L’HISTOIRE DES RADIOS LIBRES, OU RADIOS LOCALES, À BOURG-EN-BRESSE

L’anniversaire des 40 ans de Radio B nous incite à rechercher l’histoire des radios locales qui ont été créées dans l’enthousiasme, après des années de frustration.

PREMIÈRE PARTIE : LES DÉBUTS DES RADIOS

Naissance de la radio

Après la Première Guerre mondiale, la station radioélectrique, installée sur la tour Eiffel pour relier l’état-major au front, est remise au secrétariat d’État de la Poste, des Télégraphes et des Téléphones (P.T.T.). En décembre 1921, cette administration civile publie un communiqué où elle affirme que « le monopole des communications radioélectriques est étendu aux communications radiotéléphoniques », sans référence à une loi. Aussi, Radiola, station de la Société française radioélectrique (S.F.R.), émet-elle quotidiennement à Paris, à partir du 6 novembre 1922.
Le législateur intervient pour instituer un monopole dans la lignée de la loi du 6 mai 1837 qui a posé « la nécessité d’un contrôle des infrastructures de communication et du contenu de l’information qui y circule ». Le monopole a été étendu à la télégraphie sans fil en décembre 1851. Désormais, la loi du 30 juin 1923, l’étend « à l’émission et à la réception des signaux électriques de toute nature ». Elle sera la source juridique de la réglementation [1] ».
Toutefois, des autorisations provisoires sont accordées à des stations privées. Après Radiola devenue Radio Paris en 1924, d’autres stations suivent en province, dont Radio Lyon en 1924. Dans la France de 1928, on dénombre quatorze stations privées et onze stations publiques. Une redevance pour l’usage de postes radiophoniques est instituée, le 31 mai 1933, lors du vote du budget national.
Durant cette période, « les gouvernements modérés qui se succèdent pratiquent une "liberté surveillée" de la radio » mais les débats sont vifs entre les partisans du monopole d’État (la gauche) et ceux d’un régime libéral (la droite) [2].

Première publicité pour des récepteurs radiophoniques, à Bourg-en-Bresse, en 1927.
Une redevance, pour la possession d’un poste radiophonique, a été instituée en 1933 pour financer les antennes publiques.
Dans les années 1930, la célèbre marque burgienne propose les "plus merveilleux cadeaux" parmi lesquels, un appareil TSF.

La Seconde Guerre mondiale

À la Drôle de guerre, à partir de septembre 1939, succède la fulgurante offensive allemande qui submerge le pays. La trêve des combats est précédée d’une lutte radiophonique entre le maréchal Pétain qui, le 17 juin 1940 depuis Bordeaux, annonce d’une voix chevrotante « qu’il faut cesser le combat » et le général de Gaulle qui, le 18 juin 1940 à Londres, invite les Français à poursuivre la lutte et à le rejoindre en Angleterre.
Cet appel a eu une telle importance qu’il est légitime de s’interroger s’il a été capté en Bresse ou, du moins, si de Gaulle est ensuite entendu à la « British Broadcasting Corporation » (BBC) ? Quelques archives le prouvent. Sont dénoncés comme écoutant la radio anglaise un couple de Ceyzériat en juillet 1941, un retraité de Péronnas en octobre 1941 et un foyer de Treffort en décembre 1941 [3]. Au fil des mois, l’émission Les Français parlent aux Français est de plus en plus suivie à la BBC, malgré la répression.

Charles de Gaulle au micro de la BBC à Londres, une image iconique.
Un récepteur à lampes, des années 1940-1950.

Un monopole confirmé

Après la libération du territoire, l’ordonnance du 23 mars 1945 instaure le monopole de l’État sur la radiodiffusion. Les autorisations d’émettre, accordées aux stations privées avant la guerre, sont révoquées. La Radiodiffusion Française ne dispose que d’un réseau limité d’émetteurs car plus des deux tiers des pylônes ont été sabotés par la Résistance ou l’occupant lors de son retrait.
Le monopole s’exerce par la Radiodiffusion Française (RDF), qui devient la Radio-télévision française (RTF) le 9 février 1949 puis l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) le 27 juin 1964. Pour contourner la législation, les radios périphériques ont installé leurs émetteurs à l’étranger. L’écoute des ondes se fait en modulation d’amplitude (GO, PO et OC) sur les transistors qui ont succédé aux récepteurs à lampes. La modulation de fréquence (FM) commence à être utilisée à partir de 1954. Dans ce contexte d’évolution technique, l’information reste sous le contrôle du gouvernement au point que le président de la République, Georges Pompidou, déclare le 10 juillet 1970 : « L’ORTF, qu’on le veuille ou non, c’est la voix de la France ».

Le monopole d’État est confirmé en juillet 1972 mais, deux ans plus tard, par la loi du 7 août 1974, l’ORTF est démantelé. Sept organismes le remplacent mais, « en pratique, c’est Télévision de France (TDF) qui veille désormais à l’intégrité du monopole [4] ». Les organismes sont Radio France, TF1 (Télévision Française 1), Antenne 2, FR3 (France Régions 3), TDF (Télé Diffusion Française), la SFP (Société Française de Production) et l’INA (Institut National de l’Audiovisuel).

Un monopole contesté

L’information muselée ne correspond pas aux aspirations de la population, des jeunes aux adultes, et des radios illégales sont créées sporadiquement, pour quelques émissions. L’occurrence radio libre apparaît en 1975. Le pouvoir reste vigilant et un long combat pour la libération des ondes s’engage mais rien ne change, même après la naissance de l’Association pour la libération des ondes (ALO) en 1977. Des émissions naissent aussi lors de fortes manifestations contestataires, comme au Larzac (Aveyron) contre l’extension d’un camp militaire, à Fessenheim ou à Creys-Malville contre des centrales nucléaires.
La lutte continue et, le 15 février 1978, 17 radios pirates émettent simultanément (huit en région parisienne et neuf en province). Cette Journée nationale démontre, paradoxalement, « l’efficacité redoutable du brouillage (...) orchestré par TDF [5] ». Ensuite une réunion internationale réunit près de trois cents personnes, à Paris en mars 1978 ; année où les féministes créent leur propre radio parisienne, Radio Femmes, baptisée peu après Les Radioteuses), pour lutter contre « l’indiscutable machisme » du mouvement des radios locales.
Toutes ces actions incitent le gouvernement à réagir et à faire voter, le 28 juillet 1978, une nouvelle loi en faveur du respect du monopole. Cette mesure intransigeante marque la fin d’une période pour les précurseurs des radios pirates qui ont fait preuve de persévérance et d’ingéniosité pour déjouer au mieux les pièges de la répression et la saisie de leurs émetteurs. Aussi utilisaient-il du matériel portatif, peu coûteux et plus ou moins bricolé, pour que la station soit montée au dernier moment et démantelée à la moindre alerte.

Cet émetteur, dominant Ceyzériat et la Bresse, est installé depuis 1962. Depuis, beaucoup d’antennes et de paraboles ont fleuri autour de la tour initiale.

Le sursaut

La crispation des pouvoirs publics heurte toujours les aspirations de la population à un moment où le temps libre augmente et où le monde associatif se développe. La "bande FM" va-t-elle se taire ? Pas tout à fait car des radios clandestines apparaissent lors de conflits sociaux, notamment celui de la sidérurgie lorraine, avec l’appui de syndicats. Pour alerter et mobiliser la population locale, Radio Lorraine Cœur d’Acier est lancée le 17 mars 1979 et devient l’âme d’une lutte, même ponctuée d’échauffourées le 16 mai 1979, lors des oppositions aux actions de brouillage de TDF.
L’ALO alerte les partis politiques afin d’obtenir la cessation des brouillages. Le Parti socialiste entre dans le débat et permet que la première émission de Radio-Riposte soit réalisée dans ses locaux le 28 juin 1979. D’autres péripéties suivent et les radios locales deviennent un des enjeux de l’élection présidentielle de mai 1981. Le vainqueur, François Mitterrand, est favorable à une certaine libération des ondes et, le 9 novembre 1981, la loi « portant dérogation au monopole d’État de la radiodiffusion » est votée.
Les radios privées locales sortent de la clandestinité et peuvent désormais émettre en toute légalité. Au cours de ces années de gestation, le financement des radios locales a été débattu avec la possibilité, ou non, d’introduire de la publicité sur les ondes. Le sujet reste d’actualité pour la nouvelle période qui s’ouvre.

DEUXIÈME PARTIE : À BOURG-EN-BRESSE

Au temps des hésitations

À Bourg-en-Bresse, des gens s’intéressent au développement des radios locales. Aussi, certains fondent-ils, en 1978, l’Association départementale d’enregistrement et de diffusion sonore. L’objectif est la « diffusion par tous moyens de communication (ondes, câbles, fils, etc.) de l’information présentant un intérêt pour la région de Bourg-en-Bresse en particulier et de l’Ain en général ».
Ils sont une dizaine d’adhérents, des hommes, à financer et à créer la station Radioméga. Avec leur antenne installée au neuvième étage de leur immeuble, Christian Moccozet et Henri Olivier se hasardent à émettre à quelques reprises, inopinément, pour tester leur projet. Comme ils ont acquis du matériel coûteux, ils évitent de trop jouer avec l’illégalité pour ne pas courir le risque d’une saisie.
Deux ans plus tard, Antoine Rousset, journaliste au Progrès, les rencontre [6]. Ils ont suivi les diverses péripéties décrites ci-dessus et ils sont toujours dans l’attente d’une législation plus favorable. Même si le préfet de l’Ain va les recevoir, ils restent sceptiques car TDF crée des stations publiques régionales.

Venue d’ailleurs, repartie plus loin

Radio Bresse émet durant une période d’avril 1980, depuis la Maison des syndicats mais ce n’est pas « une radio locale [car] la CGT n’entend pas concurrencer la presse locale ». Elle se veut
une « radio de lutte » pour que le syndicat CGT ait la place que la radio et la télévision ne lui accordent pas. Et le secrétaire départemental Robert Turrel ajoute que « la CGT sait se mettre dans l’illégalité ». En réalité, cette initiative s’inscrit dans un programme national que la CGT "nationale" a lancé en amont des élections prudhommales de décembre 1979. Hélas, tous les départements n’ont pu accueillir cette "radio baladeuse" avant ces élections et, bientôt, « le matériel, très perfectionné, partira ensuite dans d’autres unions départementales ».
Radio Bresse s’intéresse aux problèmes sociaux, aux difficultés des femmes. Les militants estiment que « l’expérience d’une autre radio est très formatrice » mais, paradoxalement, la CGT « n’est pas favorable au développement de telles radios [7] ».

Première radio

Après mai 1981, des radios se hasardent à émettre sans attendre la loi. Dans quelles conditions la publicité sera-t-elle tolérée ? Comment les radios pourront-elles vivre sans un financement par de la publicité à l’antenne ? À Bourg-en-Bresse, cette question est déjà évoquée lorsque Le Progrès rencontre les deux hommes qui, le 31 août 1981, lancent Radio 2 sur les ondes depuis un studio installé au 5 de la rue Victor Basch à Bourg-en-Bresse. Pourquoi Radio 2 ? Les deux promoteurs qui gardent l’anonymat répondent : « on appartient à la deuxième génération de la radio. Il y a eu Europe 1. Nous ici, on sera simplement Radio 2 ! [8] ».
Une semaine plus tard, Alain Gilbert de La Voix de l’Ain nomme ces deux "pionniers", Henri Olivier et Christian Moccozet. À l’issue de la conversation, il écrit : « La radio fascine. Elle tient de la magie comme une bonne fée qui nous tire le matin de notre sommeil, comme une sorcière qui broie du noir au bulletin d’information du soir. La radio est un mythe. Comme les journaux, comme la télévision. Beaucoup rêvent de s’adonner à cette alchimie de l’information. »
Il poursuit : « Beaucoup d’idées trottent dans la tête des deux animateurs de Radio 2. Faire une rubrique consommateurs, donner la parole aux Bressans, diffuser des chanteurs que l’on entend peu sur les postes commerciaux, limiter la publicité... (...) Car il y aura de la publicité. Il faut bien vivre. La pub, à la radio comme dans les journaux, est nécessaire pour payer les temps d’antenne, les techniciens et les pigistes. Sans elle, pas d’information. Radio 2 espère donc que la loi Filloud leur donnera le feu vert. Sinon...(...)
C. Moccozet et H. Olivier, en lançant Radio 2, n’ont fait que créer une entreprise qui devrait leur assurer des emplois. Ces premiers jours d’émission sont pour eux un aboutissement et un commencement. Ils se sont fait entendre ; ils doivent maintenant se faire écouter [9]
. »
Un brin sceptique et méfiant, Alain Gilbert termine son article par une ultime question : « Faut-il opposer presse écrite et presse parlée » ?

D’autres suivent...

La deuxième radio locale créée à Bourg est Radio-Tonic mais l’essai ne dure guère. C’est donc Chippy Radio, qui émet depuis la rue Bourgmayer, à partir d’octobre 1982, avec, d’ailleurs, l’implication d’anciens animateurs de Radio Tonic. Avec du matériel autofinancé, la nouvelle radio attend avec impatience, « la possibilité de pouvoir vivre de la publicité [10] ».

Le studio de "Chippy Radio".

Un mois plus tard, Radio Tropiques est lancé le 22 novembre 1982 sur une autre tonalité, « une sensibilité de gauche sur la F.M. », sur un rayon de trente kilomètres autour de Bourg. Elle bénéficie du prêt de matériel par la Jeunesse laïque (un club regroupant plusieurs disciplines sportives) et du studio de la Maison de la jeunesse et de la culture. Des essais ont été faits avant l’été sous l’appellation Radio Pattes bleues. Le responsable d’antenne Michel Hutinel préfère parler plus de "radio dépaysement" que de "radio des pays de l’Ain. Le conseil d’administration regroupe de nombreux responsables associatifs et la parole sera donnée aux associations. Pour ses débuts, Radio Tropiques émet de 18 à 24 heures en semaine, de 13 à 24 heures le samedi et de 10 à 22 heures le dimanche. Avec beaucoup de bénévolat, les frais de fonctionnement sont faibles mais « une subvention municipale a été votée au budget additionnel [11] ».
Quatrième radio burgienne, Radio-Tonic revient sur les ondes au printemps de 1983 depuis un studio installé dans une maison du quartier du Mail. L’antenne a été installée grâce à la flèche télescopique d’un camion-grue [12]. La directrice en est Marie-Pierre Laurent.

Trop d’enthousiasme ?

Ces quatre radios, au statut associatif, sont présentes parmi les 190 associations réunies au Parc des expositions de Bourg-en-Bresse, les 22 et 23 octobre 1983, dans l’enthousiasme et le foisonnement des initiatives culturelles, sociales, solidaires ou sportives. Le 23 octobre 1983, Le Progrès titre, « La grande fièvre associative », et sous-titre « À l’heure de l’informatique ». La manifestation attire de douze à quinze mille visiteurs. Les quatre radios burgiennes y sont présentes.
Cet enthousiasme, relevé ici, agite partout le monde des radios libres au point que la "bande FM" est devenu une "jungle" où les règles ne sont pas toujours respectées. Des émetteurs sont trop puissants, l’interdiction de la publicité est contournée par des partenariats, du sponsoring ou autres "publi-reportage". Dans sa conférence de presse d’avril 1984, le chef de l’État annonce la fin de l’interdiction de la publicité, sous certaines conditions pour donner des moyens financiers aux radios locales qui devront choisir entre un statut d’entreprise et celui d’association. En France, il existe alors 865 radios et de 150 à 200 radios deviendront "commerciales".
En outre, comme la "bande FM" est encombrée, les autorisations seront revues et on incite les radios à se regrouper. Est-ce possible avec des sensibilités différentes ?

Deux sur quatre

Fin novembre 1984, TDF impose de nouvelles règles. Sur les onze radios existantes dans l’Ain, seules six reçoivent la nouvelles autorisation. Chippy Radio et Radio-Tonic sont contraintes à se taire alors qu’elles seraient, « selon des sondages officieux, les radios les plus écoutées sur la place de Bourg ». Les "recalées" espèrent en un avenir meilleur car de nouvelles fréquences seront accordées. En attendant, toutes agissent et Chippy Radio recueille 5 000 signatures de soutien. Radio Tropiques confirme sa ligne éditoriale et son refus de la publicité. Un rien perfide, Le Progrès constate qu’il « a fallu ce brusque coup de balai pour que les radios locales éveillent de nouveau l’attention. Car il faut bien le dire, après l’engouement des premiers mois, l’enthousiasme des bonnes volontés et des "fanas" de la communication commençait à battre de l’aile. Mieux même, les intérêts commerciaux prenaient le dessus sur les belles intentions initiales [13] ».
Trois mois plus tard, la situation n’a pas évolué. Si la "bande FM" a été étendue, la proximité de la Suisse serait une difficulté pour l’Ain. Peu après, Radio Bugey est autorisée mais une seule fréquence est accordée à Bourg-en-Bresse où Chippy Radio et Radio-Tonic devront s’entendre. Fréquence Côtière reste dans l’attente car « les fonctionnaires ont situé la Côtière sur la frontière suisse ». Finalement, en septembre 1985, Radio-Tonic reçoit l’autorisation d’émettre et Chippy Radio se met dans l’illégalité en choisissant de reprendre ses émissions depuis « un lieu que ses animateurs préfèrent garder secret ». En décembre, après avoir travaillé ses programmes, Radio-Tonic diffuse à nouveau et compte collaborer avec l’Agence Havas pour la publicité. La directrice est toujours Marie-Pierre Laurent [14].

Un autre paysage

À la fin de l’année 1985, il se murmure qu’une radio nationale privée s’installerait à Bourg-en-Bresse. En effet, avec l’accès à la publicité, la "loi du plus fort" s’impose dans le monde radiophonique et la Nouvelle radio des jeunes (NRJ) s’impose d’abord à Paris avant d’être l’une des premières à se constituer un réseau en province par des radios locales franchisées. Dans la seconde moitié des années 1980, le satellite facilite le fonctionnement de ces réseaux. Les radios diffusent le programme national et "décrochent", durant des périodes fixées, pour des informations locales.
Un autre réseau, Nostalgie, est le premier réseau à s’implanter dans l’Ain, à l’été 1987, successivement à Ambérieu, à Oyonnax et à Bourg avec la reprise de Radio-Tonic, « en proie à des difficultés financières ». Christian Moccozet en est désormais le responsable local [15].
Un an après, la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL) établit un nouveau plan. Les radios locales se répartissent en deux catégories : « les associatives à petits budgets, bénévoles et audience réduite ; les réseaux. Commerciaux, musicaux, d’information et parfois religieux, ils ont peu à peu pris le pas sur ces fameuses radios "locales" ». Quelques exceptions échappent à ces deux catégories et restent indépendantes, comme Radio 2 à Bourg-en-Bresse, à la fois locale et commerciale [16]. Dépendant du Groupe Hersant, elle bénéficie surtout de l’activité et du charisme se son journaliste, François Belay, même s’il n’est pas le seul salarié de Radio 2.

L’antenne actuelle de Radio B.

L’Ain "exportateur"

Toutes les péripéties de la radio à Bourg-en-Bresse ne sont pas évoquées ici, comme la participation de bénévoles pour les aspects techniques, comme les Radios amateurs ou les CBistes.
Après les événements et la "Révolution" de décembre 1989 en Roumanie, des Bressans ont emporté du matériel qui a permis d’établir, en 1990, une radio libre diffusant en partie en français [17], à Timisoara, ville située à l’ouest de la Roumanie et jumelée avec Lyon, disposant d’un lycée français.
Notons l’implication de Gérard Authelain, auparavant animateur à l’A.G.L.C.R. de Bourg [18], pour des stages d’initiation à la radio, en Afrique, en 1991.

Plus de dix ans d’antenne

Les radios locales ont désormais dix ans et, pour Le Progrès, Hubert Guyon fait le point dans l’édition du 19 octobre 1991. Radio 2 fête ses dix ans.

Évoquée dans l’article, "Carbone 14" a été une radio parisienne (14e arrondissement) qui a marqué son époque par son style décalé.

Deux ans plus tard, l’heure n’est plus à la fête. Groupe Bongrain, qui a hérité de Radio 2 en reprenant la fromagerie Bresse Bleu de Servas [19], souhaite se défaire de ses parts (51 %). En septembre 1993, la station est reprise, avec d’autres objectifs de gestion, par Jacques Perret, venu de Saône-et-Loire. Des licenciements sont programmés. L’inquiétude est de rigueur car « Radio 2, avec ses 150 000 auditeurs, possède une implantation inégalée et des moyens techniques extraordinaires. (...) Radio 2 est une Rolls [20] ».
Un instant en sursis, Françoise Badez, directrice d’antenne, Régine Durand et François Belay, journalistes, sont aussi licenciés et leur différend avec le repreneur se poursuit aux prudhommes. Au printemps de 1994, ayant perdu une partie de son auditoire par l’abandon de l’information locale et confronté à un manque de recettes publicitaires, Jacques Perret "jette l’éponge" et laisse l’antenne au "fondateur" Christian Moccozet qui détient déjà la régie publicitaire des antennes locales de Nostalgie et Europe 2 [21]
Dans les mois qui suivent, l’information locale est déclinée par Franck sur Radio B et Europe 2, par Géraldine sur Radio Fourvière 01 et par Radio Tropiques. Au bilan de juin 1995, Christian Moccozet a réussi sa reprise de Radio B qui obtient « la meilleure audience sur l’Agglomération pour la première fois de son histoire ». Selon Médiamétrie, avec 22,5 points d’écoute, Radio B devance les radios nationales ou leurs antennes locales. Radio Fourvière 01 et Radio Tropiques sont en dessous des 5 points. Par son impact local, Radio B suscite les convoitises et Christian Moccozet pense à la création d’une télévision locale, avec l’appui des collectivités locales. Le studio serait déjà prêt [22]. L’embellie est de courte durée car, au 9 janvier 1996, Radio B quitte les ondes et elle est "avalée" par NRJ, le passé n’étant pas apuré. Radio Scoop s’installe à Bourg comme "radio indépendante", avec de l’information locale [23].

Épilogue

La radiophonie n’est pas la seule à avoir vécu une période difficile. Depuis dix ans, la presse locale a aussi subi des restructurations. Après son rachat par Le Progrès à l’issue d’enchères familiales privées, Le Dauphiné-Libéré ne paraît plus à Bourg-en-Bresse à l’été 1986 et le Courrier de l’Ain cesse sa parution quotidienne au printemps 1987.
De la période initiale, seule Radio Tropiques survit, reste dans le domaine associatif et son changement d’appellation, désormais Radio B, n’a pas modifié une doctrine qui lui a permis de dépasser les quarante ans.

Radio locale pour événement national : Radio B anime une émission en direct, au départ du Tour de France de septembre 2020, devant l’église de Brou.
Table ronde d’Interaction, le magazine du social dans l’Ain organisée dans les studios de RCF 01 à l’automne 2022.

Rémi Riche

Décembre 2022

Avec la collaboration de Jean-François Basset, Gyliane Millet et Fanny Venuti.
Un grand merci à la presse locale et à ses journalistes que j’ai eu le plaisir de côtoyer.
Militant associatif, j’ai eu le plaisir de participer occasionnellement à des émissions de Radio-Tonic, Chippy Radio, Radio 2 et aujourd’hui à Radio B et RCF 01.
Archives départementales de l’Ain.
Bibliothèque É. & R. Vailland à Bourg-en-Bresse.
Bibliothèque municipale de Lyon Part-Dieu.

Chroniques complémentaires :
LA MAISON DES SOCIÉTÉS À BOURG-EN-BRESSE
CEYZÉRIAT, LE MONT-JULY ET LE RELAIS DE TÉLÉVISION

[1La radio au service de ses publics par Raphaël Dapzol dans la revue RadioMorphoses du 5-6-2021.

[2Histoire de la radio. Collectif. Musée des arts et métiers. Paris 2012.

[3A.D. Ain. 180W120. Les autres activités "gaullistes" ne sont pas notées ici. Voir "Des jours sombres à l’espoir. L’Ain 1939-1945", édité par les "Chroniques de Bresse". 2020.

[4La bataille des radios libres : 1977-1981 par Thierry Lefebvre. 2008.

[5Ibid.

[6Article paru le 16 janvier 1980.

[7Le Progrès du 26 avril 1980.

[8Le Progrès du 28 août 1981. Article non signé.

[9La Voix de l’Ain du 4 septembre 1981.

[10Le Progrès du 16 octobre 1982.

[11Le Progrès du 23 novembre 1982.

[12Le Progrès du 27 avril 1983

[13Le Progrès des 29 et 30 novembre et du 1er décembre 1984.

[14Le Progrès des 9 février, 9 mars, 18 septembre et 20 décembre 1985.

[15Le Progrès du 1er septembre 1987. Christian Moccozet a quitté Radio 2 en 1982 et Marie-Pierre Laurent est à Ambérieu.

[16Le Progrès du 10 octobre 1988.

[17L’auteur de cette chronique a été invité à cette radio lors de ses séjours en Roumanie.

[18Voir la chronique, La Maison des sociétés sur ce site. Lien indiqué à la suite de cet article.

[19Bresse Bleu est entré dans le capital de Radio 2 en 1987, se substituant au Groupe Hersant.

[20Le Progrès du 10 septembre 1993, article d’Olivier Leroy.

[21Le Progrès du 15 avril 1994.

[22Le Progrès du 25 août 1995.

[23Le Progrès des 25 août 1994 et 4 janvier 1996 ; articles d’Olivier Leroy.

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