SUR LA SAÔNE, LE PONT DE FLEURVILLE , PRÈS DE PONT-DE-VAUX

Depuis quelques années, les élus de l’Ain et de la Saône-et-Loire se concertent pour édifier un nouveau pont routier à hauteur de Fleurville. Il remplacerait l’actuel pont, plus que centenaire.

La Saône a longtemps été une frontière naturelle mais, dès les temps les plus anciens, l’homme a appris à repérer les passages où la rivière pouvait être franchie à gué, sans trop de risques et à basses eaux. Pour des charges lourdes, il a utilisé des bacs puis bâti de rares ponts de bois. Le premier pont en pierre a été édifié à Saint-Laurent, au onzième siècle. Plus au nord, face à la plaine de Bresse, quatre bacs étaient utilisés, à Vésines, Asnières, Boz et Fleurville.

PREMIÈRE PARTIE : UN PONT SUSPENDU

Le projet d’un architecte

La mise en œuvre, longue et coûteuse, a limité la diffusion des ponts de pierre. Ces difficultés sont surmontées grâce à l’apparition des ponts suspendus, d’abord aux États-Unis, puis en Angleterre. Un pont suspendu est un « pont dont le tablier est supporté par des câbles longitudinaux paraboliques par l’intermédiaire de suspentes. Les câbles portent sur des pylônes et sont en général ancrés aux extrémités dans les culées [1] ». En France, Marc Seguin (1786-1875) en est ʺl’apôtreʺ et il améliore le procédé en remplaçant les chaînes métalliques par des câbles. Sa compagnie réalise ainsi, en 1825, le pont de Tournon-sur-Rhône, longtemps le plus long pont suspendu d’Europe, avec 170 mètres de longueur, en deux travées.
Le bac de Fleurville connaît une forte activité car il met en relation les cantons de Lugny (Saône-et-Loire) et Pont-de-Vaux (Ain), peuplés respectivement de treize mille et onze mille habitants. Les deux chefs-lieux, centres de marchés et de foires, sont distants de treize kilomètres. C’est sur ce passage que, le 27 juin 1831, Pierre-Salomon Ducharne, architecte à Mâcon, propose d’établir un pont suspendu. Il s’adresse au directeur des Ponts-et-Chaussées de la Saône-et-Loire et écrit que « ce pont pourrait contribuer à faire exécuter la route projetée de Saint-Trivier-de-Courtes (Ain) à Saint-Amour (Jura). (…) Alors Pont-de-Vaux serait le centre du commerce des trois départements de l’Ain, du Jura et de la Saône-et-Loire. »
Le pont suspendu « aurait deux portées de cent mètres chacune ; le dessous du tablier serait à la hauteur de l’arche marine du pont de Mâcon. (…) Pour l’indemnité des frais de construction et de réparation, le concessionnaire aurait la jouissance, pendant quatre-vingt-dix ans, d’un péage dont le tarif serait fixé de concert avec le gouvernement. ».

Les environs de Pont-de-Vaux sur la Carte Cassini du XVIIIe siècle.

Examen du projet

Le 2 août 1831, le préfet de Saône-et-Loire lance une enquête publique à Mâcon qui ne suscite aucune réaction. Après s’être entretenu avec l’ingénieur qui présente les tarifs envisagés, le 22 octobre 1831, la commission d’étude estime le projet « très utile et avantageux » et, le 27 octobre 1831, le préfet l’envoie au ministre du Commerce et des Travaux publics. Le pont sera une annexe de la route royale n° 6 et le dossier s’affranchit ainsi de la limite administrative et territoriale entre l’Ain et la Saône-et-Loire.
Le 21 décembre 1831, les Ponts-et-Chaussées et le Génie militaire examinent, « de concert, le pont sous le double rapport de la défense du pays et de l’intérêt du commerce ». Entre les ponts de Mâcon et Tournus, situés sur des routes royales, « un pont intermédiaire établira sans doute un nouveau passage sur la Saône mais n’ouvrira pas une nouvelle voie de communication avec la frontière. (…) Sur la rive gauche, une chaussée en remblai d’environ trois kilomètres de longueur et de trois mètres de hauteur, un certain nombre de ponts présentant ensemble une ouverture de quarante mètres au moins » sera nécessaire pour faciliter l’écoulement des eaux d’inondation. Le Génie militaire n’impose aucune contrainte particulière car, « par la nature de sa construction, le pont sera détruit très rapidement en cas de besoin ».
Dans sa demande en concession, « le sieur Ducharne se borne à la seule construction du pont, présumant que le département de l’Ain se chargera de l’achèvement de la route entre Pont-de-Vaux et la rive gauche de la Saône ». En ces lieux, le canal, ouvert en 1788, n’a jamais été terminé mais « la ville réclame surtout une voie de communication facile avec la rive droite de la Saône et le pont [en] est la partie la plus importante. »

Lugny et Pont-de-Vaux consultés

Sollicité, le conseil municipal de Lugny donne son accord, à l’unanimité le 18 décembre 1831 : « les vins se transportent en grande partie à Pont-de-Vaux (…). Les crues fréquentes de la Saône rendent les communications tantôt périlleuses, tantôt impraticables, et font éprouver un grand tort aux habitants de ce canton par la suspension totale de la vente de leurs récoltes ».
Le conseil municipal de Pont-de-Vaux l’accepte le 1er juillet 1832 car, « lorsque la rivière est débordée, ou lorsque ses eaux sont agitées par les vents, le passage sur le pont, en projet, sera constamment, nuit et jour, plus prompt et plus sûr que le bac actuel. (…) Considérant que, selon les usages des lieux, les voitures ne sont point connues sous le nom des charrettes et voulant éviter toute discussion, [il] demande qu’il soit dit chars ou charrettes ».
Le projet de l’architecte Pierre-Salomon Ducharne est d’abord approuvé le 9 avril 1832 par une commission interministérielle.

Adjudication suivie d’un nouveau plan

L’ordonnance royale du 28 janvier 1833 autorise l’adjudication des travaux. Le cahier des charges précise, outre l’emploi de matériaux de bonne qualité, que « la largeur du passage sur le pont sera de six mètres. La longueur du débouché des eaux entre les culées sera de 206 mètres (…) L’adjudicataire aura la faculté d’établir le pont en une ou plusieurs travées. La surface inférieure du tablier se trouvera à 9,50 mètres au-dessus de l’étiage ou à environ 3 mètres au-dessus des hautes eaux de 1711 [2] ».
Les travaux devront être commencés dans un délai de trois mois et être terminés dans un délai de deux ans. « Lorsque les travaux seront achevés, le pont sera soumis à des épreuves [de résistance]. (…) Tous les ans, il sera fait une visite détaillée du pont et de toutes les parties. (…) À l’expiration de la jouissance concédée, le pont sera remis au gouvernement, en bon état d’entretien dans toutes ses parties. ».
Si le projet n’est pas attribué à Pierre-Salomon Ducharne, il sera indemnisé des dépenses déjà engagées. Une éventuelle défaillance de l’adjudicataire, avant la fin des travaux, est aussi envisagée.
Le 15 mars 1833, le pont de Fleurville est attribué à Jean-Baptiste Bonnet, un entrepreneur lié à l’architecte. Selon le projet redéfini, désormais, « le pont se compose de trois travées de largeurs inégales, ayant ensemble 158,80 mètres d’ouverture totale, savoir 47,25 mètres pour chaque travée latérale et 64,30 mètres pour la travée du milieu. (…) Le plancher n’est pas établi de niveau : il est fixé, au milieu de sa longueur, à 2,50 mètres au-dessus du niveau des hautes eaux. (…) Il existe, contre la culée droite, une banquette de halage de 4 mètres de largeur qui s’élève au niveau du chemin de halage ordinaire. (…) Les quatre câbles [deux de chaque côté du pont] présentent ensemble une section de 9 380 millimètres carrés. ».
Le débouché n’a pas les 206 mètres initialement prévus, mais il est comparable à celui des ponts déjà construits sur la Saône. En aval, « celui de Belleville (Rhône) n’a que 159 mètres environ d’ouverture, avec un volume d’eau plus considérable. » En conclusion, ce projet ne donne « lieu à aucune objection importante. (…) Le système de fondation employé convient parfaitement au lit de la rivière : le fond graveleux de la Saône offre toute la consistance souhaitable. »

Terminé le 30 juillet, ouvert le 22 avril

Le pont construit subit les épreuves de résistance du 6 au 10 avril 1835, bien que les parapets et la rampe d’accès, côté Pont-de-Vaux, ne soient pas terminés. Les piétons le franchissent déjà et Jean-Baptiste Bonnet sollicite l’ouverture officielle et l’instauration du péage. Le préfet de Saône-et-Loire donne son accord le 22 avril 1835 et l’ingénieur des Ponts-et-Chaussées de Mâcon confirme l’achèvement du pont, le 30 juillet 1835 : « les ouvrages exécutés ne nous ont pas paru s’écarter sensiblement, soit du cahier des charges, soit du projet approuvé [3]  ».
Le pont devait se substituer au bac mais, dès le 16 mai 1835, le concessionnaire se plaint que trois batelets se soient établis auprès du pont pour la traversée de la Saône et demande que « l’administration trouve des moyens de faire cesser un tel abus, une telle violation ». Ces batelets ne sont autorisés qu’à conduire des voyageurs d’une rive aux bateaux à vapeur. Pour le péage du pont, Jean-Baptiste Bonnet et ses associés créent une Société anonyme pour l’exploitation du pont de Fleurville, au 1er septembre 1838 [4].

Le pont suspendu, fin du XXe siècle. Collection Maurice Brocard.

Un deuxième pont ?

Un deuxième pont [5] n’est-il pas en projet ? Des communes ont-elles demandé, directement à Paris, un nouveau pont sur la Saône ? Ce bruit « parvient aux oreilles » du maire de Manziat qui, aussitôt, écrit au préfet le 4 janvier 1863, car lui-même souhaite un tel pont, depuis longtemps, pour remplacer le bac d’Asnières, « sur la route de la Saône à Saint-Amour ».
Les maires des communes, de part et d’autre de la Saône, se rassemblent le 3 juillet 1864 pour demander un tel pont, mais sans préciser son emplacement. Ils rappellent la difficulté de traverser la Saône, selon les circonstances, pour les hommes et pour les bestiaux et autres bêtes « qui sont ombrageuses et ont une grande répugnance pour entrer dans ces bacs et traverser l’eau. (…) On est contraint de faire passer les voitures attelées chargées par Mâcon et Pont-de-Vaux ». Un projet est présenté et le Conseil général de l’Ain l’approuve le 27 août 1863. Le pont serait placé à hauteur d’Asnières, à mi-distance entre Mâcon et Fleurville, proche de Senozan (Saône-et-Loire), desservi par une gare, dont « les carrières alimentent en matériaux de construction la partie nord-ouest du département de l’Ain ». Quel que soit l’emplacement, « la nécessité de rendre les abords de ce pont insubmersibles entraînera des dépenses considérables. (…) La concession d’un péage suffira-t-elle pour engager un entrepreneur à se charger de l’affaire ? ».
À la suite des études des Ponts-et-Chaussées, le préfet, le 4 avril 1864, invite les communes intéressées à se prononcer sur l’emplacement du pont et leur financement éventuel. Malgré le souhait initial, le projet ne reçoit que peu de soutiens et le dossier n’a pas de suite.

La carte de 1864 avec l’indication des trois bacs au sud de Pont-de-Vaux.
Le croquis de l’éventuel 2e pont avec deux travées, ambitieuses, de 80 mètres.

Le pont de Fleurville racheté par le département

La nécessité d’une visite annuelle est rappelée par un arrêté de 1846. Aussi le pont est-il régulièrement entretenu, selon l’avis des ingénieurs. Dans le pays, selon la loi du 30 juillet 1880, les péages sont une entrave à la circulation « qu’il convient de faire disparaître dès que les circonstances le permettent, (…) par le rachat des concessions ». Environ quatre cents ponts sont concernés.
Pour celui de Fleurville [6], une commission interdépartementale, instituée pour cette occasion, déclare, le 9 mai 1881, que « les charges incombent nécessairement à l’État, à qui le pont doit faire retour en fin de concession ». Le ministère exprime son désaccord 30 août 1881 : « le pont ne dépend d’aucune route nationale ; il relie simplement le chemin de halage du canal de Pont-de-Vaux à la route nationale n° 6 ». À l’issue des négociations, il est reconnu que le pont est bien une annexe à la route nationale mais une contribution est demandée aux départements.
La commission interdépartementale poursuit ses travaux, négocie avec le concessionnaire pour le montant de l’indemnité. Ces diverses démarches aboutissent à un décret ministériel du 11 décembre 1883 qui déclare « l’utilité publique du rachat ». Trois jours plus tard, un traité définit la répartition des 307 500 francs entre l’État (75 %), le département de Saône-et-Loire (3,1 %), le département de l’Ain (1,6 %) et la commune de Pont-de-Vaux (20,3 %). Le paiement des sommes clôt le dossier [7] au 29 janvier 1884 et le pont reste une annexe de la route nationale n° 6.

DEUXIÈME PARTIE : UN PONT POUR LE TRAMWAY

Pour un tramway électrique…

Centre économique important, la ville de Pont-de-Vaux est reliée à la gare P.L.M. [8] de Fleurville par un omnibus mais elle préférerait une liaison ferroviaire. Pierre Dumont, électricien à Bellegarde (Ain), qui a réalisé l’éclairage de la ville, exprime le désir d’obtenir « la concession d’un tramway électrique entre la ville de Pont-de-Vaux et la gare des chemins de fer P.L.M. à Fleurville ». Les rails auraient soixante centimètres d’écartement et les wagons, deux mètres de largeur. Le projet est soumis à une conférence interdépartementale et, le 31 mars 1890, il est admis que le tramway pourrait circuler sur le pont suspendu, sous certaines conditions.
Le trafic sur le pont a été calculé pour l’année 1889. Pour les deux sens de circulation, on a relevé 72 172 voyageurs, 12 800 tonnes de marchandises, 16 300 colis ou bagages, 7 300 colis postaux. À ces indications, il faudra ajouter « 6 à 8 000 porcs, 1 200 wagons de bêtes à cornes (15 têtes en moyenne par wagon) et de 1 000 à 1 500 tonnes de betteraves venant de la Bresse ».

Extrait de l’Annuaire de l’Ain pour l’année 1889.
Titre d’une étude, datée du 29 novembre 1890, pour le projet de Pierre Dumont.

Puis un tramway à vapeur

Une telle concession ne peut être demandée que par une collectivité. Pierre Dumont se désiste et la ville de Pont-de-Vaux reprend le projet à son compte. Les études se poursuivent et un ingénieur suggère de remplacer le tramway électrique par un tramway à vapeur car le Conseil général de l’Ain développe son réseau départemental et Pont-de-Vaux sera bientôt desservi par la ligne de Trévoux à Saint-Trivier-de-Courtes.
Finalement, parmi les diverses possibilités, le 31 mai 1892, le ministère des Travaux publics opte pour « la substitution d’un pont fixe au pont suspendu mais la dépense ne pourra être mise à la charge entière de l’État. (…) La ville de Pont-de-Vaux [devra] supporter la moitié de la dépense, avec ou sans le concours du département ». Le 15 octobre 1892, les collectivités réunies décident de contribuer pour 75 000 francs, répartis entre la ville de Pont-de-Vaux (25 000 F), les deux départements (20 000 F) et le futur rétro-concessionnaire (30 000 F). Bien que cette somme soit inférieure à la moitié de la dépense totale, alors estimée à 200 000 francs, ces dispositions sont validées par le ministère le 26 juin 1893, et par la Chefferie militaire de Mâcon le 18 juillet 1894.

Un pont métallique à mettre en place

Les caractéristiques du futur pont sont déterminées par « l’utilisation obligatoire des piles et culées du pont suspendu ». Les travées, qui ont des portées relativement grandes (65,19 mètres pour la travée centrale), « imposent des dispositions [pour] alléger les poutres principales qui constituent la partie prépondérante de l’ouvrage ». Comme le service de la navigation de la Saône a demandé de réserver « un rectangle libre de 20 mètres de largeur sur 10 mètres de hauteur au-dessus de l’étiage », les piles devront être exhaussées. En outre, « la circulation ne devra pas être interrompue. On peut admettre seulement que, pendant une courte période, on fera usage d’un bac ». Du fait de l’étalement du financement, « la construction durera deux ans [9] ».
Un premier projet est établi le 15 octobre 1895 puis un second le 20 décembre 1897. Entre-temps, le Génie militaire n’a pas validé les modalités de mise en place des fourreaux de mines. En effet, et selon l’usage, la défense du territoire impose que toute infrastructure, tunnel ou pont, puisse être détruite, à l’explosif, en cas de nécessité. En définitive, une synthèse des deux dossiers constitue le dossier présenté à l’adjudication, le 13 mai 1898.

Elle est remportée par les Établissements Schneider du Creusot, les seuls à proposer une réduction sur le coût estimé. Les pièces métalliques fabriquées sont contrôlées et pesées une à une. Pour le renforcement des culées et des piles, la pierre vient de Saint-Martin-Belle-Roche (Saône-et-Loire) et de Villebois (Ain), celle-ci étant réputée pour sa « grande résistance à la gelée et à l’usure au frottement ».
Les travaux sont engagés en novembre 1898. La démolition du pont suspendu commence le 12 mai 1899 et le bac de substitution entre en service. Les travaux prennent du retard à cause de périodes d’inondation et le maire de Pont-de-Vaux demande des dispositions particulières, pour ce bac, pour les 3 et 4 octobre 1899, jours de la grande foire de la Saint-François. Du bois et des matériaux de faible densité ont été imposés pour alléger le tablier. Comme ils exigeront un entretien régulier, la maison du garde de l’ancien pont suspendu sera préservée pour « le logement du cantonnier chargé de la surveillance du pont, de son entretien et de celui des levées d’accès ». Pour la couleur de la structure métallique, la nuance du vert est choisie en août 1899 [10].
Les travaux s’achèvent et les épreuves de résistance « par poids mort » (400 kg de sable par mètre carré) sont à peine terminées que l’on passe sur le pont à partir du 29 novembre 1899, autre jour de foire à Pont-de-Vaux. Les épreuves par « charges roulantes sont repoussées, en raison de l’impossibilité de trouver dans la région des véhicules pouvant porter les charges prévues par la circulaire [11] ».

Le site du pont à reconstruire, avec les limites des différentes communes.
Schneider a sollicité l’entreprise de photographie industrielle Berthaud Frères de Paris pour le suivi des travaux, ici à leurs débuts.
Le passage du bac avec plusieurs attelages de chevaux, pendant les travaux, ici en août 1899. Ce bac en bois de chêne, auparavant utilisé aux Bordes, près de Verdun-sur-le-Doubs, mesure 10,90 mètres de longueur et 5,40 mètres de largeur.
L’achèvement du pont se termine par la travée centrale, la plus longue.
Les éléments métalliques du pont ont été fabriqués à Chalon-sur-Saône.
Le pont n’a eu droit qu’à une simple visite du ministre des Travaux publics , Pierre Baudin. (1863-1917), né à Nantua (Ain).

Après les voitures, le tramway

Les voitures circulent mais le tramway, autorisé par un décret du 17 juin 1897, ne roule pas encore. Le désormais concessionnaire est Louis Cornillon, qui exploite déjà la ligne d’Amplepuis à Saint-Vincent-de-Reins (Rhône). Là, sur le pont de Fleurville, l’aménagement est terminé en décembre 1900. Les rails et contre-rails sont incrustrés dans la chaussée, à niveau. Un décret autorise l’ouverture du trafic commercial à partir du 10 janvier 1901 et, au 10 juin 1901, la ligne est gérée par la Compagnie du tramway de Pont-de-Vaux à Fleurville dont « la majorité des actionnaires est formée de la petite épargne de la région [12] ».

Les horaires du tramway à l’été 1903. Les trains 13 et 14 ne circulent que les jours de foire ; les trains 15 et 16 que les dimanches, fêtes et jeudis.

L’exploitation est un peu chaotique et deux déraillements successifs, les 8 avril et 25 juillet 1909, endommagent des éléments métalliques du pont. Les Ponts-et-Chaussées estiment « inadmissible que l’exploitation du tramway dans les conditions actuelles au passage du pont sur la Saône, où elle met en péril l’existence même de l’ouvrage. La voie est complètement usée. (…) La vitesse des trains, au passage du pont, devra être limitée à 5 kilomètres à l’heure [13]. » Après une mise en demeure et des réparations non effectuées, le ministère ordonne la mise sous séquestre de la ligne et du matériel, à partir du 6 octobre 1909.

Le tramway à vapeur vient de franchir le pont ; derrière lui, une voiture à cheval et un cycliste.
À leur début et jusqu’en 1908, les deux locomotives à vapeur avaient un carénage ʺtramwayʺ.
Un des bateaux "Parisiens", à vapeur, qui ont assuré le service commercial, des voyageurs et des marchandises, entre Lyon et Chalon-sur-Saône de 1850 à 1923.

Ensuite, un décret du 11 décembre 1912 autorise la ville de Pont-de-Vaux à racheter et à exploiter le tramway, avant la reprise, par le Conseil général de l’Ain, à partir du 5 mars 1920. Au cours de cette année 1920, le pavage en bois du pont et la peinture de la structure métallique sont refaits.
En 1930, on étudie la possibilité d’amener, à Pont-de-Vaux, les wagons de grande largeur (ceux du PLM ; 1,435 mètre d’écartement) soit par l’adjonction d’un troisième rail, soit par des « trucks-porteurs ». Cette dernière solution est retenue mais le ministère ne l’autorise pas car la circulation sur le pont serait trop perturbée.

Profils, établis le 10 juillet 1930, pour l’utilisation des "trucks-porteurs".

À la suite d’un commencement d’incendie sur des éléments en bois du pont, le 15 octobre 1931, il est demandé aux mécaniciens (conducteurs) des tramways à vapeur de fermer complètement le cendrier des locomotives pendant la traversée du pont [14].
L’entretien de la section de la route nationale 433 A, de la route nationale 6 à la Saône, est transféré au département de l’Ain, par un décret ministériel du 20 février 1934. Cela concerne les 959 mètres, dont le pont, situés en territoire de Saône-et-Loire [15].
Le trafic confié au tramway n’est guère florissant à cause des nouvelles concurrences. Des automotrices sont mises en circulation mais le service est interrompu au 15 mai 1936 : « considérant que l’exploitation par autobus et camions donne satisfaction aux populations et qu’elle a permis, d’autre part, une réduction très sensible du déficit d’exploitation [16]. » Pour ces raisons, le déclassement de la ligne est demandé le 10 novembre 1938 et le département de l’Ain l’acte en 1939.

Destruction, reconstruction

Surviennent la déclaration de guerre en septembre 1939, puis l’occupation du pays, une longue période de restrictions. Lors de la libération du territoire, les Allemands, pour couvrir leur retraite précipitée, dynamitent le pont dans la nuit du 3 au 4 septembre 1944. Le pont est reconstruit en 1946 et 1947.

Le pont en 1946.
Battage de pieux pour le relevage de la travée de la rive gauche.
Montage des palées, destinées au relevage de la travée de la rive gauche.
Les ouvriers sur la poutre sur laquelle reposera la travée de la rive gauche, après son relevage.
Le 16 octobre 1946, la travée de la rive droite, en cours de relevage.
La situation au 29 janvier 1947 ; la Saône charrie des glaces.

La circulation s’intensifie à partir des années 1960-1970. Le pont devient bientôt insuffisant, une circulation alternée est mise en place et les départements de l’Ain et de Saône-et-Loire se mettent d’accord pour la construction d’un nouveau pont. Le dossier a été présenté en février 2018 mais la procédure a été suspendue en novembre 2021.

Le pont en octobre 2013.
Le pont en février 2022.

Rémi Riche

Info dernière :

« Par un jugement du 10 mars 2022, l’association "Bien vivre à Replonges" obtient l’annulation de l’arrêté des préfets de l’Ain et de Saône-et-Loire du 28 juin 2021 qui autorisait la construction, sur la Saône, d’un nouveau pont assurant la liaison entre les communes de Pont-de-Vaux (Ain) et de Montbellet Saône-et-Loire. »
Le Journal de Saône-et-Loire du 11 mars 2022.

Avec la participation de Maurice Brocard, Jean-Paul Chevret, Jacqueline Cordier, Michèle Laventure, Jean Naëgelen, Fanny Venuti.
Archives départementales de l’Ain.
Archives départementales de Saône-et-Loire.
Médiathèque É & R Vailland de Bourg-en-Bresse.
Office de tourisme du Pays de Bâgé et de Pont-de-Vaux.
Remerciements au personnel fort accueillant de ces organismes.
Remerciements aussi au Service du patrimoine culturel de l’Ain (Séverine) et à Patrimoine des Pays de l’Ain (Romain et Maxence) qui relaient nos Chroniques.

Photos

[1Le dictionnaire des professionnels du BTP. Éditions Eyrolles

[2L’inondation la plus haute alors connue, 6,95 mètres à Mâcon. Celle de 1840 atteindra 8,05 mètres et celle de 1955, le niveau de 1711.

[3Le procès-verbal est dressé le 11 août 1835 et le préfet signe l’arrêté le 18 août 1835.

[4Sauf indication contraire, les éléments et les citations de ces premiers paragraphes sont extraits du dossier 2S27 des A.D. (Archives départementales) de Saône-et-Loire.

[5Les informations et les citations de ce paragraphe sont extraites du dossier des A.D. Ain. 3S295.

[6Le conseil municipal de Pont-de-Vaux avait envisagé son rachat le 26 avril 1861.

[7Dossier 3S295 des A.D. Ain.

[8Compagnie de chemin de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée.

[9Pour les trois parties qui précédent, les citations sont extraites du dossier 3S296 des A.D. Ain.

[10A.D. Ain. 3S304.

[11Sauf indication contraire, les citations sont extraites du dossier 2S27 des A.D. de Saône-et-Loire.

[12A.D. Ain. 5S725 et 5S727.

[13A.D. Ain. Dossier 5S727. Rapports des 28 et 30 juillet 1909.

[14A.D. 71. 2S296).

[15A.D. Saône-et-Loire. 2S417.

[16A.D. Saône-et-Loire. Dossier 5S330. Commission administrative du 2 septembre 1939.

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