Sur la Saône, au temps des bateaux à vapeur et des Parisiens
En février 1923, la presse locale de l’Ain annonce la fin des Bateaux parisiens. C’est le glas du transport régulier de voyageurs par des bateaux à vapeur, commencé un siècle plus tôt, sur la Saône.
Les premiers bateaux à vapeur
Pour la première fois, le marquis Claude-François Dorothée Jouffroy d’Abbans (1751-1832) fait fonctionner, à Lyon, un bateau à vapeur qui, sous le regard de milliers de spectateurs, remonte le cours de la Saône, « sans le secours d’aucune force animale et par l’effet seul de la pompe à feu pendant un quart d’heure environ [1] ». Ensuite, les circonstances lui sont défavorables et l’expérimentation des bateaux à vapeur s’effectue ailleurs, en Amérique notamment.
Jouffroy-d’Abbans prend un nouveau privilège sur la Saône en 1816, crée une société et son bateau, Le Persévérant, effectue un aller-retour entre Lyon et Chalon mais le marquis, manquant de soutiens financiers, renonce à poursuivre son entreprise en 1819. La première organisation de bateaux à vapeur, fonctionnant régulièrement, est l’œuvre d’une Société de transports sur la Saône, avec M. Ramus pour directeur. « Elle met en service, dans les premiers mois de 1823, un bateau à vapeur, la "Ville de Chalon", construit sur le modèle de ceux de la Seine (...), d’une longueur de 27 mètres (...). Malheureusement, au bout de quelques semaines, une avarie de machine oblige la "Ville de Chalon" à interrompre ses voyages [2] ».
Sur la Saône
La France a accusé un fort retard mais des bateaux naviguent sur certains fleuves et sur le Lac Léman. Là est présent l’Américain Edward Church (1779-1845), diplomate devenu homme d’affaires. Il est mis en relation avec les milieux lyonnais qui déplorent que « la navigation de la Saône [soit] privée de tous les avantages que doivent lui assurer les bateaux à vapeur ». Alors, quinze actionnaires, des propriétaires, créent la Société anonyme de navigation de la Saône, par la vapeur, à Lyon, le 10 mars 1827. Cette société est approuvée par une ordonnance royale du 25 avril 1827.
Avant même cette date, il est possible de lire, dans le Courrier de l’Ain du 20 avril 1827 : « Le premier bateau à vapeur sur la Saône, de la société Church, a fait un voyage d’essai le 9 avril. Le trajet de Lyon à Chalon s’est opéré en 15 heures 1/4. Il a été reconnu qu’il pourra s’effectuer par la suite en moins de 14 heures. Le retour a eu lieu en 8 heures. Toute la population des deux rives de la Saône est restée émerveillée de la rapidité de cette course. La réussite a été complète. Dorénavant les habitants de Chalon pourront se rendre à la bourse de Lyon, faire leurs affaires, aller au spectacle et être rendus chez eux le lendemain. (...)
La "Chalonnaise" et la "Lyonnaise" partent tous les jours, l’une de Lyon, l’autre de Châlons [3] à 5 heures précises du matin. Les premières places sont au prix de 10 francs et les secondes de 7 francs ».
La navigation à vapeur sur la Saône s’intensifie et elle « prend tous les jours plus d’importance et d’activité. On nous annonce qu’à partir du 1er avril [1838], dix-huit bateaux à vapeur descendront et remonteront tous les jours de Chalon à Lyon et de Lyon à Chalon ». Dans sa session de l’été 1838, le Conseil général de l’Ain émet un vœu : « l’importance de la navigation de la Saône est si grande, il est tellement utile pour le commerce que cette rivière puisse être navigable en tout temps, que le Conseil demande avec instance, pour la Saône, une plus large part dans les allocations faites aux rivières marchandes pour le budget de l’État [4] ».
Mais, le 8 juillet 1845, le Courrier de l’Ain note que « les propriétaires du littoral de la Saône se plaignent des dégâts que leur causent les bateaux à vapeur qui, pour lutter de vitesse, s’éloignent du milieu de la rivière et en côtoient les bords de sorte que les flots, soulevés à une assez grande hauteur, frappent avec force les balmes, les dégradent et y font des trouées par lesquelles une eau boueuse se précite dans les prairies, couvre et abîme les foins ».
En 1841, trois compagnies exploitent des bateaux sur le Rhône et la Saône, Compagnie générale de navigation, Compagnie de l’Aigle, Compagnie des Papins, et deux sur la Saône exclusivement, Les Messageries Royales pour les passagers et Les Gondoles à vapeur pour les marchandises. D’autres vont rapidement s’ajouter.
Un passager peu ordinaire
L’évolution du trafic sur la Saône a été rapide et spectaculaire. Ce trafic augmente encore lorsque le chemin de fer atteint Chalon-sur-Saône, le 1er septembre 1849 en provenance de Dijon [5]. Dans cette complémentarité entre le chemin de fer et les bateaux à vapeur, la Saône accueille un prestigieux voyageur, Louis-Napoléon qui se rend à Lyon. À Chalon-sur-Saône, « ce matin, 14 août [1850], un peu avant dix heures, le canon annonçait l’arrivée du Président ; toutes les autorités et les troupes l’attendaient au débarcadère du chemin de fer. Descendu du wagon qui l’avait amené avec sa suite, le Prince et son cortège sont entrés en ville par la rue de l’Obélisque. (…) À 11 heures et demie, le cortège, la troupe, tout s’est remis en marche, toujours au milieu d’immenses acclamations. Le président, à pied, s’est dirigé vers le quai où il s’est embarqué, avec sa suite, sur un bateau à vapeur tout pavoisé et dont les tentes étaient ornées de guirlandes ».
Le Président s’arrête à Mâcon où il passe la nuit à la préfecture puis, « jeudi matin, à six heures, Louis-Napoléon est sorti de la préfecture en voiture (…) et s’est embarqué sur ʺL’Hirondelleʺ ». Il fait une nouvelle halte d’environ vingt minutes à Trévoux. Le chroniqueur termine ainsi : « Espérons que le Prince Napoléon, qui a pu juger de l’esprit de nos populations par l’enthousiasme que sa présence a produit parmi nous, emportera un souvenir favorable des rivages de la Saône [6] ».
L’arrivée des "Parisiens"
L’augmentation de l’activité fluviale concerne autant les voyageurs que les marchandises. « Le nombre de bateaux à vapeur qui font le service des voyageurs et des marchandises sur le Rhône et la Saône s’est accru dans ces derniers temps d’une façon merveilleuse (...). La Saône compte, sur son parcours de Lyon à Chalon, 21 bateaux à vapeur, donnant une force de 1 500 chevaux environ [7] ».
Et dans un marché déjà très concurrentiel, une nouvelle compagnie arrive au printemps 1850, celle des Bateaux parisiens, construits par les frères Cochot (ou Cauchot), de Paris. « Long de 55 mètres, le "Parisien n°1" est prévu pour acheminer 350 passagers. (...) Avec une longueur de 67 mètres, le "Parisien N°2", immatriculé sous le n° LY30F, peut transporter 400 voyageurs. Il constitue la plus importante et la plus rapide unité navigant sur la Saône [8] ».
Une période faste, de courte durée
« L’accroissement de la navigation à vapeur sur la Saône, depuis l’ouverture du chemin de fer de Paris à Chalon, est tel que l’administration songe enfin à faire exécuter, sur cette rivière, des travaux d’améliorations considérables. (...) L’éclairage des rives est devenu indispensable ; les bateaux à vapeur correspondant avec le chemin de fer voyageront régulièrement pendant la nuit [9] ».
La concurrence est rude et pas toujours régulière : « le propriétaire du bateau à vapeur "L’Aiglon", faisant un service de voyageurs de Lyon à Mâcon, se plaint de ce que les bateaux "Les Parisiens" gênent par tous les moyens possibles la marche de son bateau et se livrent même parfois, pour atteindre ce but, à des manœuvres pouvant causer des accidents sérieux, de nature à compromettre la vie des voyageurs [10] ».
Devenus obsolètes
Pendant ces années, la construction du chemin de fer se poursuit vers le Sud. Lyon est atteint en 1855 et traversé en 1856. Peu après, les compagnies ferroviaires du Sud-Est fusionnent pour former, en 1857, la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée. Les bateaux à vapeur ne peuvent lutter contre une telle concurrence et la plupart des compagnies fluviales de voyageurs cessent leur activité à la fin des années 1850.
« Qu’advint-il, par la suite, de cette flottille bruyante qui avait sillonné la Saône pendant une trentaine d’années ? Seul, le "Parisien 2", devenu bateau mixte, continua à véhiculer, entre Lyon et Chalon, quelques voyageurs peu pressés et de rares marchandises. (...) Un second "Parisien", si nos souvenirs sont exacts, fut employé au service du lac du Bourget [11] ».
Cette information est confirmée par ailleurs : « en 1858, il ne subsistait qu’un seul service voyageurs sur Lyon-Chalon [12]. De 1850 à 1898, le nombre de voyageurs est divisé par quatre.
Les Parisiens entre Lyon et Aix-les-Bains
Les "Parisiens" ont assuré un service sur le Rhône, entre Lyon et Aix-les-Bains. Le Journal de l’Ain du 8 octobre 1869 écrit que « la navigation du Haut-Rhône est desservie, depuis plusieurs mois, par deux compagnies rivales de bateaux à vapeur qui se font une concurrence acharnée. (…) Le "Parisien n°2", a touché un rocher si malheureusement que le bateau s’est plié en deux et s’est rompu près de la machine. Les personnes embarquées ont dû descendre précipitamment à terre, où elle ont attendu "L’Hirondelle n°2"qui, venant d’Aix-les-Bains, les a ramenées à Lyon à bon port ».
« La "Compagnie des Parisiens" commencera son service de bateau entre Chambéry et Lyon, le lundi 7 mai [1877]. Départ d’Aix-les-Bains à 8h ½ du matin ; train de Chambéry correspondant à 7h ½ du matin ».
Le service n’est assuré qu’à la belle saison et la presse annonce sa reprise, comme ici, en 1878 : « La "Compagnie des Parisiens" commencera son service de bateau, entre Chambéry et Lyon, le 1er juin. Comme de coutume, les bateaux partiront d’Aix-les-Bains, pour Lyon, les lundis, mercredis et vendredis, et de Lyon à Aix, les mardis, jeudis et samedis ».
Durant l’été 1880, la Compagnie des Dombes et du Sud-Est délivre des billets d’abonnement « permettant de circuler pendant 15 jours sur tout son réseau et sur les bateaux à vapeur "Les Parisiens de la Saône et du Haut-Rhône" [13] »
Au service des pèlerins
Les "Parisiens" sont parfois réservés pour transporter des pèlerins sur la Saône. « Un deuxième pèlerinage des Lyonnais à Paray-le-Monial aura lieu le 21 juin. Le départ est fixé au samedi 20 juin, à six heures du soir ; retour de Paray, le dimanche 21, à huit heures du soir. Ce départ aura lieu, comme celui du 11 juin, sur un bateau à vapeur de la "Compagnie des Parisiens". « Les pèlerins lyonnais viendront à Ars le 4 août, en même temps que ceux de Bourg. Ils iront en bateau à vapeur de Lyon au port de Frans et feront, à pied, le trajet de Frans à Ars [14] ».
« Mercredi dernier, environ 400 personnes, de Trévoux et des campagnes voisines, se sont rendues, en pèlerinage, à Notre-Dame-de-Fourvière (…). Le départ s’est effectué à 5 heures et demie par un bateau à vapeur de la "Compagnie des Parisiens". À neuf heures du soir, les pèlerins étaient de retour [15] ».
En juin 1880, les pèlerins ne sont pas bien accueillis dans la ville de Mâcon. « Dimanche soir, 200 pèlerins environ, revenant de Paray-le-Monial et appartenant à l’élite de la Société lyonnaise, traversaient la ville de Mâcon, par petits groupes, en voyageurs paisibles et bien élevés, pour s’embarquer sur le bateau "le Parisien" qui devait les ramener à Lyon. Ils ont été accueilli, sur le quai, par une foule compacte, évaluée à plus d’un millier de voyous, sifflant, hurlant "La Marseillaise" et criant "à bas les calotins ", "Vivent les Zoulous !"
Le plus profond silence accueillit ces hurlements et l’embarquement fut opéré dans le plus grand ordre, mais avec précipitation, pour en finir avec cette scène odieuse. (…) [16] ».
La débâcle de la Saône
La navigation sur la Saône était perturbée par la météorologie et, lors des hivers rigoureux, la rivière est prise par les glaces, parfois de fortes épaisseurs. Lors du dégel, tout se disloque et se transforme en blocs de glace que la Saône charrie. C’était alors la "débâche". La presse locale l’évoque quelques fois, comme en janvier 1880. « Les glaçons de la Saône causent des dégâts plus ou moins considérables, de Chalon à Lyon. De nombreux bateaux ont coulé bas (…). À Mâcon, la débâcle n’a pas encore eu lieu en amont du pont de Saint-Laurent. On patine encore sur l’immense bloc de glace qui recouvre la Saône ».
« Jeudi soir, la poussée des eaux amena une forte débâcle partielle. Un fort convoi de glaces se détacha. Il était environ sept heures. Les eaux furieuses charriaient d’énormes glaçons semblables à des banquises. On n’entendait que le bruit de ces rochers de glace se heurtant contre les piles et le gargouillement de l’eau sous les arches du pont. L’impression était sinistre.
Le vieux et solide pont de Saint-Laurent a bravement supporté ce premier assaut. Cependant, deux des piles du pont ont été légèrement entamées par cette dernière débâcle, deux grosses pierres de taille se sont détachées sous le choc puissant de ces rochers de glace. Pendant toute la journée de vendredi, les ouvriers charpentiers n’ont cessé de travailler à dégager cette partie du fleuve, d’abord avec le bélier, puis ils ont attaqué les glaçons avec la dynamite. (…)
Pendant la nuit, vers trois heures du matin, une seconde débâcle partielle eut lieu et, vendredi matin, le lit de la Saône paraissait libre dans son milieu, jusqu’à une assez grande hauteur en amont de Saint-Laurent. (…) La plupart [des blocs de glace] mesuraient 40 centimètres d’épaisseur. (…) La nuit de samedi, vers deux heures du matin, une troisième débâcle partielle a eu lieu. Elle a dégagé, sur une certaine hauteur en amont du pont, la rive droite qui était obstruée par un amoncellement considérable de glaçons ».
« Ia Saône baisse (…). La baisse totale est déjà de 1,54 mètre. Il n’est plus question de débâcle. La plus grande partie des glaces est restée échouée dans les prairies ».
« La Saône est débarrassée des glaces qui ont interrompu la navigation ; cependant, les berges sont encore garnies de glaçons qui empêchent l’abord des pontons et la navigation restera quelque temps sans pouvoir reprendre son service. Du reste, les eaux de la Saône sont excessivement basses en ce moment ».
À la fin de janvier, « nous avons enfin le beau temps ; le dégel est à peu près terminé. (…) La débâche de la Saône est commencée ». Quinze jours plus tard, « la débâcle de la Saône s’effectue sans occasionner de dégâts. La rivière charrie encore de gros blocs de glace, mais le courant, en ce moment très fort, les entraîne rapidement. (…) Le service des bateaux à vapeur de Lyon à Chalon va pouvoir reprendre, à partir d’aujourd’hui, à la grande satisfaction des populations riveraines [17] ».
Des débâcles sont également relatées en janvier 1889, mars 1890, février 1891 et 1892.
Le "Parisien" victime du brouillard
« Un véritable sinistre a eu lieu ce matin, vers les huit heures, sur la Saône, près du pont de la gare, à Vaise. Un "Parisien", portant une cinquantaine de voyageurs et chargé de nombreuses marchandises, était parti à sept heures du quai Saint-Antoine pour se rendre à Chalon. Le temps était magnifique et le voyage promettait de s’effectuer sans accident.
Le bateau arriva, en effet, très bien au ponton de Vaise mais, tout à coup, il fut enveloppé d’un rideau de brouillards d’une telle densité qu’il fut impossible au pilote de diriger le bateau avec sureté.
Pendant quelques instants, le pilote chercha à filer droit devant car il savait qu’il allait passer sous le pont de la gare et il lui fallait éviter de heurter une des piles. Mais, tout à coup, le "Parisien" fut accosté par le "Lyonnais" mais il se trouvait déjà sous le pont de la gare. Le coup de barre du pilote jeta le "Parisien" sur une pile. Un craquement sinistre se fit entendre ; c’était la coque qui venait de heurter violemment les enrochements de la pile. Une large voie d’eau se déclara dans les flancs du bateau et, en peu d’instants, la cale fut envahie par les flots. (…)
L’avant du bateau fit la culbute et s’enfonça dans la Saône avec toutes les marchandises. Le danger devenait grave pour les voyageurs et pour l’équipage. On appela du secours, au milieu des brouillards, et l’on détacha aussitôt de la rive un bateau de charbons qui vint, avec beaucoup de précautions, se placer sur un côté du "Parisien". Tous les voyageurs changèrent de bord et purent être sauvés.
Pendant ce temps, l’arrière du bateau s’enfonçait peu à peu dans les flots et l’on n’aperçut bientôt plus que la cheminée de la machine et une petite partie du côté droit du "Parisien". (...) ».
Un mois plus tard, le bateau est toujours dans la même position. « Avant de commencer les travaux de renflouement, on attend que l’enquête, ouverte du le sinistre, soit achevée [18] ».
Après l’expertise, les opérations de renflouement prennent beaucoup de temps. Elles sont encore en cours en février 1887. « Le "Parisien", qui venait de faire naufrage, était un beau et solide bateau qui venait d’être nouvellement construit. On pensait bien que le bateau n’avait pas été complètement détruit dans l’accident et, comme il renfermait des valeurs assez considérables, la "Générale", à laquelle le propriétaire était assuré, a pris le parti de le faire renflouer et de le remettre complètement en état.
Le renflouement d’un bateau est une opération peu connue dans la région, où les naufrages se présentent assez rarement. (…) Cette opération a demandé près de deux mois de travail. Après un séjour de soixante-quinze jours dans la Saône, (…) on a été fort surpris de voir que la carcasse et la machine pourraient resservir, mais après de grandes réparations. (…)
Le chauffeur du "Parisien" qui, le matin même de l’accident, avait touché ses touché ses appointements, retrouva son argent dans une sacoche qu’il avait déposée dans un coin, près de la machine. L’argenterie du bateau était au complet. Quant aux bagages des voyageurs, ils ont été retrouvés, mais dans un triste état.
En somme, du magnifique bateau, il ne reste que la carcasse et la machine, que la "Générale" fera remette en état et, dans quelques mois, le "Parisien" pourra reprendre son service [19] ».
À l’automne suivant, le phénomène météorologique se reproduit à Trévoux. « Par suite du brouillard qui, dans la matinée de lundi dernier, s’est élevé sur la Saône, le bateau "Le Parisien" a dû, dans l’impossibilité de continuer sa marche, s’arrêter au ponton de Trévoux. Après une station de trois quarts d’heure, le soleil étant venu dissiper l’épais nuage qui couvrait la rivière, il a pu continuer sa route vers Chalon [20] ».
Un service maintenu
Malgré les aléas climatiques et une baisse de la fréquentation, la "Compagnie des Parisiens" continue à assurer le service des voyageurs sur la Saône, entre Lyon et Chalon-sur-Saône. Les annuaires des départementaux de l’Ain et de Saône-et-Loire en donne une information succincte.
Deux nouveaux accidents du "Parisien n° 2" émaillent cette période. Au début du mois d’août, par une nuit noire à l’arrivée à Chalon-sur-Saône, le bateau s’engagent mal dans un passage rétréci et heurte l’échafaudage légèrement qui sert à la réfection d’un pont. L’incident ne fait pas de victime et les passagers sont transbordés. Le chroniqueur termine ainsi son écho : « Ajoutons que tout le monde pourra conserver un souvenir de cette collision fâcheuse puisque MM. Bourgeois Frères ont pris des clichés sur les lieux de l’accident pour les éditer en cartes postales [21] ».
Le second accident se déroule à l’arrivée à Lyon, en novembre 1912, lorsque le "Parisien n° 2" heurte une pile d’un pont : « tous les voyageurs - une quinzaine environ - et l’équipage purent être recueillis sur des barques et, quand le bateau sombra, il n’y avait plus personne à bord [22] ». Le bateau est renfloué quelques mois plus tard.
Il reprend du service et survit à la Première Guerre mondiale, malgré les difficultés d’approvisionnement en charbon. Son aventure se poursuit au-delà mais la presse locale ne s’intéresse guère à son déclin inexorable, à part un dernier écho, vers son ultime voyage, au début de 1923. Les panaches ou les sifflets du "Parisien n° 2" n’égaient plus la Saône et ses rivages.
Rémi Riche
Avec la collaboration de Claude Brichon (aide à la recherche documentaire), Louis Bonnamour et Gyliane Millet.
Archives départementales de l’Ain.
Archives départementales du Rhône.
Archives départementales de Saône-et-Loire.
Bibliothèque municipale de Lyon-Part-Dieu.
Musée Vivant Denon à Chalon-sur-Saône.
Site Presse ancienne - Lectura plus
Voir la chronique complémentaire relatant un voyage sur la Saône en 1892 :
De Chalon à Lyon, sur la Saône, avec le "Parisien"
Bibliographie sommaire
BONNAMOUR Louis - MICHERON Jacques. Voyage sur la Saône de Chalon à Lyon avec le "Parisien" au début du XXe siècle. Collections Nathalie et François Murtin. 2005.
BREITTMAYER Abert. Archives de la navigation à vapeur du Rhône et de ses affluents.
1883. http://WWW.numelyo.bm-lyon.fr
ESCUDIÉ Bernard et COMBE Jean-Marc. Histoire scientififique et technique de la navigation à vapeur de Lyon à la mer. Éditions du CNRS. Presses universitaires de Lyon. 1991.
GANDREY Lucien. Les débuts de la navigation à vapeur sur la Saône 1783-1860. Académie François Bourdon. Le Creusot. 2004.
RIVET Félix. La navigation à vapeur sur la Saône et le Rhône. 1783-1863. Presses universitaires de France. 1962.
VALENTIN-SMITH. Monographie de la Saône. Imprimerie Léon Bloitel. Lyon. 1852.
[1] Félix Ridet. Voir bibliographie.
[2] Bulletin de la Société des Amis des arts et des sciences de Tournus. Tome LI. 1951.
[3] Orthographe dans l’article.
[4] Journal de l’Ain des 5 mars et 31 août 1838.
[5] La ligne de Paris à Chalon-sur-Saône est terminée le 22 juin 1851
[6] Journal de l’Ain du 16 août 1850.
[7] Journal de l’Ain du 22 février 1850.
[8] Voyage sur la Saône de Louis Bonnamour et Jacques Micheron.
[9] Journal de l’Ain du 24 mars 1852.
[10] Relevé dans les Archives de Saône-et-Loire par le Bulletin de la Société des Amis des arts et des sciences de Tournus. Tome LI. 1951.
[11] Bulletin de la Société des Amis des arts et des sciences de Tournus. Tome LI. 1951. Ce bulletin publie aussi Le dernier voyage du "Cygne", en 1855.
[12] {}Vapeur sur le Rhône par Jean-Marc Combe et Bernard Escudié. Presse Universitaire de Lyon. 1991.
[13] Journal de l’Ain du 26 juillet 1880.
[14] Journal de l’Ain des 17 juin et 27 juillet 1874.
[15] Journal de l’Ain du 13 septembre 1875.
[16] Journal de l’Ain du 30 juin 1880.
[17] Journal de l’Ain des 7, 12, 14, 26 janvier, 1er et 16 février 1880.
[18] Salut public, de Lyon du 2 décembre 1886.
[19] Salut public, de Lyon du 17 février 1887. L’article détaille les opérations techniques.
[20] Salut public, de Lyon du 14 novembre 1887.
[21] Progrès de Saône-et-Loire du 7 août 1912. Relevé par Louis Bonnamour.
[22] Progrès de Saône-et-Loire des 15 et 16 novembre 1912. Relevé par Louis Bonnamour.