La Résistance Lalande et les Forces Unies de la Jeunesse (F.U.J.)
Le Lycée Lalande de Bourg-en-Bresse a reçu la Médaille de la Résistance mais la Résistance s’est aussi développée ailleurs, dans la ville de Bourg et en Bresse, Revermont et Val-de-Saône.
De nombreux jeunes, filles ou garçons, se sont engagés dans la lutte, d’abord contre le Régime de Vichy, puis contre l’occupant et ses partisans.
PREMIÈRE PARTIE : LES DÉBUTS
Première arrestation d’un lycéen
Pour le gouvernement de Vichy installé en juillet 1940, l’une des premières préoccupations est la lutte contre le communisme. Pour ce motif, des élus locaux communistes sont répudiés dès la fin de l’année. La ʺchasseʺ se poursuit jusqu’aux jeunes et notamment envers « le jeune BOISSET Jean, élève du Lycée Lalande à Bourg, arrêté le 22 octobre dernier. (…) Le jeune BOISSET est connu par les services de police de Bourg pour avoir été l’ami de LAUDET Maurice, secrétaire des Jeunesses communistes, lui aussi arrêté ». Jean Boisset est ainsi le premier élève à être interpelé au sein du Lycée Lalande de Bourg-en-Bresse (Ain).
Dans quelles conditions ? Après l’arrestation de Maurice Laudet, « l’autorité militaire ordonna une perquisition au domicile de son camarade Jean Boisset ». Cette perquisition permit la saisie de cartes d’adhésion à la Fédération des Jeunesses communistes et à l’Association française des amis de l’Union soviétique et de nombreux documents liés au communisme. Tout cet ensemble fait que « le jeune BOISSET est actuellement incarcéré à la prison de Lyon et doit passer devant le Tribunal militaire [1] ».
Le rapport n’indique pas si Jean Boisset a effectué de la propagande au lycée. La suite serait à rechercher dans les archives du Rhône. Jean Boisset, né le 13 février 1922 à Saint-Claude (Jura), s’engagera dans les Forces unies de la jeunesse en mars 1944 et, après-guerre, vivra à Grenoble (Isère).
Le refus de la collaboration
À l’initiative du chef de l’État français et de son ministre Pierre Laval, une entrevue entre Philippe Pétain et Adolf Hitler a lieu le 24 octobre 1940 à Montoire-sur-le-Loir (Indre-et-Loire). Pétain affirme avoir choisi la "voie de la collaboration". Cette rencontre est perçue comme une trahison par une partie de l’opinion publique française qui, malgré l’armistice, considère encore l’Allemagne comme l’ennemi à combattre.
Un premier tract se revendiquant de la France libre a été trouvé dès le 6 septembre 1940 à Bourg mais la propagande gaulliste se manifeste à partir du printemps 1941, surtout par l’écoute de la radio anglaise.
Au printemps de 1941, les autorités organisent deux manifestations avec l’Envoi des couleurs le 23 avril aux Lycée Lalande et Lycée Edgar Quinet avec la participation des élèves qui n’apprécient pas tous cette action de propagande, puis la Fête du travail et de la paix sociale le 1er mai avec une exposition des travaux des élèves à la salle des fêtes, la remise de cahiers de doléances des corporations et le discours radiodiffusé en plein air de Pétain. Durant la nuit, des tracts gaullistes ont été solidement collés sur les montants de l’estrade des officiels.
Depuis quelques temps, les inscriptions se multiplient sur les murs de la ville et, le 24 mai 1941, le commissaire de la Police spéciale note que « la propagande gaulliste s’est révélée plus agissante depuis quelques jours. Elle s’est introduite plus particulièrement dans les milieux intellectuels. Cette activité pro-anglaise s’extériorise tout d’abord par des inscriptions sur les murs, sur les trottoirs, là où le public peut les apercevoir. On y retrouve des "À bas Hitler" ; "À bas Darlan" ; "À bas la collaboration", le tout accompagné de "Vʺ et de croix de Lorraine. Cette propagande n’a pas obtenu de résultats à la campagne mais il n’en est pas de même dans les centres urbains. À Bourg, par exemple, les élèves des établissements secondaires et même primaires se portent en défenseurs de ce qu’ils appellent "La France Libre" [2] ».
Des lycéens inculpés en mai et juin 1941
Une note manuscrite, non datée, rapporte que : « plusieurs faits de propagande antifrançaise reflétant l’hostilité marquée de certains élèves vis-à-vis du Maréchal et de son gouvernement se sont passés à plusieurs reprises au Lycée. Cette propagande venant de prendre une nouvelle orientation, notre conscience nous oblige à vous la signaler.
Parmi ceux dont l’activité a été la plus marquée, il faut citer :
. Bezaud. Élève en philosophie, récemment arrivé au lycée. Hostilité des plus nettes au gouvernement. Paraît être le plus agissant. Affiche une entière servitude à la cause gaulliste. S’est réjoui publiquement des évènements de Syrie.
. Dupont (philo). Individu d’une moralité peu intéressante. A manifesté publiquement son désir de voir disparaître le Maréchal. L’a prouvé par des inscriptions dont il a osé se vanter. Habite Ambérieu ; ne vient pas actuellement au lycée.
. Guillin Denis. Élève de philo. Après un an de prépa à l’École militaire de Saint-Cyr, a constamment manifesté son antipathie au gouvernement du Maréchal. Fidèle exécutant des ordres de la Radio de Londres.
. Prost. Lenoir. (Élèves de 1ère) Comme les précédents, serviteurs de de Gaulle.
Bezaud et Dupont sont les auteurs de la lettre à l’ambassade des U.S.A. et les instigateurs du colportage des tracts.
Il faut souligner qu’il existe une grande cohésion dans les actes et paroles de ces jeunes gens dont l’attitude générale est pleine de sous-entendus.
L’activité des deux premiers est à souligner, Bezaud se chargeant plus particulièrement de propager les idées.
.
N.B. Il faudrait agir rapidement car ces élèves, qui passent tout le baccalauréat, vont quitter le lycée. Prost, Guillin, Lenoir restent à Bourg. Bezaud quittera Bourg le 18 ou 19 juin.
Dupont a déjà quitté le lycée ; il habite Ambérieu.
Dispersés dans la région, ces jeunes gens n’auront que plus d’influence spécialement pendant leur temps de service rural ».
Le 12 juin 1941, le commissaire de la Police spéciale de Bourg interroge Lucien Jean Dupont, né le 13 mars 1922 à Vesoul (Haute-Saône) et résidant à Ambérieu, et Jean Baptiste Bezaut (écrit désormais avec un ʺtʺ), né le 26 décembre 1921 à Tours (Indre-et-Loire), fils du commandant Fernand Bezaut, actuellement à Angoulême. Après avoir écouté une demande à la radio anglaise, tous deux auraient écrit une lettre à l’ambassade des États-Unis à Vichy « pour protester contre la politique extérieure du gouvernement de Vichy ».
Un tract suspect à l’automne 1941
Le samedi 8 novembre 1941, le professeur de latin surprend Paul Millet en train de montrer un tract gaulliste à un camarade de classe. L’élève, né le 26 février 1927 à Prévessin (Ain), est interrogé par le commissaire de la Police spéciale le 12 novembre 1941.
Paul Millet affirme détenir ce tract de son frère Jean, âgé de 18 ans, élève à l’École de la Martinière à Lyon.
Le lendemain, Hubert Millet, 44 ans, instituteur à Chavannes-sur-Suran est interrogé par le même commissaire. Il affirme qu’il n’a « jamais milité au sein d’aucun parti politique ni appartenu à aucun groupement. Je suis ancien combattant de la guerre 14-18 (…). Je suis vice-président de la section locale de la Légion française des combattants [3] ».
L’enquête se poursuit à Lyon où un commissaire des Renseignements généraux interroge Jean Millet qui a quitté le Lycée Lalande le 14 juillet 1941. Il affirme que « peu avant le départ dudit lycée, il a reçu une lettre affranchie et estampillée de la poste de Bourg. Elle contenait les tracts en question, auxquels était jointe une lettre le priant de les diffuser, ce qu’il n’a pas fait. Il les a remis à son jeune frère Paul, au cours de la période de vacances passées chez leurs parents, instituteurs.
À l’École de la Martinière, le jeune MILLET Jean est un bon élève qui ne s’est jamais fait remarquer par son attitude antinationale. Il n’est pas douteux qu’il n’a pas distribué dans cette école les tracts, objet de la procédure établie à Bourg [4] ».
L’enquête semble s’arrêter là mais sa condamnation, une exclusion d’un mois aux cours, ne retiendra pas Paul Millet à s’engager dans la Résistance lorsqu’il sera à l’École Carriat (voir ci-après).
Le mouvement gaulliste s’est implanté
Les jeunes seraient-ils les plus influencés par la radio anglaise et la propagande gaulliste ? Les autorités le pensent et des faits le confirment. Toujours au printemps 1941, deux autres lycéens, Daniel Pillard et Colette Lacroix, agissent au sein d’un groupe initié et animé par Raymond Sordet, un ancien du lycée et désormais dessinateur aux Ponts-et-Chaussées.
Ce groupe est mis en contact avec la "gaulliste" Marcelle Appleton, elle-même en relation avec Paul Pioda au sein du mouvement Libération, mais, par une maladresse, la police est informée de l’organisation d’une rencontre. Aussi, en mai 1941, Marcelle Appleton, Raymond Sordet (dessinateur, né en 1921), Jean Gindre (instituteur, né en 1917), Daniel Pillard (étudiant, né en 1922), Marcel Rizzi (employé, en 1922), Colette Lacroix (étudiante, née en 1924) et Jean-Paul Dubois (employé, né en 1921) sont-ils inculpés [5].
Ce groupe ne peut être rattaché à la désormais Résistance Lalande mais il est composé d’anciens élèves et cet épisode révèle que des jeunes, de toutes professions, ont choisi de s’engager dans la lutte clandestine contre Vichy, comme d’autres le feront plus tard.
Raymond Sordet, l’initiateur
À l’automne 1940, Raymond Sordet a pris l’initiative de réunir des jeunes, dont des lycéens, qu’il connaissait bien et dont il était sûr. « C’est SORDET qui fut l’âme agissante du groupe. L’un de ses camarades, Marcel RIZZI, passait assez souvent en fraude en Suisse où vivait une de ses sœurs. Là, il était entré en rapport avec un agent de l’I.S. [Intelligence Service] qui lui avait demandé de surveiller les agissements d’un certain nombre d’habitants de Bourg, qu’on soupçonnait d’être des espions au service de l’Allemagne. (…) Il s’agissait de les surveiller, de rassembler des renseignements sur leur activité et de les transmettre en Suisse aux agents de l’I.S.
Raymond SORDET, malgré son très jeune âge, montra une remarquable aptitude au travail de renseignements. C’est lui qui dressa le plan de surveillance, partagea le travail entre ses camarades, recueillit leurs rapports et rédigea les rapports finaux à transmettre à l’I.S. à Genève. Aiguillonné par SORDET, le groupe put recueillir pas mal de renseignements intéressants. Ce travail, commencé en novembre, [1940] dura jusqu’en mars ou avril 1941 ».
Au début d’avril 1941, ce groupe est donc mis en contact avec Marcelle Appleton. « C’est ainsi que SORDET vient la voir, lui exposa les projets qu’il avait formés : il s’agissait de souder le groupe déjà formé, de le transformer en organisation paramilitaire, sous couleur d’une société sportive ou touristique, qu’on formerait et qu’on mettrait, par précaution, sous le patronage de collaborateurs notoires, des jeunes pourraient aller excursionner à la campagne et s’exercer au maniement d’armes. On décida de tenir une petite réunion chez Mme APPLETON, au Mail, pour y mettre au point ce projet et organiser la propagande.
Malheureusement, les lycéens commirent de graves imprudences. Ils firent passer en classe des papiers annonçant la tenue d’une ʺréunion gaullisteʺ et y conviant tous les sympathisants. MEUNIER, professeur d’anglais au lycée (plus tard, responsable de ʺFranc-Tireurʺ), fit prévenir Mme APPLETON, qui décommanda la réunion. Elle eut cependant lieu, un certain nombre de gens n’ayant pu être prévenus. (...)
Quelques jours plus tard, le 18 au matin, DUBOIS, SORDET, GINDRE et PILLARD furent convoqués au commissariat spécial et interrogés sans mansuétude, pendant que Mme APPLETON était arrêtée [6] ».
Marcelle Appleton confirme
Invitée à témoigner, après-guerre, auprès du Comité d’histoire de la 2e guerre mondiale, Marcelle Appleton confirme les faits ci-dessus. Elle se définit alors comme « la première emprisonnée gaulliste du département de l’Ain (mai 1941) ». À l’automne 1940, outrée par les conditions de l’Armistice et la rencontre de Montoire, elle souhaitait résister au mieux et envisageait « une réunion d’hommes et de femmes de cœur qui s’uniraient pour protester contre l’étouffement de la Nation française ».
Vers mars 1941, elle a été mise en contact avec le groupe de Raymond Sordet par l’intermédiaire de l’un de ses amis, Gabriel Parisot, notaire à Bourg, leader du Parti socialiste et vice-président de la Loge maçonnique. Le cinéma était le prétexte des réunions entre les jeunes.
Elle confirme que le projet envisagé est mort-né. Ensuite, les jeunes résistants cessent leur activité sur Bourg-en-Bresse, se dispersent et poursuivent leur engagement, ailleurs.
Pour la suite, le vent souffle favorablement pour Raymond Sordet, Daniel Pillard et Jean Paul Dubois qui sont appelés ensemble, en novembre 1941, aux Chantiers de Jeunesse au Chatelard, en Savoie. Là, ils sont pris en charge par un chef, plutôt favorable à la Résistance. Il les garde et leur fait suivre l’école des cadres. Aussi Raymond Sordet et Jean Paul Dubois restent-il aux Chantiers de Jeunesse au-delà de la durée habituelle (8 mois), comme chefs d’atelier, jusqu’en avril 1943 [7].
À leur sortie, Raymond Sordet et Jean-Paul Dubois poursuivent toujours leur activité de résistants, tous deux en Savoie puis, le premier dans les Bouches-du-Rhône où il va être arrêté en mars 1944 puis fusillé à Lyon ; le second en Corrèze où il aura la vie sauve grâce à son uniforme des Chantiers de Jeunesse lors des arrestations et des pendaisons de Tulle en juin 1944.
L’évolution de la situation intérieure
Tout au long de l’année 1941, le Régime de Vichy a imposé sa politique à la société française, par l’intermédiaire des anciens combattants qu’il a regroupés au sein de la Légion française des combattants (L.F.C.). Une section locale est créée dans chaque commune avec un certain entrain car Pétain a été le chef de ces anciens pendant la Grande Guerre. N’est-il pas le "vainqueur" de Verdun et celui qui sauvera la France ? L’apothéose de la L.F.C. est peut-être atteinte au cours de l’été 1941, pour le premier anniversaire de sa création. Leur nombre dépasse alors les vingt mille dans l’Ain, avant de décliner ensuite.
En outre, le peuple est "mobilisé" lors des nombreux déplacements de personnalités vichystes où la police veille. En mars 1942, le préfet de l’Ain Louis Thomas termine ses visites cantonales où il réunissait les maires des communes concernées. Dans ces conditions, les opposants n’ont guère d’espace pour s’exprimer, sauf dans la plus grande discrétion. En outre, les agents des Renseignements généraux font de nombreuses tournées nocturnes dans la ville de Bourg pour récupérer tout tract qui aurait été distribué ou affiché. Il faut étouffer, "dans l’œuf, les « agissements nuisibles au relèvement du pays », selon la formule gouvernementale.
La guerre prend une orientation différente lorsque les Allemands attaquent l’U.R.S.S. (Union des républiques socialistes soviétiques) en juin 1941, puis lorsque les États-Unis s’engagent dans la guerre en décembre 1941.
Engagée sur deux fronts, l’Allemagne sollicite davantage ses pays occupés et, à la France, elle demande quatre cents mille ouvriers volontaires pour aller travailler dans ses usines. Cet appel au volontariat ne suscite guère de vocations dans l’Ain d’autant qu’apparaissent, à Bourg et à l’été 1942, les premiers tracts hostiles au départ de travailleurs en Allemagne [8].
Les diverses mesures impopulaires, dont le retour au gouvernement de Pierre Laval, « l’homme des Allemands », constituent un terreau pour les opposants. Si la Fête de la jeunesse n’a pas suscité l’enthousiasme deux jours plus plus tôt, des jeunes prennent une initiative le le 14 juillet 1942 à Bourg-en-Bresse, après l’arrivée de la première étape du Circuit des quatre provinces cycliste, avenue Maginot. Ils forment un cortège pour aller déposer une gerbe au monument aux morts. Là, les gendarmes interviennent, une bousculade s’en suit et se termine par l’arrestation de deux jeunes, qui sont relâchés peu après. Néanmoins, tous sont heureux d’avoir réussi leur entreprise et d’avoir exprimé leur opposition à Vichy, au grand jour.
Historiquement, c’est en ce mois de juillet 1942 que se créent les Forces unies de la jeunesse (F.U.J.), au sein du mouvement Combat, avec un fonctionnement très spécifique, basé sur des sizaines et des trentaines. À Bourg, comme ailleurs, les F.U.J. ne peuvent se mettre en place avant et, dans les établissements scolaires, qu’après la rentrée du 2 octobre 1942 [9]. Si, avant cette création, une activité de Résistance s’est maintenue au sein du Lycée Lalande par la distribution de tracts, de journaux clandestins et la collecte de renseignements, elle ne peut pas encore se revendiquer des F.U.J.
L’Allemagne ne vacille pas encore , mais, avant même la fin de l’été 1942, le préfet note que « les habitants de l’Ain sont [déjà] assurés de la défaite de l’Allemagne [10] ». Au même moment, la Résistance de l’Ain diffuse abondamment la Lettre pastorale du 23 août 1942 où l’archevêque de Toulouse dénonce les persécutions vichystes et affirme que « Les Juifs sont des hommes. Les Juives sont des femmes [11] ».
Par ailleurs, à partir du 11 novembre 1942, la situation intérieure est modifiée par l’occupation de la "zone libre" par les Allemands, qui s’installent véritablement dans l’Ain en janvier 1943, dans les meilleurs hôtels. La vie quotidienne est modifiée et Roger Martin se souvient que « si, jusqu’à fin 1942, la liberté de parole était de règle, il n’en est plus de même depuis que la "zone libre" est occupée par les Allemands [12] ».
Pour les opposants, après l’arrivée des Allemands, une menace s’ajoute le 28 février 1943 avec la création de la Milice, qui succède au Service d’Ordre Légionnaire, lui-même émanation, en janvier 1942, de la Légion Française des Combattants, tout cela à l’initiative de Joseph Darnand, ministre vichyste. Les miliciens, rapidement impopulaires, seront un peu plus de trois cents dans l’Ain mais certains auront l’autorisation de porter une arme, sur une simple autorisation validée par le préfet.
DEUXIÈME PARTIE : DURCISSEMENT À PARTIR DE 1943
L’ensemble de la jeunesse impliquée ?
Toujours en 1943, la structure des F.U.J. se modifie et s’élargit après la création des Mouvements unis de la Résistance (M.U.R.), en janvier. Le recrutement des F.U.J. ne se limite pas aux établissements scolaires mais regroupent des jeunes de l’ensemble de la société, comme le prouveront diverses affaires.
L’organisation est très stricte comme l’indique Roger Martin : « ne pas connaître un membre de la sizaine sauf son chef ; pas le droit de dire son appartenance aux F.U.J. ; ne rien dévoiler qui soit. À notre niveau, l’appartenance aux F.U.J. n’implique pas d’être un jour armé. Notre seul but est la transmission de tracts ou de journaux (et ce, dans le plus grand secret), de renseignements ; très peu souvent des contacts et surtout l’information sur les gens favorables à Vichy ou à l’Allemagne ».
Il se souvient aussi que la distribution clandestine des tracts et journaux n’était pas toujours facile car « il n’y a pratiquement aucune boîte aux lettres, journaux et tracts doivent être glissés sous les portes ou coincés dans des ouvertures [13] ».
Le fonctionnement cloisonné des F.U.J. limite forcément le recrutement. Après la loi sur la Relève du 4 septembre 1942, la loi sur le Service du travail obligatoire (S.T.O.) du 16 février 1943 offre des raisons tangibles de lutter contre cette collaboration et une forme de "déportation".
L’organisation nationale des F.U.J. édite de nombreux tracts et les distributions s’intensifient dans les villes et les villages de campagne, notamment pour les manifestations du 1er mai et du 14 juillet 1943. Désormais, la récupération fortuite de tracts, par les gendarmes, est passée de quelques unités à des centaines, voire à des milliers comme à Bourg et à Oyonnax en août 1943.
Lutter contre le S.T.O.
Au-delà de la propagande, les jeunes s’impliquent dans des manifestations. Déjà le 17 mars 1943, vers 10h30, « une cinquantaine de jeunes gens désignés pour partir en Allemagne, au titre du Service obligatoire, se sont rendus au monuments aux morts pour y déposer une gerbe qui portait l’inscription : "On ne part pas en Allemagne" ». La police ajoute : « nous avons retiré ce ruban et laissé la gerbe [14] ».
En gare de Bourg le 22 mars 1943, un départ massif pour le S.T.O. en l’Allemagne est programmé. Beaucoup de "requis" ont été convoqués et ils sont environ 500 à monter dans le train. Une foule importante de jeunes et de parents, de 750 à 900 personnes selon la gendarmerie, se masse alors aux abords de la gare pour manifester bruyamment sa désapprobation. Seule l’intervention de soldats allemands ramène le calme mais le train part avec beaucoup de retard et, finalement, seuls 150 hommes poursuivront leur voyage jusqu’en Allemagne. Par la suite, les départs se feront plus discrètement, par petits groupes.
Pour retarder ou annuler les départs, pourquoi ne pas détruire les fiches de recensement, centralisées au bureau S.T.O. de Bourg ? Cette idée germe au sein d’un groupe de F.U.J. et prend forme. Un premier vol, effectué par effraction dans la nuit du 18 au 19 mai 1943 est complété par un second, le 21 mai vers 13 heures. Là, l’espagnolette d’une fenêtre est restée non enclanchée et la vitre cassée antérieurement a permis l’ouverture de la seconde fenêtre.
L’enquête policière est rapidement menée et conduit à l’arrestation, dès le 24 mai 1943, de trois jeunes, Louis Bollon, Louis Roy et Marcel Thenon ; les deux premiers travaillant à l’Office départemental du travail et le troisième étant étudiant au Lycée Lalande. À la suite d’une dénonciation ou à cause de l’espagnolette non fermée ?
D’autres arrestations suivent peu après et leur nombre s’élèvent à treize, à l’initiative de la section des Affaires politiques de la Brigade régionale de police de Sûreté de Lyon : Marcel Thenon (étudiant, 18 ans), Léon Roy (employé, 24 ans), Louis Bollon (employé, 22 ans), Gabriel Pobel ( cultivateur, 22 ans), Georges Chambard (caissier, 20 ans), Georges Pobel (cultivateur, 18 ans), Martin Franchi (étudiant, (18 ans, chef de sizaine), Henri Martin (ouvrier agricole, 21 ans), Albert Martin (ouvrier agricole, 19 ans), Henri Écochard (pâtissier, 20 ans), René Paucod (mécanicien, 20 ans), Claudius Bernollin (jardinier, 20 ans) et Georges Antoine (agent d’assurances, 24 ans).
Le 23 juin 1943, le Tribunal de première instance prononce, à leur encontre, des amendes et des peines de prison, pour tous sauf Henri Martin, acquitté. Ensuite, pour les cinq premiers, le préfet régional ordonne un internement administratif « pour une période de 6 mois au centre de séjour surveillé de Saint-Paul-d’Eyjeaux » en Haute-Vienne, pour appartenance « aux organisations de résistance (Forces unies de la jeunesse) [15] ».
Des F.U.J. à l’École Carriat
L’inspecteur de la Police de Bourg poursuit ses investigations et, le 20 juin 1943, il recueille « divers renseignements au sujet du mouvement F.U.J. et d’actes de terrorisme ayant eu lieu dans la région, ces derniers temps ». Pour le Lycée Lalande, cela concerne Paul Morin (étudiant, 19 ans, chef de trentaine) et Marcel Cochet (moniteur d’éducation physique, 30 ans).
L’École primaire supérieure Carriat se révèle être aussi un foyer de F.U.J. avec Jean Houppert (18 ans, chef de trentaine), Daniel Arnaud (18 ans, chef de sizaine), Paul Millet (16 ans), Jean Rabeyrin (18 ans, chef de sizaine), Roger Pollet (16 ans, chef de sizaine), Georges Évieux (19 ans, chef de sizaine) et Joannès Pardon (18 ans), accompagnés d’un autre F.U.J., Jean Lusy (20 ans, ébéniste).
Deux autres hommes sont conjointement arrêtés : Joseph Geoffray (47 ans, chef de chantier) et Michel Pesce (35 ans, ébéniste). Ce dernier a déjà été condamné, en mai 1941, à quatre mois de prison, pour diffusion de tracts. Le rapport du 20 juin 1943 note que : « il ressort de l’enquête ainsi effectuée que tous les tracts et journaux des "Mouvements de Résistance Unis" ont été remis aux personnes en cause par le nommé PIODA Paul, vitrier-miroitier, rue du Gouvernement, à Bourg. Ce dernier, présentement interné par mesure administrative, n’a pu être entendu [16] ».
Parmi ces hommes, Georges Évieux (de Ceyzériat) et Paul Pioda sont internés le 16 juin 1943 et Paul Morin, le 22 juin 1943, pour « leur activité terroriste dans l’Ain [17] ».
Trois jours plus tard, le 23 juin 1943, la brigade de Police de Sûreté appréhende Pierre Bérézné (17 ans, étudiant), Albert Blanc (17 ans, tourneur sur métaux), Jean Boujon (15 ans, étudiant), Paul Favier (17 ans, étudiant), Hubert Gallet (18 ans, ajusteur), Albert Lonvis (17 ans, étudiant), Jean Mayollet (16 ans, étudiant), Émile Michon (17 ans, étudiant). « Les susnommés ont reconnu être membres de sizaines de l’organisation F.U.J. (Forces Unies de la Jeunesse) et avoir détenu des tracts que leur chef respectif leur avait remis [18] ». Pierre Bérézné, Jean Mayollet et Émile Michon sont des camarades de classe de Roger Martin à l’École Carriat.
À la suite de toutes ces arrestations, les condamnations de ces hommes, au tribunal, ne sont pas connues et, par leur âge, un seul est concerné par le S.T.O.
Le 9 octobre 1943, neuf détenus "politiques" sont transférés de la Maison d’arrêt de Bourg à celle de Lyon : Paul Pioda, Marcel Cochet, Paul Morin, Jean Lusy, Joseph Geoffray, cités ci-dessus, et Jean Falconnier (18 ans, mécanicien), André Chiambertti (60 ans, sellier) André Groby (32 ans, mécanicien) et Marie Françoise Bertrand (?) [19].
De la propagande à l’action
Les arrestations évoquées ci-dessus se déroulent dans une période où les attentats, à l’aide d’un "engin explosif", se multiplient contre les domiciles ou établissements de collaborateurs notoires. Les services de police en recensent 39 dans l’Ain, dont 13 à Bourg, du 23 mai au 18 juin 1943 [20].
En octobre 1943, par un regroupement de mouvements, les F.U.J. deviennent les Forces Unies de la Jeunesse Patriotique (F.U.J.P.). En cet automne, une restriction de liberté s’ajoute aux difficultés alimentaires et vestimentaires, au manque de transports : « à la suite des nombreux attentats et actes de terrorisme commis dans la région de Lyon, à la demande des autorités allemandes et sur instructions du Préfet Régional, le couvre-feu est institué dans l’ensemble du département de l’Ain de 22 heures à 5 heures à partir du 10 octobre [21] ». Cette situation incite le préfet de l’Ain a repoussé la rentrée scolaire au 18 octobre.
À l’écoute des directives de Londres, les résistants préparent la fête non officielle du 11 novembre 1943. Si cette date est désormais celle du défilé d’Oyonnax, ce serait dommage d’oublier les nombreuses autres manifestations, dans l’Ain, comme, par exemple, les jeunes filles de Cormoranche (canton de Pont-de-Veyle), les ouvriers réquisitionnés du camp de Marsonnas (canton de Montrevel), les Espagnols de Seyssel, les grévistes de Nantua ou de Bellegarde. Au mot d’ordre général, "les vainqueurs de demain aux vainqueurs de 14-18", ces manifestants ont pris des risques face aux forces de répression.
L’année 1944
Le débarquement des Alliés, sur les côtes françaises, est espéré pour 1944. La Résistance intensifie ses actions grâce à des financements et, bientôt, par des parachutages. Même si leurs premières fonctions restent la propagande et le renseignement, des membres des F.U.J.P. parcourent la campagne à la recherche de terrains pour d’éventuels largages d’armement, participent à divers coups de main pour trouver du ravitaillement ou des véhicules. Tout un réseau œuvre dans l’ombre, évoluant au gré des connaissances ou des contacts. Une organisation structurée serait trop s’exposer à la répression qui dispose d’informateurs. Les liaisons sont souvent assurées par des demoiselles.
Dans la mesure du possible, il est demandé aux résistants, en situation légale, de rester chez eux et d’attendre d’être éventuellement appelés. Ainsi bénéficient-ils des tickets d’alimentation, les camps du Maquis ayant assez de difficultés pour héberger et nourrir les réfractaires au S.T.O.
Pour Londres et les Alliés, la Résistance intérieure a été imaginée comme une force qui se prépare à être disponible au moment indiqué, pour la libération du territoire. Impatients d’agir, les résistants se consacrent à la lutte contre l’ennemi et ses forces supplétives, par des harcèlements ou attentats répétés.
En mai et juin 1944, des F.U.J.P., qui ne se sentent plus en sécurité, se replient sur des points plus sûrs, comme à Gravelles, hameau de Saint-Martin-du-Mont, au col de la Lèbe ou à Cléon à proximité d’Hauteville, ou encore à Bourbouillon, lieudit de Saint-André-sur-Vieux-Jonc. Là se base le Groupe Claude créé par Jean André, ancien élève du Lycée Lalande [22]. Ce groupe se placera sous la tutelle de l’Intelligence Service (I.S.) de Grande-Bretagne par l’intermédiaire du Capitaine Jag, Henri Gauthier, à partir du 6 juin 1944.
Au moment du débarquement
Les évènements se précipitent au début du mois de juin 1944. La Milice décide d’intervenir au Lycée Lalande dans l’après-midi du 5 juin et ce sont bien des Français qui s’en prennent à de jeunes Français, certes influencés par l’idéologie nazie mais, surtout, guidés par les directives de Laval, chef du Gouvernement, et Darnand, chef du Maintien de l’ordre.
Après la "rafle" contre le Lycée Lalande, les miliciens "bouclent" la ville de Bourg-en-Bresse à l’aube du 6 juin, jour du débarquement des Alliés sur les côtes normandes. Ces deux faits, totalement inédits, se percutent involontairement et sont développés dans notre chronique Le débarquement du 6 juin 1944 vécu à Bourg, en Bresse et Revermont (Voir le lien ci-après).
À l’aube de ce 6 juin, un groupe de F.U.J.P. a la mission de transporter des armes et des munitions de Bourbouillon, où elles étaient enterrées, à Gravelles, en évitant la ville. Cette consigne n’est pas respectée et le camion se heurte au barrage des miliciens, installé au carrefour des Granges-Bonnet, entre Péronnas et Bourg, où deux jeunes trouvent la mort.
À part les éléments qui n’ont pas rejoint les groupes de combat, les F.U.J.P. sont désormais une composante de la Résistance armée et quelques-uns y perdront la vie. L’un d’entre eux, Jean Houppert, dit Cobra, va trahir en étant au service des Allemands. A-t-il été "retourné" lors de son arrestation ? A-t-il appartenu aux Jeunesses hitlériennes avant de se réfugier en Bresse et d’intégrer les F.U.J. de l’École Carriat ? En 1944, il rejoint l’entourage du Colonel Romans, chef des Forces Françaises de l’Intérieur de l’Ain, car il était bilingue. Il sera démasqué, arrêté le 26 juin 1944 et fusillé après sa condamnation par un tribunal militaire.
Pour l’ensemble de l’histoire des F.U.J., un ancien du Groupe Claude, Charles Couard, a évoqué le parcours de la 5ème compagnie des F.U.J. dans un ouvrage, où nos lecteurs trouveront des renseignements très complets. Il est complété par la reproduction de nombreux documents d’archives dont le recensement des combattants de la 5ème compagnie des F.U.J.P., avec leur surnom et leur état-civil. Au 1er mai 1944, ils étaient 41 (25 %), dont 30 se sont engagés en 1943. Ensuite, les recrues ont été de 41 (17 %) entre le 1er et 18 mai, de 9 (6 %) entre le 21 mai et le 6 juin et de 85 (52 %) du 7 juin au 16 septembre, soit un total de 162 membres. Il s’agit des forces combattantes auxquels s’ajoutent les hommes qui ont rejoint d’autres unités, ceux qui ont été arrêtés par les forces de police et ceux qui sont restés dans la "Résistance Mouvement", non-combattante. La date d’engagement de chaque combattant est noté et les premières remontent à mars 1943. Ce document est instructif et il a été établi par la Résistance, peu après la libération du département.
Épilogue
. Une condamnation
Les élèves résistants ont eu beaucoup à souffrir du comportement de leur Proviseur M. Maurer, dont l’attitude est étudiée par la Commission d’épuration de l’Ain, instituée dès la libération du territoire. Le Comité départemental de la Libération approuve, le 30 octobre 1945, les conclusions de la Commission de l’Enseignement qui propose « la destitution de M. Maurer de ses fonctions universitaires ; sa comparution en Cour de justice ». Il lui est reproché « l’exclusion d’élèves pour activités gaullistes ; des rapports tendancieux faits contre des élèves ; des échafaudages invraisemblables d’hypothèses non vérifiées, des insinuations perfides n’ayant qu’un rapport éloigné avec les faits consignés, mais assez nettes pour être des dénonciations abjectes, dénotant un esprit qui, complètement acquis aux idées de la Révolution nationale, ne cherche qu’à dénoncer et à étouffer tout ce qui s’oppose à leur propagation [23] ».
. Une médaille
Lors d’une conférence à Revonnas, à la question « Pourquoi le Lycée Lalande a-t-il reçu la Médaille de la Résistance ? », une personne a répondu spontanément « Parce que quelqu’un l’a réclamée ! ». Effectivement, ce quelqu’un est A. Jeunet, Proviseur du Lycée qui écrit le courrier qui suit, le 24 octobre 1945.
« C’est vers 1941 que quelques manifestations individuelles et spontanées extériorisèrent, pour la première fois au Lycée, la sourde opposition qui existait déjà à l’égard des consignes de "l’ordre nouveau". C’est à cette époque également que commencèrent à circuler les premiers journaux clandestins. Puis, peu à peu, des groupes de résistance se constituèrent parmi les grands élèves. Un maître d’internat, M. Barange et un élève de Seconde, Marcel Thenon, fondèrent au lycée une section de F.U.J. (Forces unies de la jeunesse) qui réunit rapidement 300 adhérents.
En mai 1943, une première série d’arrestations enleva malheureusement aux organisations lycéennes leurs chefs les plus ardents. M. Barange qui, entre temps, était devenu chef départemental des F.U.J.P., après avoir accompli dans toute la région un courageux travail de recrutement et de coordination, fut arrêté, transféré à Montluc, torturé et fusillé.
Marcel Thenon, de son côté, fut arrêté et déporté en Allemagne. À la même époque, M. COCHET, moniteur d’éducation physique, qui avait gravi, par son courage et ses qualités de commandement, Chef départemental de la Résistance, fut arrêté, livré par la police française aux Allemands et déporté à Buchenwald puis à Dachau.
Paul MORIN, successeur de THENON à la tête du groupe F.U.J.P., fut arrêté à son tour en juin 1943 et déporté à Dachau. Ce fut Gilbert GUILLAND qui lui succéda et qui participa, avec ses camarades, aux nombreux parachutages qui précédèrent le débarquement du 6 juin 1944. Mais, à la veille de cette date, le 5 juin 1944 exactement, une rencontre mit aux prises aux abords du Lycée un groupe de F.U.J.P. et la milice. Deux jeunes lycéens furent blessés et capturés. Cette rencontre provoqua la descente de la milice au lycée en pleine session du baccalauréat, l’arrestation provisoire du proviseur et de quelques professeurs, l’arrestation définitive et la déportation de 10 élèves résistants : CHAMBARD, COLETTA, FIGUET, LANÇON ? LEBOEUF, NICOD, PELLET, PICOT, RABUEL, RUDE.
Au lendemain du débarquement, les grands élèves rejoignirent nombreux leurs formations armées. La compagnie du F.U.J.P. accomplit alors des missions de sabotage et de harcèlement le long des voies de communication et livra une série de combats dans la région de Hauteville. Une de ses sections mit, avec ses "bézookas", 8 chars "Tigre" hors de combat. Le Surveillant général, M. SCHMIDT, fut tué dans cet engagement.
Pendant la même période, de nombreux autres élèves prirent part aux opérations avec les organisations auxquelles ils appartenaient. C’est ainsi que Jean Rabeyrin, qui combattait avec les F.T.P., fut tué à Saint-Étienne-du-Bois, que BENSOUSSAN André et FRANCHI Martin furent tués également au sein de leurs formations respectives. Raymond SORDET et Serge TOURETTE, tous deux agents de "l’Intelligence Service’’ prirent une part active, dans la région méditerranéenne, à la préparation du débarquement du 15 août 1944 et furent finalement arrêtés et fusillés. Jean ANDRÉ, qui appartenait également à l’I.S., constitua un groupe dont il prit le commandement et fut chargé de missions de sabotage. Deux membres de ce groupe, qui se firent passer pour inspecteur de la S.N.C.F., firent exploser le poste d’aiguillage de la gare de Bourg.
etc...
Livre d’or de la Libération :
ANDRÉ Jean, élève, tué au combat
BARANGE Hugues, maître d’internat, fusillé
BENSOUSSAN André, élève, tué au combat
CÉRETTI André, élève, tué au combat
FRANCHI Martin, élève, tué au combat
GAILLARD Julien, élève, fusillé
GUERRIER Marcel, élève, tué au combat
LÉVY Jean-Paul, élève, fusillé
LUMALE André, tué au combat
MONTANGE Paul, ancien élève, mort en déportation
PAGE Roger, ancien élève, mort en déportation
RABEYRIN Jean, élève, tué au combat
SCHMIDT Pierre, surveillant général, tué au combat
SORDET Raymond, ancien élève, fusillé
TOURRETTE Serge, ancien élève, fusillé.
Déportés rapatriés :
BOISSET Jean, BRUN André, CHAMBARD Maurice, COCHET Marcel, COLETTA Urbain, FIGUET Pierre, FOREST René, LANÇON Maurice, LETHENET René, LEBOEUF Roger, MOREL René, MORIN Paul, PICOT René, PELLET Marcel, RENAUD François, RABUEL François, ROSSET Henri, RUDE Gilbert, THENON Marcel.
Compte tenu de son faible effectif (450 élèves dont seulement 200 dans les classes du Second Cycle), le Lycée Lalande a fourni à la Résistance une participation particulièrement importante et à payé, à la cause de la Libération, un tribut exceptionnellement lourd. Il fut, en fait, pendant les dernières années de l’occupation, un foyer de patriotisme et un contre de rayonnement des idées nationales.
Le Proviseur soussigné, qui ne dirigeait pas l’établissement pendant l’occupation, estime qu’il est de son devoir de proposer le Lycée pour la "Croix de la Libération".
Le Proviseur, A. Jeunet [24] ».
Ce texte, non écrit par un témoin, comporte de nombreuses approximations et des amalgames, notamment entre les lycéens et les combattants de la 5ème compagnie des F.U.J.P. , composée essentiellement de non-lycéens. Mettre l’activité guerrière de cette compagnie au crédit de la Résistance Lalande est une erreur. Comme faire de Marcel Cochet le "chef départemental de la Résistance". À la bataille de Meximieux, les Américains ont beaucoup contribué à la destruction des chars allemands. En outre, si Jean André a bien conduit un groupe de Résistance, il a été tué le 24 décembre 1944 dans le Sud-Ouest, dans des circonstances non élucidées, en dehors des combats de la Libération.
Les lycéens arrêtés le 5 juin ont été déportés, non pas en camp de concentration, mais dans le camp de travail de Heydebreck, en Haute-Silésie. Sous le porche d’entrée du Lycée, la plaque apposée en 2014 porte bien la mention Déportés en camp de travail. La nuance est d’importance et elle a fait l’objet de vifs débats après-guerre.
En définitive, le proviseur justifie sa demande de "Croix de la Libération", plus sur l’engagement d’élèves ou d’anciens élèves dans la Résistance combattante qu’une Résistance au sein du lycée, même si celle-ci n’a pas été négligeable par la propagande. En définitive, il a obtenu la "Médaille de la Résistance".
Fallait-il publier son texte ? Prolonger encore cette chronique ? Sans doute pour rappeler qu’il existe quelque part des archives écrites, trop souvent négligées. Notre projet n’est pas de remettre en cause la Résistance Lalande mais de mettre à disposition d’authentiques documents pour que chacun puisse se faire sa propre idée, entre légende et réalité.
Rémi Riche
Mai 2024
Avec la collaboration de Claude Brichon, Gyliane Millet, Hervé Testard, l’Ordre de la Libération (Fabrice Bourrée) et le personnel bienveillant des Archives départementales de l’Ain.
Chroniques complémentaires :
Le débarquement du 6 juin 1944 vécu à Bourg, en Bresse et Revermont
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Vol des fiches S.T.O. à Bourg-en-Bresse en mai 1943
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La Libération de Bourg et de ses environs, le 4 septembre 1944
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Deuxième Guerre mondiale : le S.T.O. ou aller travailler en Allemagne
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L’Union des femmes françaises, une organisation à la sortie de la guerre de 1939-1945
Photos
[1] Rapport du préfet de l’Ain au ministère de l’Intérieur du 30 janvier 1941. Dossier 180W107. A.D. Ain.
[2] Rapport au préfet du 24 mai 1941. A.D. Ain. 180W102.
[3] Cette organisation s’est substituée aux associations d’anciens combattants, selon la volonté de Pétain.
[4] A.D. Ain. 180W120.
[5] Informations relevées dans le bilan de mai 1941 des services de police et de gendarmerie de l’arrondissement de Bourg du 3 juin 1941. A.D. Ain. 180W479.
[6] Extraits d’une copie du témoignage complet de quatre pages et demie, conservée dans le dossier 180W591 des A D. Ain.
[7] D’après le témoignage de Jean Paul Dubois.
[8] A.D. Ain. 180W311.
[9] Dans ses témoignages à propos des F.U.J., Paul Morin évoque octobre 1941.
[10] Son rapport au préfet régional du 2 septembre 1942. A.D. Ain. 180W103.
[11] A.D. Ain. 180W308.
[12] Témoignage écrit le 19 octobre 2010 par Roger Martin de Pont-de-Claix (38). A.D. Ain. 67J24.
[13] Extrait du même témoignage.
[14] Rapports du 17 mars des R.G. et du 22 du préfet. A.D. Ain. 180W309.
[15] D’après les documents du dossier 719W10. A.D. Ain. Lire aussi notre Chronique "Le vol des fiches S.T.O.", lien à la suite de cette chronique.
[16] A.D. Ain. 180W120.
[17] A.D. Ain. 180W263. N.D.L.R. : Marcel Thenon arrêté le 24 mai 1943 et maintenu en prison, Paul Morin, arrêté le 18 juin 1943, ne l’aura remplacé à la tête des F.U.J. que durant moins d’un mois.
[18] A.D. Ain. 719W10.
[19] Rapport de la Gendarmerie nationale du 9 octobre 1943. A.D. Ain. 180W310.
[20] A.D. Ain. 63J10.
[21] Courrier de l’Ain du 11 octobre 1943.
[22] Son nom est inscrit sur la note "Gaullistes’’ de juin 1941. Voir au début de cette chronique.
[23] A.D. Ain. 63J10.
[24] Document transmis par l’Ordre de la Libération.