La libération d’un village bressan, Marsonnas, canton de Montrevel (Ain)
Des écoliers ont raconté, avec quelques jours de décalage, les évènements qui ont marqué leur village de Marsonnas (Ain), pendant la guerre de 1939-1945. Quelques rédactions sont reprises ici, littéralement.
Pour commémorer la Libération de Bourg-en-Bresse et de la Bresse, les Chroniques de Bresse vous proposent une autre vision de cet évènement, vécu par des enfants d’un village à l’écart des grands axes de communication, mais néanmoins fortement marqué par la guerre.
L’arrivée des Allemands à Marsonnas
« Lors de la guerre 1939-1940, Marsonnas a vu les Allemands.
Le mercredi 19 juin 1940, on apprend que les Allemands sont à Montrevel. Le 20 juin, des troupes motorisées arrivent à Marsonnas. De lourds camions, des motocyclistes se suivent et font une courte halte à l’entrée du village. Les habitants de Marsonnas, le premier émoi passé, avancent des têtes curieuses par les portes entre-ouvertes.
C’est dans un pré en pente, appelé le Pré Luc, que s’alignent les voitures. Les soldats coupent des branches aux arbres des haies. Ils camouflent leurs autos. On peut voir, en longeant le Pré Luc, les camions recouverts de branches et les soldats en remue-ménage. Les uns réparent les camions, d’autres s’éparpillent dans les cafés, les épiceries, les boucheries et aussi au bureau de tabac. Ils essaient de se faire comprendre pour acheter les choses nécessaires.
Au bureau de tabac, les Allemands font emplette des meilleures marques de cigarettes car ils n’aiment pas le Caporal ordinaire. Au restaurant, ils font une grande consommation de bière et surtout de vin mousseux. Ils paient leurs achats en marks allemands. Les Français doivent accepter un mark pour vingt francs français. Dans les fermes, ils achètent des œufs, du beurre. Souvent, ils commandent une bonne omelette à la fermière qui se prête de bonne grâce aux demandes des soldats.
Le soir arrive. On entend monter dans le lointain des chants accompagnés à l’accordéon. Le lendemain, vers dix heures, les Allemands quittent Marsonnas et les habitants, qui n’avaient jamais cru voir les ennemis, poussent un soupir de soulagement. »
Lundi 7 juillet 1941. Gabrielle P., âgée de 13 ans.
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Sur le cahier, les textes suivants ont pour titre : "Séjour des Allemands dans la commune de Marsonnas le 5 juillet 1940", "Le certificat d’études en 1941", "La fête scolaire à Marsonnas les 23 et 25 décembre 1941", "Le ravitaillement en 1942".
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Le compte rendu d’activité n°16 du Détachement de liaison français de Bourg du 12 octobre 1943 indique, dans son paragraphe 3, que « Deux dortoirs du Lycée de garçons de Bourg avaient été mis temporairement à la disposition des autorités allemandes pour y loger une cinquantaine d’auxiliaires féminins de l’Armée de l’air jusqu’à ce que leur cantonnement soit prêt [1] ». Les écoliers de Marsonnas racontent la construction de ce camp.
Camp allemand de Marsonnas
« Au début de mars 1943, des camions d’Allemands arrivent à Marsonnas. Ils repèrent des champs à Chavanosse, un hameau situé sur un petit plateau, à l’est de la commune. Ils s’y installent et commencent les travaux, aidés de quelques ouvriers français. Les gens, inquiets, font mille suppositions. C’est un camp d’aviation, un poste de D.C.A., un camp de concentration, peut-être, car en gare de Bourg trois wagons de fil de fer barbelé viennent d’arriver et doivent être dirigés sur Marsonnas, un poste de repos pour les soldats allemands.
Les soldats allemands saccagent les champs d’avoine et de blé déjà verdoyants et font arracher les pommes de terre récemment plantées par les fermiers des alentours. Quelques ouvriers français terrassiers arrivent et commencent à creuser la terre argileuse. Puis ce sont les charpentiers et les maçons qui construisent des baraquements. Au début, tous ces ouvriers français et ces soldats allemands mangent et logent à Montrevel, la commune voisine. Les baraquements s’élèvent et, maintenant, voici des camions de matériaux qui arrivent. Les Français désignés pour partir en Allemagne se réfugient dans cette entreprise [2].
Le travail s’organise et les constructions se multiplient. C’est alors que la population curieuse s’approche et visite les travaux. Les promenades dominicales commencent. Chaque visiteur emporte sa poignée d’ouate versée [3]. Mais les Allemands ferment l’ouverture et il est défendu de s’approcher. Des écriteaux sont placés à chaque entrée. Il est interdit aussi de photographier les travaux.
Les Allemands construisent deux blockhaus parmi les haies défrichées et brûlées, la bétonneuse fonctionne du matin au soir.
Maintenant, les ouvriers, au nombre de cent vingt, réquisitionnent la cantine scolaire pour y prendre leurs repas. Provisoirement, les enfants des écoles sont chassés de leur cantine et sont reçus dans une auberge du bourg. Tous les soirs, les Allemands passent dans les fermes pour récolter des œufs et ils viennent faire des emplettes chez les commerçants du bourg.
Les nombreux baraquements s’élèvent, les ouvriers creusent un puits, bâtissent une cantine, un dortoir et des salles de bain pour les Allemands. Sur les blockhaus, on voit s’élever d’étranges appareils métalliques que les habitants appellent des paniers à salade, mais qui se nomment des appareils de détection pour repérer les avions par le son. Tous les soirs, nous entendons le monotone bourdonnement de ces appareils. Fréquemment, des avions allemands survolent le camp où des téléphonistes installent de nombreuses lignes téléphoniques très importantes, qui relient le poste de Marsonnas à la D.C.A. des alentours.
Par un beau matin, la population voit arriver, non sans étonnement, des jeunes Allemandes au nombre de trente. Elles logent et prennent leur repas à Bourg. Quatre fois par jour, un car assure leur transport de Bourg à Marsonnas. Elles sont toujours vêtues d’un uniforme gris-vert, coiffées d’un calot aussi gris-vert. La plupart sont blondes et grasses comme toute Allemande qui se respecte.
Mais les Allemands réclament ailleurs de la main-d’œuvre. Des ouvriers français sont désignés pour aller dans d’autres camps. Un peu partout, le Maquis s’organise et s’agite. Alors les Allemands construisent des barrages sur la route du camp et entassent des poteaux télégraphiques et des peupliers et creusent, de chaque côté, de larges fossés remplis d’eau. Puis ils entourent leurs vastes baraquements de fil de fer barbelé. Mais un jour, à la stupeur générale, on apprend que le camp doit être démonté. Alors des ouvriers se mettent à démonter leurs nouvelles habitations. Puis ils partent et sont remplacés par une douzaine de vieux soldats descendant du front et restant en repos. Mais le 8 juin [1944], le maquis attaque le camp et s’en empare. »
Marsonnas le 4 décembre 1944.
Fait par Ginette B., âgée de 12 ans, Madeleine C., âgée de 13 ans et Lucie V., âgée de 13 ans.
L’attaque du camp allemand
« Nous sommes au mois de juin 1944. Le camp allemand est presque entièrement démoli. Seuls treize vieux soldats restent pour garder les appareils qui doivent être démontés. Le matin du 6 juin, nous apprenons avec satisfaction que les troupes anglaises et américaines ont débarqué en Normandie. Le Maquis s’agite, la Résistance s’organise. De toutes parts, les voies ferrées sautent.
Le matin du 8 juin, le camp est attaqué. Voici dans quelles conditions. Vers neuf heures et demie, un coup de fusil retentit dans le lointain. Vite, les soldats allemands se rassemblent dans leur baraque. Quatre d’entre eux prennent la fuite à travers champs. Cinq minutes plus tard, un convoi s’approche, de nombreux coups de fusils et de mitraillettes sont tirés de la route, dans la direction du camp. Des groupes de résistants cernent la baraque. Un Français s’apprête à lancer une grenade. Malheureusement, à cet instant précis, il est abattu par une balle allemande.
L’après-midi, le claquement des fusils annonce que l’attaque continue. Vers six heures, nous entendons les gars du Maquis qui parlementent, mais toujours sans réponse. Un vieillard, nommé Bonnot, qui habite la maison voisine du camp, s’offre pour porter le drapeau blanc aux Allemands qui le connaissent bien. Les soldats allemands demandent alors à discuter avec une personne pouvant servir d’interprète. Un résistant alsacien se présente. Les Allemands consentent à se rendre si on leur promet la vie sauve. Le chef français leur fait savoir qu’ils seront traités comme prisonniers de guerre. Et ainsi, le combat cesse.
L’attaque terminée, les résistants s’en vont et défilent sur la route, deux à deux, en chantant. Ensuite, les Allemands passent, encadrés de jeunes, armés de mitraillettes. Enfin, arrive le camion qui emmène les matelas, les couvertures et les armes que renferme la dernière baraque. Trois minutes plus tard, nous voyons s’élever une fumée épaisse, puis jaillissent les flammes. Pendant ce temps, nous entendons quelques détonations. C’est la baraque qui brûle. À la tombée de la nuit, il ne reste que des débris calcinés dans la dernière baraque. Les Allemands ont eu deux tués dans la rencontre. Leurs cadavres sont inhumés sur place, le lendemain.
Mais toute la population reste inquiète. Les Allemands ne sont pas loin. Ils ont des troupes à Mâcon, à Bourg. Ne vont-ils pas revenir ? Leur colère sera terrible et les gens du village, ceux des fermes voisines surtout, redoutent les sanglantes représailles. »
Fait à Marsonnas le 6 janvier 1945 par Lucien F, âgé de 12 ans.
Représailles allemandes
« Il n’y a plus d’Allemands au camp. La Résistance dresse, pendant la nuit, des barrages d’arbres sur la route. Elle espère ainsi bloquer les Allemands à Bourg et à Mâcon. Les bruits les plus divers circulent. Pont-de-Vaux est aux mains du Maquis. Bourg doit être attaqué.
Pourtant, la population du village est bien inquiète. On sait que les Allemands sont parvenus à Polliat, à Vonnas ! Et on redoute leur arrivée ! Ces craintes sont hélas justifiées car, deux jours après l’attaque du camp, le 10 juin, à trois heures de l’après-midi, une unité allemande d’une centaine d’hommes environ, accompagnés de quelques miliciens venant de Mâcon, arrive dans deux cars, une camionnette et cinq petites voitures, dans l’intention de faire des représailles.
Durant leur parcours, en particulier à Saint-Sulpice, la ligne ayant été coupée à cet endroit, ils maltraitent les habitants d’une ferme à proximité ; les accusant d’avoir eux-mêmes coupé la ligne. En quittant cette ferme, ils attrapent un jeune domestique nommé Gadolet et l’emmènent avec eux.
Plus loin, au hameau de Chazelle, ils dévalisent la ferme de M. Pauget et malmènent le jeune Pauget Paul. Tout à coup, ils se trouvent face à face avec un motocycliste de la Résistance ; celui-ci se voyant brusquement en danger, lâche sa moto et se sauve dans la direction de la ferme de M. Desmaris, non sans avoir essuyé quelques coup de feu, pénètre dans la pièce où se trouvent monsieur Desmaris et son beau-frère et leur crie : « Ne dites rien ! » et il disparaît dans les champs. Pendant ce temps, les Allemands chargent sa moto dans la camionnette et y mettent aussi une bicyclette qui était appuyée contre la barrière.
Arrivés à La Léchère, c’est encore plus tragique. Deux maquis, postés au croisement, sont surpris par l’arrivée du convoi. L’un d’eux essaie de se sauver mais il est pris et abattu comme son camarade, c’est-à-dire à coups de crosse et achevé à coups de révolver. Croyant que d’autres maquis sont cachés dans la ferme de madame Pauline Vernoux, les Allemands, aidés des miliciens, fouillent la maison en tous sens et font main basse sur tout ce qui leur convient. Ils terrorisent la pauvre femme et menacent de brûler la ferme si elle n’avoue pas où sont ses fils. Comme affolée, elle tremble de peur, un milicien, en se moquant d’elle, lui dit : « Que d’émotions madame, que d’émotions ! ». Ils lui envoient même un gros soulier par la tête. Puis ils partent au camp.
Arrivés là-bas, lorsqu’ils voient les dégâts, ils deviennent fous de rage et, dans leur fureur, abattent comme un chien le jeune Gadolet, pourtant innocent de tout cela. Ils exhument leurs deux morts qu’ils mettent dans la camionnette pour les emmener. Au retour, en arrivant à La Léchère, ils aperçoivent, venant du bourg de Marsonnas, une voiture du Maquis.
Aussitôt, du haut d’un car, les Allemands ouvrent le feu, avec une mitrailleuse, sur l’auto du Maquis qui fait volte-face le plus vite possible. Les Allemands leur donnent la poursuite avec cinq petites voitures bien armées, mais ils ne peuvent les rejoindre.
Pendant qu’une partie du convoi est au camp, des Allemands stationnent aux alentours et sur la route où ils questionnent tous les civils qui passent. C’est ainsi qu’ils arrêtent M. Dubois qui est venu tenter de sauver son pauvre valet Gadolet, M. Raffin chauffeur de la beurrerie et mon père qui est témoin de toute la scène. Heureusement pour ceux-ci, il n’y a pas de suite grave mais seulement ils gardent tous deux un très mauvais souvenir de ce moment. En particulier M. Raffin qui profite d’une bagarre pour s’éclipser et se sauver jusqu’à Saint-Didier-d’Aussiat. Mon père, qui est de nationalité russe, fait un bout de chemin avec eux, reconnaît, sous l’uniforme allemand, des soldats russes qui causent avec lui. C’est ainsi qu’il apprend que Gadolet a été fusillé dans le camp.
À dix-neuf heures, les voitures qui ont poursuivi vainement l’auto de la Résistance, traversent le village à toute allure et, un instant après, on apprit avec soulagement que tout le convoi avait repris la direction de Mâcon. C’est ainsi que se termine la journée du 10 juin dont tout le village gardera longtemps un bien mauvais souvenir. »
Fait à Marsonnas le 15 janvier par Christophe S., âgé de 12 ans.
N.D.L.R. : Une partie du texte est conjuguée au "passé simple" ou "composé" alors que le reste est au "présent" qui, utilisé dans la première moitié, a été retenue.
Crime allemand
« Nous sommes à la fin d’août 1944. Tous les possesseurs de camions ont reçu, des Allemands, l’ordre de livrer leurs véhicules avant le 25 août. Or, M. Beaudet, le beurrier de Marsonnas, a camouflé son camion et ne veut pas le leur céder. Mais le Maquis, qui a libéré quelques communes et qui les ravitaille, prie M. Beaudet de transporter du blé de Montrevel à Coligny pour la population du Revermont. M. Beaudet accepte et part avec trois de ses commis : Roger et Aimé Bouly, les deux frères, et Paul Duc.
Le soir du 25 août, ils rentrent, le camion vide, tous quatre dans la cabine. Du hameau de Chavanosse, M. Beaudet aperçoit deux camions à La Léchère, vers le carrefour. Inquiet, il dit à Roger Bouly, qui est contre la portière : « Regardez ces deux camions, n’est-ce pas des Allemands ? ». Bouly se penche et aperçoit, à sa grande surprise, des uniformes vert-de-gris. Il est peut-être temps encore de les éviter en tournant dans le chemin de droite.
« Avez-vous des armes sur vous ? », demande M. Beaudet à ses trois commis. Leur réponse est négative. Au moment où M. Beaudet va tourner, dans ce chemin, des soldats allemands, couchés dans les fossés, arrêtent le camion et braquent les fusils-mitrailleurs. C’est ici que le drame commence.
Voici le récit de la scène qui se déroule à cet instant, d’après le compte rendu d’un des témoins : « Je soussigné Chanel Henri, taxiteur à Saint-Genis-sur-Menthon, fait prisonnier par les Allemands le 25 août 1944, vers trois heures de l’après-midi, me trouvais sur un des trois camions du convoi qui repartait sur Bourg, lorsque au lieu-dit La Léchère, le convoi s’arrêta, ainsi qu’à chaque croisement important. Les Allemands se déployèrent en tirailleurs pour se garantir d’une attaque éventuelle du Maquis.
À ce moment, le camion de M. Beaudet, beurrier à Marsonnas, arriva et fut arrêté. Les Allemands firent mettre les mains en l’air aux quatre occupants du camion, puis détachèrent un jeune homme du groupe, vêtu seulement d’une chemise et d’un pantalon de travail. Ils amenèrent ce jeune homme derrière le camion que je conduisais, à environ deux mètres de moi, puis un Allemand demanda deux cartouches à un de ses collègues et les posa dans la poche gauche du pantalon de ce jeune homme. Fouillé après, accusé de terrorisme, ce jeune homme fut emmené dans un pré voisin et abattu de deux coups de révolver, l’un dans la poitrine, l’autre dans la tête. Puis le convoi reprit la marche sur Montrevel, puis vers Bourg où nous sommes arrivés vers onze heures du soir.
Le patron du jeune assassiné, M. Beaudet, ne s’était aperçu de rien et m’apprit que ce jeune homme était son commis et s’appelait Roger Bouly.
Fait à Saint-Genis-sur-Menthon, le 24 novembre 1944. H. Chanel. »
Et voici le compte rendu fourni par un autre témoin :
M. Pauget Léon, domicilié à Marsonnas, déclare ce qui suit : « Je me trouvais le 25 août 1944 de passage à La Léchère, lorsque je tombai dans une embuscade allemande, déployée le long de la route. Je fus arrêté et fouillé trois fois et l’on me fit rester sur le bord de la route. Quelques instants plus tard, survint le camion de M. Beaudet qui fut également arrêté, duquel ils firent descendre les quatre occupants et les fouillèrent. Ensuite, ils emmenèrent le jeune Bouly dans un pré tout proche où ils l’abattirent de deux balles, sans lui avoir fait subir le moindre interrogatoire.
Ensuite, le convoi partit dans la direction de Montrevel. L. Pauget ». »
À Marsonnas, le vendredi 19 janvier 1945. Fait par Ginette B., âgée de 12 ans.
Départ des Allemands
« Le matin du 3 septembre 1944, nous entendîmes au loin, en direction de Montrevel, des coups de canon, des rafales de mitrailleuses et des coups de fusils. Tout le monde, ici, ignorait ce qui se passait et personne ne s’aventurait pour se renseigner. Du reste, cela n’était pas prudent. Plusieurs fois dans la journée, nous sommes montés au clocher, avec papa et des voisins. De là, nous apercevions une épaisse fumée qui montait droit dans le ciel. Nous pensions que c’étaient les Allemands qui pillaient, qui incendiaient Montrevel, comme ils avaient fait dans beaucoup d’autres villages. Les bruits les plus divers circulaient. Les uns disaient que c’était le Maquis qui attaquait les Boches dans Montrevel, d’autres pensaient un peu à l’arrivée des Américains.
Vers treize heures, des motos, une auto-mitrailleuse et un camion chargé de soldats allemands arrivèrent par la route du Souget. Ils s’arrêtèrent sur la place et quelques soldats allèrent au café Sorgue pour demander la route de Pont-de-Vaux. Ils partirent donc par la route de Béréziat. De loin en loin, passait ensuite une voiture ou un camion. Ce fut à partir de 16h30 que commença, dans le village, le passage des convois. Jusqu’à 5h30 le lendemain matin, ce fut une file ininterrompue de camions, de tanks, d’autos, de motos qui traversait, dans un vacarme épouvantable, le bourg de Marsonnas.
De temps en temps, le convoi s’arrêtait, les chauffeurs plaçaient leurs voitures ou leurs tanks sous les arbres. Aussitôt, tous les soldats descendaient, ils se cachaient dans les fossés et dans les maisons qui se trouvaient sur le bord de la route car ils craignaient d’être mitraillés par les avions alliés qui les survolaient. Ils profitaient de leurs arrêts pour prendre tout ce qui leur faisait plaisir, dans les maisons, les jardins, les vergers et les vignes. Tous les véhicules étaient camouflés avec des feuillages coupés en hâte dans les haies.
Vers la tombée de la nuit, beaucoup de soldats passèrent à bicyclette. Ils s’arrêtèrent pour casser la croûte et pour se ravitailler. Ceux-là fuyaient un peu comme ils pouvaient. Les uns marchaient à plat, d’autres n’avaient plus de pneus et roulaient sur les jantes. Ils cherchaient dans les maisons des vélos de rechange. C’est ainsi qu’ils en volèrent deux en passant à Marsonnas.
Durant toute la nuit, qui était très claire, les convois qui roulaient sans feu se succédaient sans interruption. La dernière voiture passa vers les 9 heures, 9h15 du matin. Les occupants mettaient le feu aux voitures qu’ils trouvaient abandonnées au bord de la route. C’est ainsi qu’on retrouva deux autos près du bourg : une camionnette et une conduite intérieure. La plupart des véhicules étaient français. C’étaient des autos ou des camions volés aux particuliers. Et la population était toujours dans l’attente, se demandant si d’autres convois n’allaient pas suivre et redoutant par-dessus tout, les représailles sanglantes. »
Fait à Marsonnas le 7 février 1945 par Georges B., âgé de 14 ans.
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Retranscription Rémi Riche. Août 2024.
Document communiqué par M. Drutruge et photocopié par les Archives départementales au début des années 1980, au plus tard. Il est cité dans "L’Ain de 1939 à 1945, de la guerre à la liberté", édité à Bourg en 1983.
Document conservé, en photocopie noir et blanc, aux Archives départementales de l’Ain. cote Ms 8.
La fin de ce document, les chapitres "Libération" et "Commémoration", sera recopiée en 2025.
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Marsonnas et Montrevel ont connu des manifestations patriotiques le 11 novembre 1943, en pleine occupation, dans la même lignée que celle, célèbre, d’Oyonnax. À lire :
Le 11 novembre 1943 à Bourg-en-Bresse, Oyonnax et dans l’Ain