s’est efforcé de maintenir en activité une section de pupilles et il a réussi, malgré les difficultés du moment, car le gymnase était souvent réquisitionné par l’armée.
    Dans la salle d’escrime du gymnase de l’école Bichat, se trouvait, à l’époque, un placard vitré où étaient entreposés les diplômes et médailles gagnés dans les concours. Presque tout a disparu pendant cette période, de même que le ʺLivre d’orʺ, que M. Parant avait fait relier et qui contenait les diplômes gagnés par la société, au début de son activité et au cours de sa présidence.
    Malgré tout et grâce à M. Gauthier, nous avons trouvé à la démobilisation, en 1919, une bonne section de pupilles qui a été le point de départ d’une très bonne section d’adultes avec des éléments de grande valeur tels que José Vialet, Claudin, Mermet et, avec le concours de Chabert, l’Alouette a pris un nouveau départ.
    Comme nous n’avions plus de bureau, le président, le secrétaire et le trésorier étant décédés pendant la guerre, sur le conseil de M. Parant, nous avons fait appel à Henri Villard, qui a bien voulu accepter et s’est entouré d’une équipe de dirigeants parmi lesquels Émile Noblet, Steurer, Chanel père, Boitier, Monnet chocolatier. Henri Villard était l’âme de ce groupe de bonnes volontés et se chargeait, à lui seul, de la plus grande partie du travail de bureau.
    La première fut de changer le costume des gymnastes. Plus de képi, plus de culotte jusqu’aux genoux, de ceinture noire et de bas noirs, mais un grand pantalon blanc, une ceinture verte et noire [4], un maillot blanc sans manches avec une alouette noire brodée sur le cœur et un chapeau de paille qui fut abandonné peu après, parce que trop fragile et remplacé par un béret noir. Notre société fut l’une des premières à moderniser sa tenue et à adopter le grand pantalon.

    À la mort de M. Louis Parant, qui fit un don de 25 000 F à l’Alouette, M. Villard décida de construire un terrain de sports pour pratiquer, non seulement l’éducation physique et la gymnastique en plein air, mais aussi l’athlétisme. Il acheta le terrain qui lui coûta 100 000 F. Il fit construire une piste, un gymnase, des jeux de boules et un pavillon pour le concierge (avec une salle de réunion).
    Le stade a eu la visite de plusieurs ministres ou secrétaires d’État et de M. Pierre de Coubertin, le rénovateur des Jeux olympiques. De nombreux champions s’y sont produits ou entraînés. Parmi eux, Alain Mimoun, qui fut plus tard le champion olympique que nous connaissons tous. À cette époque, on pratiquait volontiers l’hébertisme [5] à l’Alouette, conjointement à la gymnastique et à l’athlétisme.

    Le stade porte le nom de Louis Parant mais, pour moi, c’est le stade Henri Villard.
    Le président Henri Villard fit aussi graver et fixer au mur du gymnase Bichat, une plaque de marbre rappelant le nom des gymnastes morts pour la Patrie, au cours de la guerre 1914-18. Parmi eux, Dubuisson, Amin, Desborde qui furent de très bons gymnastes et de bons secrétaires. Les noms ont été gravés par un ancien gymnaste de l’Alouette, Bonamour, qui a lui-même un frère sur cette plaque.

    1919 à 1939

    Entre les deux guerres, la société a participé à de nombreux concours de l’Union de France, de la Fédération du Sud-Est ainsi que de la nouvelle Fédération de l’Ain que nous avons pu reconstituer grâce au dynamisme d’Henri Villard.

    L’Alouette des Gaules avec sa nouvelle tenue, pour la fête qu’elle organise le 20 juin 1920 sur le stade de l’Allée de Challes.

    Je ne me souviens plus des dates de ces concours. Je ne peux citer que les principaux : Lille où Geo Chanel a gagné la course de 100 mètres, Marseille en 1922, Lyon où Vialet s’est classé 2ème de la 2ème catégorie des gymnastes-athlètes et moi, 3ème de la 1ère catégorie malgré un zéro à la perche. Ensuite, Le Puy, Lyon, Strasbourg, Roanne, Saint-Étienne, où nous avons fait la connaissance de Godignon qui vint peu après à Châtillon-sur-Chalaronne comme directeur de l’École primaire supérieure, Angoulême, Sète (deux fois), Cluny, Romans, Chambéry, Nice, Aurillac, Dijon, Paris, Genève, et j’en oublie certainement. En outre, il faut ajouter tous les concours annuels de la Fédération de l’Ain.

    Un groupe de l’Alouette en 1948 avec, à partir de la droite, Claudius Favier et Robert Theppe.

    Un jour, à la demande de Jean Blanc et avec son concours, ainsi que celui de Vialet, Louis et Clovis Blanc, Murtin, Lévrier, Broutechoux, nous avons constitué une section de lutte qui, selon M. Villard, ne devait comprendre que des gymnastes. Cette section a remporté de nombreux succès (Vialet, sous-champion de France, Murtin (dit Fil de fer), plusieurs fois champion du Lyonnais. J’ai bien accompagné plusieurs fois les lutteurs dans leurs compétitions, mais Vialet et Broutechoux sont mieux placés que moi pour énumérer tous les succès obtenus par cette section de lutte. Vialet, moniteur des pupilles, toujours très bon gymnaste, faisant un excellent 4ème degré, se chargea de la section de lutte et moi, de l’initiation et de l’entraînement des jeunes gymnastes et de la section de concours.
    Il ne m’était plus possible d’entraîner les gymnastes les plus doués, préparant les championnats artistiques. Ce fut mon regretté ami Fontanel (un ancien très bon gymnaste de l’Union mâconnaise) qui s’en chargea. Pendant plusieurs années, avec une patience, une conscience et un dévouement dignes d’éloges, il se consacra au perfectionnement des meilleurs éléments de la société. Par sa compétence, sa connaissance des agrès, sa foi et sa gentillesse, il fit accomplir de grands progrès à nos gymnastes. Robert Theppe, Dufreney, Petetin, Murtin, Cantin, Chochod, Lacombe lui doivent beaucoup. C’est un hommage qu’il mérite amplement et que j’ai plaisir à lui rendre.
    Je crois intéressant de rappeler un fait amusant qui se situe vers 1912. Henri Villard qui, à cette époque, s’intéressait beaucoup au cyclisme et au ʺVélo-Clubʺ, avait remarqué que ses coureurs manquaient de musculature. Il me demanda s’il pouvait, avec quelques coureurs, faire de l’éducation physique au gymnase, avec nous. J’ai accepté en pensant que, parmi eux, quelques-uns pourraient s’adresser aux agrès et, par la suite, venir grossir nos rangs. Ils vinrent quelques semaines, mais un beau jour, M. Belaysoud, qui était en très bons termes avec l’Union sportive bressane qui, à l’époque ne s’occupait que de cyclisme, vint à une répétition et mit Henri Villard et ses coureurs à la porte.
    En dehors des prix que j’ai gagnés dans les compétitions, deux objets d’art m’ont été offerts. Le premier par l’Alouette, le Vélo-Club et la Société de tir, en 1904, avant mon départ au régiment, en souvenir de mes succès obtenus à Nice (1901), Marseille (1903) et Uriage (1904). C’est une garniture de cheminée (pendules et candélabres). Le second est en bronze, il représente un Gaulois et commémore mon titre de champion de France à Saint-Quentin et ma victoire au concours international de Lyon en 1910. ■ »

L’Alouette des Gaules, Claudius Favier et Alain Mimoun à Bourg-en-Bresse
Nota bene : Texte retranscrit intégralement par Rémi Riche, complété par quelques annotations informatives.
Cette ʺVie sportive à l’Alouette des Gaulesʺ est la 5ème et dernière partie des ʺSouvenirsʺ de Claudius Favier.
Les originaux de ces ʺSouvenirsʺ m’ont été remis par Roger Maître au début des années 2010 et je les avais alors photocopiés.

L’Alouette des Gaules, Claudius Favier et Alain Mimoun à Bourg-en-Bresse

[1Président de la République en exercice.

[2Celle de 1914-1918.

[3Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée.

[4Les couleurs de la ville.

[5Système d’éducation mentale, morale et physique, fondé sur la pratique d’activités en lien avec la nature.

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