Quelques monuments remarquables en Bresse et Revermont

Parcourir les innombrables dossiers conservés aux Archives départementales de l’Ain conduit à découvrir l’histoire de quelques monuments, discrètement édifiés dans les villages ou hameaux. Le thème de l’architecture, retenu pour les Journées européennes du patrimoine de 2026, offre l’occasion d’évoquer des anecdotes liées à quelques monuments ruraux.

La chapelle non sacralisée des Rippes à Certines

Au sud de l’agglomération de Bourg-en-Bresse et aux abords de la forêt de Seillon, un clocher domine les quelques maisons du hameau des Rippes, dans la plaine verdoyante de la commune de Certines. Il évoque une chapelle mais le projet n’a pas abouti, malgré le stratagème établi par les habitants du hameau.
En 1432, le Duc de Savoie a accordé des bois en propriété au hameau qui, depuis ce temps, dispose de ressources propres, grâce à des coupes affouagères (vente de coupes de bois de chauffage). Quatre siècles plus tard, à leurs frais, les habitants édifient d’abord une école mixte, ouverte à l’automne 1864, puis ils décident de se doter d’une remise pour leur pompe à incendie, avec un beffroi accolé. Les plans d’un bâtiment bien insolite sont signés le 20 avril 1867. Ayant exprimé, en 1859, le souhait de disposer d’un lieu de culte, ils édifient ce bâtiment, avec l’espoir de le transformer ensuite en chapelle.
Pour argument, ils avancent que « le hameau possédait avant 1789 une chapelle et un cimetière et ce n’est qu’à la suite de la tourmente révolutionnaire de 1793 que cette chapelle a été détruite et démolie, comme tant d’autres édifices religieux, et que le cimetière a été converti en pré ». Sous le vocable de saint Roch, il est probable que cette chapelle ait été élevée, et le cimetière créé, au moment des épidémies successives de peste (de 1348 à 1665), en Bresse.
Dans la requête à l’évêque de Belley du 5 octobre 1869, le desservant confirme la démarche des habitants du hameau qui comprend 22 maisons et plus de 320 habitants : « aujourd’hui, ayant en caisse plus de 12 000 francs disponibles, voulant compléter leur œuvre, les habitants du hameau sont en instance, auprès de l’administration préfectorale, pour obtenir l’autorisation de convertir en chapelle la remise la remise provisoire de leur pompe et établir, à côté un cimetière et, qu’en prévision de la réalisation de ce projet, ils ont acquis 2 cloches, dont l’une est déjà sur les lieux, et l’autre, sur le point d’y arriver. (...)
Pour ce qui concerne le cimetière, les soussignés désirent en établir un à côté de la chapelle, pour y déposer les ossements épars de leurs pères, qu’on trouve chaque jour en creusant l’emplacement de l’ancien cimetière.
Ils demandent, lorsque la chapelle sera édifiée, M. le Curé de Certaines, ou tout autre désigné, veuille bien y venir célébrer 2 ou 3 fois la messe le dimanche dans les fortes chaleurs de l’été, lors des grands travaux et autant dans les grands froids, au temps des neiges et des mauvais chemins, et cela uniquement pour donner satisfaction aux vieillards, aux infirmes et aux petits enfants du hameau, qui ne peuvent, à ces époques, se rendre à l’église de Certines et y assister aux offices. En considération des déplacements pénibles que cela occasionnerait à M. le curé de Certines, les soussignés seraient tout disposés à assurer, à ce dernier, une petite indemnité qui serait prise sur leurs revenus. (...)
Ils espèrent donc, Monseigneur, que vous daignerez leur donner votre approbation et que, lorsque la chapelle sera achevée, vous leur ferez l’honneur de venir la consacrer
 ». Cette requête est signée par 44 habitants [1].
L’évêque ne répond pas aux espoirs des habitants car, le 14 août 1869, il juge qu’un tel édifice « n’aurait pour résultat qu’une division plus profonde entre ce hameau et le chef-lieu paroissial (…). Il est donc dans l’intérêt de la bonne harmonie que la chapelle ne soit pas construite ». En outre, le Sénat s’est déjà opposé, le 6 décembre 1867, à l’érection du hameau en commune malgré l’avis favorable de la commission syndicale.

Les plans du projet initial, en avril 1867.
Non converti en chapelle, le bâtiment a longtemps servi de salle de réunion avant la vente à un particulier. Par rapport au plan, au sommet du clocher, la girouette a été remplacée par une croix. Remarquer les baies géminées.

L’école de Montmerle (Treffort), avec un clocher

À Treffort, le hameau de Montmerle est situé au-delà du Mont Grillerin, à environ quatre kilomètres du chef-lieu de la commune. Les enfants ont des difficultés à fréquenter l’école du village, notamment en hiver et par mauvais temps. Les habitants adressent une pétition au préfet, le 1er octobre 1860, pour obtenir une école mixte dans leur hameau.
Après quelques péripéties, ils obtiennent leur école dans un local loué puis dans une véritable école, construite et terminée en octobre 1868. Le bâtiment comprend une salle de classe au rez-de-chaussée, avec des entrées différentes pour les filles et les garçons, et le logement de l’institutrice à l’étage. Curieusement, un clocher est accolé au bâtiment avec même une niche pour y placer une Vierge à l’enfant. Cette adjonction est curieuse sur un bâtiment public mais, en fin de règne, Napoléon III se rapproche des catholiques car son pouvoir vacille.
Aux Archives départementales de l’Ain, le descriptif commenté du projet ne figure pas dans le dossier. La recherche se poursuit...

Le plan sur calque de l’école de Montmerle, hameau de Treffort.
Le détail du clocher qui montre la niche avec une Vierge à l’enfant esquissée.
Aujourd’hui, l’école désaffectée reste conforme au plan initial mais la niche est vide.
Depuis les "temps immémoriaux", le hameau dispose d’une chapelle, sous le vocable de sainte Anne, et d’un cimetière.

Thomas Riboud inspire Monetay à Treffort

Le député bressan Thomas Riboud (1755-1816) a logiquement utilisé les textes législatifs pour préserver l’église de Brou, à Bourg-en-Bresse. Il n’est pas certain que les habitants du hameau de Montenay, à l’ouest et dans la plaine de la commune de Treffort, aient connu cet épisode, lorsqu’ils acquièrent l’ancienne église paroissiale de Monetay, avec « l’intention expresse d’en empêcher la démolition et de la rendre pour l’exercice du culte catholique ».

Treffort et son chef-lieu (1), la chapelle de Monetay et le hameau de Montmerle (3).

Le douze fructidor, an IV de la République française (29 août 1796), les administrateurs du département de l’Ain ont « vendu et délaissé dès maintenant et pour toujours, aux citoyens (...), les domaines nationaux [suivants] : la chapelle appelée de Monetay, commune de Treffort, ensemble le terrain attenant et servant ci-devant de cimetière de la contenance de six coupées et quart [2] ».
Le 11 messidor an X (30juin 1802), le conseiller de préfecture, au nom du préfet de l’Ain décédé, estime que « l’église Saint Pierre de Monetay, dépendant de Treffort, peut être érigé en oratoire succursal, sauf aux habitants qui se proposent de faire face aux frais de desserte, à obtenir l’agrément de Mr l’archevêque de Lyon, soit pour la jouissance de leur oratoire, soit pour l’institution du prêtre qui sera chargé de la desserte » Peu après, le 17 octobre 1802, « l’ouverture de l’église Saint Pierre de Monetay » est autorisée « par le vicaire général du diocèse de Lyon spécialement chargé des paroisses de Bresse ».
La chapelle a-t-elle été desservie, même ponctuellement, dans cette période particulièrement agitée ? Il n’est pas interdit de penser que des messes "confidentielles" aient été célébrées, le sentiment religieux étant profondément ancré chez certaines personnes. Toujours est-il, qu’après l’instauration de l’évêché de Belley en 1823, qu’un contrat est passé entre les habitants de Monetay et le curé de Treffort le 4 juin 1826, devant notaire. Ce contrat précise, entre autres dispositions, que « le curé de Treffort est tenu de se rendre au Monetay pour y faire les enterrements des défunts des propriétaires (...), lui ou son vicaire (...), de conférer le baptême (...), d’acquitter une messe par mois, (...) de célébrer une grand’messe le jour de la Saint Pierre ».
Le dossier 54 IL-2 des Archives diocésaines de Belley-Ars, d’où sont tirées ces informations, contient d’autres anecdotes.

La chapelle de Monetay.

Une croix avec de l’argent public

Le 27 juillet 1843, le préfet écrit au maire de Saint-Martin-du-Mont : « en ce qui concerne la dépense de 179 F votée pour le prix d’une croix de pierre placée récemment dans ce hameau [de Gravelles], je vous ferai remarquer que la loi du 7 vendémiaire an IV, prohibant toute manifestation d’emblèmes religieux hors des édifices du culte, l’administration ne peut que tolérer, sans intervenir d’une manière officielle dans les affaires de cette nature.
Il serait à désirer que cette dépense fût couverte par des cotisations volontaires, de la part des habitants qui en ont désiré l’exécution
 ».

D’autres sites

Bien d’autres sites sont porteurs d’anecdotes, révélatrices de la vie quotidienne des gens d’autrefois. Cela sera peut-être fait ultérieurement, sur ce site.

Rémi Riche

Avec la collaboration de Gérard Burdy, Paul Cattin, Mme Gouttefarde, Gyliane Millet, Brigitte Ladde.
Archives départementales de l’Ain.
Archives du diocèse de Belley-Ars à Bourg-en-Bresse.

Pour en savoir plus sur des écoles :
Les écoles de hameau en Bresse et Revermont, les premières créations

[1Archives diocésaines. 37 Certines IL3-D.

[2Environ 2 556 m2.

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